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Résolution du Parlement européen sur la peine de mort en Iran

P9_TA(2022)0050
résolution du 17 février 2022 - Union européenne
Pays :
peine de mort / Iran
Résolution du Parlement européen du 17 février 2022 sur la peine de mort en Iran (2022/2541(RSP))

Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur l'Iran,
– vu les orientations de l'Union concernant la peine de mort,
– vu les directives de l'Union sur les militants des droits de l'homme,
– vu le régime mondial de sanctions de l'Union en matière de droits de l'homme (loi Magnitsky de l'Union),
– vu la déclaration du 30 janvier 2022 du porte-parole du Service européen pour l'action extérieure (SEAE) sur la condamnation de Narges Mohammadi,
– vu l'ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d'emprisonnement, formulé en 1988 par les Nations unies,
– vu les déclarations du 18 mars 2021 du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme demandant la libération immédiate d'Ahmadreza Djalali, et du 25 novembre 2020 demandant à l'Iran de suspendre son exécution,
– vu l'avis adopté par le groupe de travail sur la détention arbitraire du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme à sa session du 20 au 24 novembre 2017 et portant sur le cas d'Ahmadreza Djalali (République islamique d'Iran),
– vu le pacte international relatif de 1966 aux droits civils et politiques,
– vu la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948,
– vu la convention des Nations unies de 1989 relative aux droits de l'enfant,
– vu l'article 144, paragraphe 5, et l'article 132, paragraphe 4, de son règlement intérieur,

A. considérant que l'abolition totale de la peine de mort dans le monde est l'un des principaux objectifs de la politique de l'Union en matière de droits de l'homme;

B. considérant que, selon les Nations unies, 275 personnes au moins auraient été exécutées en Iran, dont au moins deux enfants et dix femmes entre le 1er janvier et le 1er décembre 2021; que l'Iran enregistre le plus grand nombre d'exécutions par habitant au monde; que les autorités iraniennes ont prononcé des condamnations à mort et fait exécuter des personnes pour avoir participé à des manifestations, mais n'ont mené aucune enquête transparente sur les graves allégations de recours à une force excessive et létale par des agents de sécurité contre des manifestants; que les prisonniers en Iran sont souvent soumis à la torture, ce qui fait craindre que des condamnations à mort aient été prononcées sur la base de faux aveux pour des crimes que les personnes incriminées n'avaient pas commis;

C. considérant que l'Iran exécute des mineurs, en violation des obligations qui lui incombent en vertu de la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant; qu'entre 2009 et septembre 2020, au moins 67 délinquants mineurs auraient été exécutés; que 85 délinquants mineurs se trouvaient dans le couloir de la mort en Iran en janvier 2022;

D. considérant que la peine de mort est appliquée de manière disproportionnée aux minorités ethniques et religieuses, notamment les Baloutches, les Kurdes, les Arabes et les Baha'is; que le Code pénal criminalise l'homosexualité et que la peine de mort est utilisée pour cibler les personnes LGBTIQ; que les femmes sont soumises à la peine de mort en raison de la nature discriminatoire de plusieurs lois qui les concernent directement;

E. considérant que, selon Reporters sans frontières, après l'exécution de Rouhollah Zam le 12 décembre 2020, l'Iran a exécuté plus de journalistes que tout autre pays; que l'Iran reste l'un des pays les plus répressifs au monde à l'endroit des journalistes et que ces derniers sont soumis, ainsi que les médias en général, à un harcèlement incessant;

F. considérant qu'Ahmadreza Djalali, médecin irano-suédois, professeur à la Vrije Universiteit Brussel en Belgique et à l'université du Piémont oriental en Italie, a été condamné à mort pour de faux motifs d'espionnage en octobre 2017 à la suite d'un procès procès inique et que sa condamnation se fonde sur des aveux extorqués sous la torture; qu'il est régulièrement placé à l'isolement dans la prison d'Evin;

G. considérant que de nombreux cas de conditions inhumaines et dégradantes ont été signalés, notamment dans la prison d'Evin, ainsi qu'un accès insuffisant aux soins médicaux pendant la détention, en violation de l'Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus;

H. considérant que d'autres ressortissants de l'Union sont détenus arbitrairement en Iran; que l'Iran ne reconnaît pas la double nationalité, limitant ainsi l'accès des ambassades étrangères à leurs binationaux détenus dans le pays;

I. considérant que Mohammad Javad, champion de boxe, a été condamné à mort en janvier 2022 après avoir été accusé de «répandre la corruption sur Terre»; que Navid Afkari, un lutteur qui a déclaré avoir été torturé pour lui extorquer de faux aveux, a été exécuté en septembre 2020; que leurs peines sont directement liées à l'exercice pacifique du droit à la liberté d'expression et de réunion;

J. considérant que les condamnations de Mohammad Javad et de Navid Afkari s'inscrivent dans le cadre d'une intensification de la répression contre les athlètes en Iran;

K. considérant que Narges Mohammadi, lauréate du prix Per Anger, à l'avant-garde de la campagne contre la peine de mort en Iran, a récemment été condamnée à huit années supplémentaires de prison et à 70 coups de fouet;

L. considérant que Nasrin Sotoudeh, avocate renommée pour son action en faveur des droits de l'homme, qui a fait campagne pour l'abandon progressif de la peine de mort et a travaillé sans relâche avec de jeunes condamnés à mort pour des crimes commis alors qu'ils avaient moins de 18 ans, a été condamnée à 33,5 ans de prison en mars 2019; qu'elle s'est vu décerner le prix Sakharov 2012 pour la liberté de l'esprit par le Parlement en reconnaissance de son travail exceptionnel pour la défense des droits de l'homme;

M. considérant que les disparitions forcées et exécutions sommaires forcées à grande échelle perpétrées en 1988 contre des dissidents politiques n'ont à ce jour fait l'objet d'aucune enquête et que personne n'a été tenu responsable de ces actes;

N. considérant que l'Union a adopté des mesures restrictives à l'égard de l'Iran depuis 2011 en réponse à des violations des droits de l'homme, notamment un gel des avoirs et une interdiction de visa pour les personnes et les entités responsables de graves violations des droits de l'homme, ainsi qu'une interdiction des exportations vers l'Iran d'équipements susceptibles d'être utilisés à des fins de répression interne ou de surveillance des télécommunications; que ces mesures sont régulièrement réactualisées et ont été prorogées jusqu'au 13 avril 2022;

O. considérant que depuis qu'Ebrahim Raisi est devenu président en août 2021, le nombre d'exécutions, y compris de femmes, a considérablement augmenté;

P. considérant que, selon les rapports, 400 à 500 femmes sont brutalement assassinées chaque année en Iran, victimes de crimes dits d'honneur; que, dans certaines circonstances, le Code pénal iranien autorise ces crimes, qui ne sont pas sanctionnés; qu'on dénie souvent toute justice à ces femmes et à ces hommes victimes de crimes commis au nom de «l'honneur»; que le 5 février 2022, Mona Heydari a été décapitée par son mari qui a ensuite paradé dans les rues avec sa tête coupée dans la ville d'Ahvaz, au sud-ouest du pays; qu'en mai 2020, Romina Ashrafi, âgée de 13 ans, a été décapitée dans son sommeil par son propre père, avec une faucille;

Q. considérant que, selon le département d'État américain, l'Iran est resté ces dernières années le principal acteur étatique mondial à alimenter le terrorisme et à fournir un soutien politique, financier, opérationnel et logistique à de nombreux groupes figurant à la fois sur la liste des organisations terroristes de l'Union européenne et sur la liste des organisations terroristes étrangères tenue par les États-Unis;

1. réitère son opposition inconditionnelle à la peine de mort; demande au gouvernement iranien d'instaurer un moratoire immédiat sur la peine de mort, dans la perspective d'une abolition totale de la peine de mort y compris pour les personnes déjà condamnées;

2. demande aux autorités de la République islamique d'Iran de modifier d'urgence l'article 91 du Code pénal islamique d'Iran afin d'interdire explicitement le recours à la peine de mort pour les crimes commis par des personnes âgées de moins de 18 ans, en toutes circonstances et d'ôter aux juges la possibilité de les condamner à mort et de les emprisonner à vie sans possibilité de libération;

3. exprime ses plus profondes condoléances aux familles, amis et collègues de toutes les victimes innocentes;

4. souligne la nécessité d'assurer un environnement sûr et favorable où il est possible de défendre et de promouvoir les droits de l'homme sans crainte de représailles, de punitions ou d'intimidations; soutient fermement les aspirations du peuple iranien qui souhaite vivre dans un pays libre, stable, inclusif et démocratique qui respecte ses engagements nationaux et internationaux en matière de droits de l'homme et de libertés fondamentales;

5. demande instamment aux autorités iraniennes d'abandonner immédiatement toutes les charges retenues contre Ahmadreza Djalali, de le libérer et de l'indemniser, et de cesser de menacer sa famille en Iran et en Suède;

6. demande une nouvelle fois au vice-président de la Commission et haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité ainsi qu'aux États membres de l'Union de faire le maximum pour empêcher l'exécution d'Ahmadreza Djalali;

7. exhorte les autorités iraniennes à coopérer sans délai avec les ambassades des États membres à Téhéran pour établir une liste complète des binationaux UE-Iran actuellement détenus dans les prisons iraniennes;

8. invite tous les États membres à faire des déclarations publiques conjointes et à entreprendre ensemble des initiatives diplomatiques pour suivre les procès inéquitables et se rendre dans les prisons où sont détenus des défenseurs des droits de l'homme et d'autres prisonniers d'opinion, dont des ressortissants européens en Iran, conformément aux orientations de l'Union concernant les défenseurs des droits de l'homme; demande que toutes les charges retenues contre tous les ressortissants de l'Union détenus arbitrairement soient rapidement abandonnées;

9. demande aux autorités iraniennes de libérer tous les prisonniers politiques, y compris ceux qui défendent les droits de l'homme, et notamment l'éminente militante des droits de l'homme Narges Mohammadi, le journaliste politique Mehdi Mahmoudian, récemment condamné à sept mois de prison supplémentaires en raison de son travail contre la peine de mort, et la lauréate du prix Sakharov Nasrin Sotoudeh;

10. déplore l'usage systématique de la torture dans les prisons iraniennes et demande qu'il y soit immédiatement mis un terme, ainsi qu'à toutes les autres formes de mauvais traitements; condamne la pratique consistant à refuser les appels téléphoniques et les visites familiales aux détenus; est extrêmement préoccupé par le fait que les détenus n'ont pas accès à une représentation légale pendant les interrogatoires;

11. condamne fermement la détérioration croissante de la situation des droits de l'homme en Iran, en particulier pour les personnes appartenant à des minorités ethniques ou religieuses, du fait d'une discrimination politique, économique, sociale et culturelle systémique; déplore une surenchère alarmante concernant le recours à la peine de mort à l'encontre des manifestants, des dissidents, des défenseurs droits de l'homme et des membres de groupes minoritaires;

12. demande aux autorités iraniennes de s'attaquer à toutes les formes de discrimination à l'égard des personnes membres des minorités ethniques et religieuses (Baloutches, Kurdes, Arabes, Baha'is, chrétiens, etc.) et des personnes LGBTIQ, et de libérer immédiatement et inconditionnellement toutes les personnes emprisonnées pour avoir exercé leur droit à la liberté de religion ou de conviction ou en raison de leur orientation sexuelle;

13. condamne avec la plus grande fermeté l'application de la peine de mort pour homosexualité, qui est toujours illégale en Iran;

14. demande aux autorités iraniennes d'abroger immédiatement la loi sur la population juvénile et la protection de la famille et de garantir l'accès aux services publics de santé sexuelle et génésique, y compris à des services d'avortement sûrs, légaux, gratuits et de qualité en toutes circonstances; rappelle que le fait de refuser l'avortement aux femmes constitue une forme de violence fondée sur le genre et peut s'apparenter à de la torture ou à un traitement cruel, inhumain et dégradant; condamne fermement les menaces des autorités iraniennes de punir l'avortement par la peine de mort et appelle les autorités iraniennes, en particulier, à abroger sans retard cette disposition; invite l'Union et les États membres à coopérer avec les Nations unies pour surveiller de près la nouvelle loi sur la population juvénile et la protection de la famille, ses effets sur les décès maternels et toute évolution concernant l'application de la peine de mort en cas d'avortement;

15. souligne que les citoyens iraniens, par l'intermédiaire d'initiatives citoyennes, demandent constamment que la peine de mort soit abolie, qu'elle ne soit plus utilisée contre les défenseurs des droits de l'homme ou pour punir sans mesure les membres des minorités; soutient la société civile iranienne et ses efforts pacifiques en faveur des droits de l'homme;

16. appelle l'Iran à autoriser les visites et à coopérer pleinement à toutes les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme des Nations unies ainsi qu'avec le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran;

17. demande instamment à l'Union de soulever la question des violations des droits de l'homme dans ses relations bilatérales avec l'Iran; demande au vice-président de la Commission et haut représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de veiller à ce que le Service européen pour l'action extérieure continue à soulever les questions relatives aux droits de l'homme dans le cadre du dialogue de haut niveau UE-Iran; réaffirme que le respect des droits de l'homme est une composante essentielle du développement des relations UE-Iran;

18. se félicite de l'adoption par le Conseil du régime mondial de sanctions de l'Union en matière de droits de l'homme (loi Magnitsky), instrument important qui permet à l'Union de sanctionner les auteurs de violations des droits de l'homme; demande que des mesures ciblées soient prises, soit au travers du régime de sanctions de l'Union actuellement en vigueur en matière de droits de l'homme à l'encontre de l'Iran, soit par celui de la loi Magnitsky, à l'encontre des responsables iraniens qui ont commis de graves violations des droits de l'homme, notamment des exécutions et des détentions arbitraires de ressortissants étrangers et binationaux en Iran, et notamment des juges qui ont condamné à mort des journalistes, des défenseurs des droits de l'homme, des dissidents politiques et des militants;

19. estime que de nouvelles sanctions ciblées seront nécessaires si les autorités iraniennes ne libèrent pas Ahmadreza Djalali, comme le demandent l'Union européenne et ses États membres;

20. souligne le rôle déstabilisateur du régime iranien dans l'ensemble de la région et dénonce le fait que celui-ci est responsable de la mort de nombreux civils en Syrie, au Yémen et en Irak;

21. charge sa Présidente de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, au vice-président de la Commission et haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, ainsi qu'au Secrétaire général des Nations unies, au Guide suprême et au Président de la République islamique d'Iran et aux membres du Majlis (Parlement iranien).
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