(Washington) Un homme atteint d'autisme est en instance d'exécution jeudi au Texas malgré les doutes sur sa condamnation pour le décès en 2002 de sa fille, attribué au syndrome du bébé secoué, et la vaste mobilisation pour une révision de son procès.
Il s'agit du dernier cas en date aux États-Unis dans lequel la possible innocence du condamné sape la légitimité de la peine de mort au sein de l'opinion publique.
Le 24 septembre, le Missouri, un autre État du Sud, a exécuté Marcellus Williams, qui s'était toujours déclaré innocent du meurtre en 1998 de Felicia Gayle. Aucune trace de son ADN n'ayant été retrouvée sur les lieux du crime, sa condamnation reposait sur le témoignage d'un ancien codétenu et d'une ex-compagne.
Et la semaine dernière, la Cour suprême américaine a débattu de la condamnation de Richard Glossip pour avoir commandité le meurtre en 1997 de son employeur, ce qu'il a toujours nié. Fait exceptionnel, le procureur général de l'Oklahoma comme la défense réclament un nouveau procès, mais la justice de l'État le leur a refusé.
Robert Roberson, 57 ans, condamné en 2003 à la suite du décès de sa fille Nikki, a déposé un recours de dernière minute auprès de la Cour suprême après s'être vu refuser mercredi une demande de clémence par la commission des grâces du Texas, à la veille de la date prévue pour son exécution.
Un tel refus signifie que le gouverneur républicain Greg Abbott est dans l'impossibilité légale de commuer la peine. Il peut cependant décider d'un sursis de 30 jours à l'exécution.
« Erreur tragique »
Gretchen Sween, l'une des avocates de Robert Roberson, a exhorté le gouverneur à accorder ce sursis pour continuer à explorer leurs recours possibles.
« Nous prions pour que le gouverneur Abbott fasse tout ce qui est en son pouvoir pour empêcher l'erreur tragique et irréversible qu'est l'exécution d'un homme innocent », a-t-elle déclaré.
Gretchen Sween avait déjà indiqué son intention de saisir la Cour suprême des États-Unis.
Les défenseurs de Robert Roberson font valoir que le diagnostic du syndrome du bébé secoué, établi en 2002 à l'hôpital où il avait amené sa fille aux urgences, était erroné. De plus, son autisme, finalement officiellement diagnostiqué en 2018 et interprété à l'époque comme une indifférence à la situation, a pesé lourd dans sa condamnation, selon eux.
Ils invoquent également une décision de la Cour d'appel du Texas qui la semaine dernière dans une affaire similaire a annulé une condamnation de 2000 sur la base du syndrome du bébé secoué, considérant que l'analyse scientifique avait évolué depuis, et ordonné un nouveau procès, avec l'accord de l'accusation.
Des analyses médicales récentes ont identifié la cause de la mort de la fille de Robert Roberson comme étant une grave pneumonie, non détectée à l'époque, aggravée par la prescription de médicaments inadaptés, comme en attestent dans une lettre 34 médecins.
« Ne plus exécuter »
« Le plus étonnant dans le cas de Robert », c'est qu'il n'y a « pas de crime », s'est indigné en septembre lors d'une conférence de presse en ligne l'auteur de polars à succès John Grisham, ancien avocat et militant de la lutte contre les erreurs judiciaires.
« Quand vous vous intéressez aux condamnations injustes, vous vous rendez compte du nombre d'innocents qui sont en prison et que nous pourrions y mettre fin si nous en avions la volonté politique », a-t-il expliqué.
L'ancien policier Brian Wharton, chargé du dossier à l'époque et qui défend depuis des années l'annulation de la condamnation, a dénoncé mardi l'indifférence de la population permettant « que des innocents se retrouvent en prison et que la mort d'un innocent soit programmée jeudi ».
« Nous ne devons plus exécuter de gens, point final », a déclaré M. Wharton, devenu pasteur méthodiste. « Parce que nous ne pouvons pas faire marcher le système, c'est impossible », a-t-il insisté.
Selon un sondage de l'institut Gallup il y a un an, une majorité d'Américains (50 % contre 47 %) estime que la peine capitale n'est pas équitablement appliquée aux États-Unis, une première depuis le lancement de cette enquête en 2000.
Une majorité (53 %) reste néanmoins favorable à la peine de mort, selon la même source.