Le tribunal de Dacca a prononcé la sentence ultime contre Sheikh Hasina, pour avoir organisé la répression meurtrière des manifestations qui ont causé sa chute en 2024.
L'ex-Première ministre en exil du Bangladesh Sheikh Hasina, 78 ans, a été condamnée lundi à mort pour avoir ordonné la répression meurtrière des manifestations qui ont causé sa chute pendant l'été 2024, dénonçant aussitôt un verdict «politiquement motivé». Au terme de cinq mois de procès, un tribunal de la capitale Dacca a estimé que la «bégum de fer» était coupable de crimes contre l'humanité, notamment pour avoir incité et ordonné des meurtres.
«Tous les éléments (...) constitutifs du crime contre l'humanité sont réunis», a déclaré le juge Golam Mortuza Mozumder en rendant son verdict, «nous avons décidé de lui infliger une seule peine, la peine de mort».
Depuis son exil en Inde, Sheikh Hasina, qui a toujours nié les accusations portées contre elles, a aussitôt dénoncé un jugement «politiquement motivé», ordonné par «un tribunal illégal, nommé et présidé par un gouvernement non élu et sans mandat démocratique». «Ce verdict de culpabilité était préétabli», a-t-elle ajouté dans un communiqué. «Je n'ai pas peur d'être confrontée à mes accusateurs devant un tribunal impartial où les preuves seront entendues honnêtement».
En juillet et août 2024, les manifestations antigouvernementales qui l'ont contrainte à quitter le pays après quinze ans de règne ont fait au moins 1400 morts, selon l'ONU, pour la plupart des civils. Dans un pays sous fortes tensions politiques déjà tourné vers les élections législatives prévues dans trois mois, la décision était très attendue.
«Bouc émissaire»
La police de la capitale avait été placée en alerte et déployée en nombre pour procéder à des contrôles stricts autour du tribunal et dans tous les points névralgiques de la ville, ont constaté des journalistes de l'AFP. Au terme des débats, le représentant de l'accusation, Tajul Islam, avait requis le mois dernier la condamnation de Sheikh Hasina à la peine capitale. «Pour un simple meurtre, la peine de mort est la règle. Pour 1400 meurtres, elle la mérite 1400 fois», avait-il déclaré devant les juges. «Elle est une criminelle endurcie et n'a fait preuve d'aucun remord pour sa brutalité.»
Dans le communiqué qu'elle a publié lundi, Sheikh Hasina a rejeté les éléments retenus contre elle par l'accusation, notamment des enregistrements suggérant qu'elle avait autorisé le recours aux «armes létales» contre la foule. Ces enregistrements sont «fragmentaires et ont été sortis de leur contexte», a argué l'ex-cheffe du gouvernement. «Les dirigeants du Bangladesh ont agi de bonne foi et avec le souci de minimiser les pertes en vies humaines».
Sheikh Hasina en a également profiter pour dénoncer le gouvernement provisoire mené par le prix Nobel de la paix Muhammad Yunus qui a pris sa succession jusqu'aux élections prévues en février prochain. Ella a notamment dénoncé sa décision d'interdire son parti, la Ligue Awami, d'y participer. «Leur but consiste à faire de la Ligue Awami des boucs émissaires pour détourner l'attention du monde de (leurs) échecs», a-t-elle lancé.
Ex-ministre condamné
Dans l'opposition sous le règne de Sheikh Hasina, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) est considéré comme le grand favori du prochain scrutin. Après ce verdict, «la perspective de voir Sheikh Hasina organiser un retour au Bangladesh apparaît extrêmement mince», a commenté Thomas Kean, analyste à l'ONG International Crisis Group (ICG).
Le tribunal a également condamné à mort lundi l'ancien ministre de l'Intérieur, Asaduzzaman Khan Kamal, lui aussi en fuite. L'ex-chef de la police, Chowdhury Abdullah Al Mamun, en détention et qui a plaidé coupable, s'est vu lui infliger une peine de cinq ans d'emprisonnement.
Le parcours judiciaire de Sheikh Hasina ne se limite pas à ce procès. Elle fait également l'objet de multiples plaintes pour les meurtres, enlèvements et séquestrations dont l'ont accusé, tout au long de ses mandats, ses adversaires politiques et les ONG.
Une commission d'enquête a récemment chiffré à plus de 250 le nombre de disparitions d'opposants ordonnées par son gouvernement. Sheikh Hasina a une nouvelle fois balayé ces accusations lundi. «Je suis très fière du bilan de mon gouvernement en matière de respect des droits humains et de développement», a-t-elle insisté.
L'ONU «regrette» la condamnation à mort de l'ex-Première ministre
L'ONU a estimé lundi que le verdict rendu contre l'ancienne Première ministre du Bangladesh, accusée de crimes contre l'humanité, constitue un «moment important pour les victimes», mais regrette sa condamnation à mort.
«Nous regrettons (...) l'imposition de la peine de mort, à laquelle nous nous opposons dans toutes les circonstances», a déclaré une porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'homme, Ravina Shamdasani.