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Quatrième rapport présenté par le Yémen au Comité des droits de l'homme (extrait)

CCPR/C/YEM/2004/4
rapport du 3 décembre 2004 - Comité des droits de l'homme - Yémen
Pays :
peine de mort / Yémen
Comité des droits de l'homme
Examen des rapports présentés par les Etats parties en vertu de l'article 40 du Pacte
Quatrième rapport périodique des États parties
YÉMEN
[Original: Arabe - 21 juillet 2004]

[...]

Article 6

Paragraphe 1: Le droit à la vie

101. Comme nous l'indiquions aux paragraphes 30 et 31 de notre rapport précédent, le Yémen respecte ce droit en fait et en droit.

Paragraphe 2: La peine de mort

102. En ce qui concerne la peine de mort et le droit de faire appel de la peine ou de solliciter la commutation de celle-ci, on notera ce qui suit :

103. La Constitution énonce un grand nombre de garanties et la législation en vigueur protège les droits de l'homme comme il se doit, en particulier le droit à la sécurité et le droit à la vie. Tout cela est conforme pour l'essentiel aux garanties internationales pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort approuvées par le Conseil économique et social dans sa résolution 1984/50 du 25 mai 1984, qui comporte 9 paragraphes (voir le Recueil d'instruments internationaux publié par les Nations Unies à New York en 1993).

104. En droit islamique, la peine de mort est considérée comme le pivot du système pénal islamique, et les musulmans ne sauraient admettre qu'on l'abolisse, eu égard essentiellement à son rôle dissuasif. En droit islamique, la peine de mort se justifie par le fait qu'elle peut empêcher une personne de faire le mal.

105. En conséquence, notre législation prévoit la peine de mort pour les crimes les plus graves et les plus atroces. Le meurtre est un de ces crimes (voir art. 234, 235, 249 et 246 du Code pénal), les juristes se rangeant unanimement derrière la loi du talion comme étant la meilleure façon, en droit et souvent en fait, de préserver la vie humaine. De plus, tous, les grands comme les petits, les riches comme les pauvres, les forts comme les faibles, sont égaux au regard de cette loi, comme le Coran le confirme. Sont également passibles de la peine de mort les auteurs de crimes qui portent atteinte à la stabilité et à l'unité du pays ou à son intégrité territoriale et les personnes qui affaiblissent sa capacité de défense, aident ses ennemis ou nouent des contacts illicites avec une puissance étrangère afin de divulguer des secrets nationaux (voir art. 125 à 128 du Code pénal).

106. Sont également passibles de la peine de mort en tant que châtiment exemplaire ceux qui participent à un mouvement armé visant à s'emparer de façon illicite de terres ou de biens appartenant à l'Etat ou à ses ressortissants, opposent une résistance à des militaires durant une poursuite ou à des fonctionnaires dûment habilités à faire respecter les lois, lorsqu'il y a mort d'homme (art. 133 du Code pénal). En outre, conformément à la loi n° 24 de 1998, la peine de mort peut être appliquée comme châtiment exemplaire en cas d'enlèvement ou de brigandage : selon l'article premier de cette loi, est passible de la peine de mort celui qui dirige un groupe afin de commettre des enlèvements ou des actes de brigandage ou de s'emparer par la force de biens publics ou privés, et celui qui participe aux activités d'un tel groupe. Sont également passibles de la peine de mort les crimes énoncés dans le Code pénal militaire de 1998.

107. Les auteurs de crimes de guerre sont passibles, lorsqu'il y a mort d'homme, de la peine capitale. En cas de mort d'homme, toute personne qui se rend coupable d'incendie volontaire, de pollution ou de noyade, ou qui cause une catastrophe est passible de la peine de mort (art. 137 à 141).

108. L'adultère de l'homme ou de la femme est passible de la mort par lapidation, en vertu du paragraphe 38.2 et de l'article 263 du Code pénal ; la sodomie est passible de la peine de mort, lorsque l'auteur du crime est un homme marié.

109. Sont passibles de la peine de mort les infractions en matière de drogues (exportation, importation, fabrication, possession, achat et vente) en vertu des articles 33 à 35 de la loi sur l'usage et le trafic illicites de stupéfiants et de substances psychotropes (loi n° 3 de 1993). Le proxénétisme est passible de la peine de mort en cas de récidive (art. 280 du Code pénal).

110. Le droit à la sécurité et à la vie étant une liberté individuelle fondamentale, car tous les autres droits en découlent, il y a lieu de relever ici les principales garanties et mesures protectrices contenues dans la Constitution et dans les lois dont il vient d'être fait état.

- L'article 48 a) de la Constitution est ainsi libellé : " L'Etat garantit la liberté personnelle de ses ressortissants et préserve leur dignité et leur sécurité. La loi détermine les cas dans lesquels la liberté peut être limitée. On ne peut porter atteinte à la liberté de personne qu'en vertu d'un jugement prononcé par un tribunal compétent. " Le Code de procédure criminelle énonce en son article 11 des dispositions analogues.

- L'article 46 de la Constitution est ainsi libellé : " La responsabilité pénale est individuelle. Toute infraction ou peine doit se fonder sur une disposition du droit islamique ou de la loi. Tout accusé est innocent jusqu'à ce que sa culpabilité soit établie par une décision judiciaire définitive. Les lois pénales ne peuvent avoir d'effet rétroactif. " Le Code de procédure criminelle énonce en ses articles 2 à 4 des dispositions analogues .

- Soucieux de protéger le droit à la vie contre tout arbitraire, l'article 234 du Code pénal énumère comme suit les cas dans lesquels la peine de mort peut être prononcée :

"Celui qui commet un homicide volontaire sur la personne d'un innocent est passible de la peine de mort à titre de vengeance, à moins que la personne habilitée à exercer le droit de vengeance ne renonce à celui-ci. Lorsqu'une telle renonciation est absolue ou qu'elle est subordonnée au versement du prix du sang, ou que l'auteur du crime meurt avant d'être jugé, la peine est constituée par le versement du prix du sang, sans égard aux opinions professées par la victime avant la commission du crime. Une condamnation au titre de la loi du talion ne peut être prononcée que si la personne habilitée à exercer une vengeance a revendiqué ce droit et que l'infraction est établie incontestablement. Lorsque ces deux conditions, ou l'une d'elles, ne sont pas remplies et que le juge estime, sur la base du dossier, que l'accusé a bel et bien commis le crime, ou lorsque la vengeance n'est pas possible, ou qu'elle ne peut s'exercer pour quelque motif que ce soit sans qu'il y ait pour autant été renoncé, l'auteur du crime est puni d'une peine d'emprisonnement de trois ans au moins et de dix ans au plus. Lorsque l'auteur de crime a déjà un lourd passé, ou que le meurtre a été commis dans des conditions particulièrement atroces, ou qu'il a été commis sur au moins deux personnes, ou lorsque l'auteur du crime a déjà commis un meurtre de propos délibéré, ou lorsque le meurtre a été commis pour permettre la commission d'un autre crime ou la dissimulation de celui-ci, ou lorsque la victime est une femme enceinte ou un fonctionnaire ou un agent du service public qui a été tué dans l'exercice, en raison de l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, l'auteur du crime est passible de la peine de mort, même si la victime avait renoncé à son droit de vengeance."

- L'article 434 du Code de procédure criminelle est ainsi libellé : " Lorsque l'auteur de l'infraction est condamné à la peine de mort ou à l'application de la loi du talion entraînant la perte de la vie ou d'un membre, le ministère public est tenu, même en l'absence de tout pourvoi, de soumettre l'affaire à la Cour suprême et de joindre un mémoire exposant ses vues, et la Cour suprême peut casser le jugement. "

- L'article 469 du Code de procédure criminelle est ainsi libellé: " Nul ne peut être puni pour quelque infraction que ce soit s'il n'a été reconnu coupable et condamné régulièrement par un tribunal compétent. "

- L'article 479 du Code de procédure criminelle est ainsi libellé: " Nulle peine de mort, nulle peine exemplaire ou appliquée au titre de la loi du talion ne peut être exécutée sur la personne du condamné tant que le Président de la République ne l'a pas ratifiée. "

- L'article 480 est ainsi libellé : " Le Président de la République publie un décret par lequel il autorise l'exécution de la sentence, de la peine exemplaire ou de la peine appliquée au titre de la loi du talion. Lorsque la peine prononcée est la peine de mort, le décret peut autoriser l'exécution de la sentence ou commuer celle-ci en une autre peine ou gracier le condamné. "

- L'article 484 du Code de procédure criminelle dispose ce qui suit , tout comme le font d'autres articles : " Nulle condamnation à mort, nulle peine exemplaire ou appliquée au titre de la loi du talion et entraînant la perte de la vie ou d'un membre ne peut être exécutée un jour férié ou un jour de fête religieuse selon la religion du condamné. Lorsqu'une femme enceinte est condamnée, la peine ne peut être exécutée tant que l'intéressée n'a pas accouché ; dans le cas d'une femme qui allaite un nourrisson, la peine ne peut être exécutée avant que l'enfant ne soit sevré dans les deux ans qui suivent, et à condition qu'il ait un tuteur. En pareil cas, la femme condamnée est maintenue en détention jusqu'au moment où la peine est exécutée. "

111. Conscient de la gravité de la peine de mort, qui met un terme à la vie et est irrémédiable, le législateur a pris soin de la subordonner à des conditions impératives : la culpabilité de l'accusé doit avoir été établie incontestablement, toutes les conditions constitutionnelles et légales doivent être remplies, et il ne peut exister aucun motif d'invalidation du jugement.

112. Il est de règle que les affaires de meurtre injustifiable soient examinées par la Chambre criminelle de la Cour suprême, les jugements pouvant donc être cassés si la juridiction de première instance a failli à son obligation d'examiner tous les aspects de la défense de l'accusé, et ce, quelles que soient les raisons de pareille défaillance. Voici les principes qui régissent et encadrent la peine de mort.

a) La Cour suprême ne peut confirmer le jugement d'une juridiction de première instance qui prononce une peine en application de la loi du talion, lorsqu'une juridiction d'appel a décidé le versement du prix du sang. Ce principe a été énoncé dans l'affaire n° 26 dont la Chambre criminelle a été saisie en 1999, la Cour suprême ayant jugé que "la Cour suprême ne pouvait confirmer la peine de mort prononcée par le juge de première instance, au motif que la Cour d'appel avait statué autrement. En conséquence, la Cour suprême ne pouvait que confirmer ou infirmer la décision de la Cour d'appel. "

b) Lorsqu'une des personnes habilitées à exiger l'application de la loi du talion a renoncé à son droit, elle ne peut revenir sur cette renonciation ; lorsque les personnes habilitées à revendiquer l'application de la loi du talion l'ont fait et que l'une d'elles renonce ultérieurement à son droit, le tribunal ne peut autoriser l'application de la loi du talion et il doit ordonner le versement d'une réparation (Chambre criminelle, affaire n° 101 du 24 août 2004).

c) Un accusé en fuite doit être autorisé à se défendre lui-même lorsqu'il est passible d'une peine exemplaire ou d'une peine prononcée en application de la loi du talion (art. 289 du Code de procédure criminelle).

d) L'application de la loi du talion ne peut être autorisée lorsque les éléments de preuve se ramènent à la déposition d'un seul témoin.

e) Le serment n'est pas un motif suffisant pour étayer une peine au titre de la loi du talion. La Cour suprême a jugé que le serment n'était pas acceptable comme fondement d'une telle sentence, même si l'accusé le demandait et que le tribunal considérait que les parties avaient changé d'avis, car celles-ci n'étaient pas autorisées à le faire dans un procès criminel, aussi longtemps que la procédure judiciaire était en cours.

f) La présomption de l'homme ne peut fonder une sentence au titre de la loi du talion (Chambre criminelle, affaire n° 119 de 1998), et ceci est un principe important.

g) Un principe ou raisonnement invoqué par la Cour suprême pour casser le jugement d'une juridiction inférieure est illustré par la décision de la Chambre criminelle de différer l'exécution d'une sentence de mort lorsqu'une des personnes habilitées à demander l'application de la loi du talion était un descendant mineur du condamné. La Chambre a jugé que la sentence ne pouvait être exécutée avant que ledit mineur atteigne sa majorité, car il n'était pas exclu qu'il puisse renoncer à son droit, auquel cas la peine serait commuée en versement du prix du sang. Ceci va évidemment dans le sens de l'intérêt du condamné (Chambre criminelle, affaire n° 35/1419 – Cour suprême).

h) La Cour suprême a énoncé une règle judiciaire importante en jugeant que toutes les conditions constitutionnelles et légales devaient être remplies pour qu'une condamnation à la peine de mort puisse être confirmée (arrêt du 16 septembre 1998).

Pouvoir discrétionnaire du juge de décider de la peine

113. L'article 109 du Code pénal aborde cette question dans les termes que voici : " Lorsqu'il examine laquelle de deux peines, à savoir une peine plus lourde ou une peine plus légère, doit être retenue dans une affaire donnée, le juge prend en considération toutes les circonstances atténuantes ou aggravantes, notamment le degré de responsabilité, les motifs de l'infraction, la gravité de l'acte, les circonstances dans lesquelles il a été commis, les antécédents judiciaires du coupable, sa situation personnelle, son comportement en relation avec l'infraction, son comportement à l'égard de la victime, et le point de savoir s'il a indemnisé la victime ou les héritiers de celle-ci. Le juge tient compte de l'état de fortune de l'accusé lorsqu'il fixe le montant de l'amende. Lorsque l'infraction est passible de la peine de mort mais qu'il existe des circonstances atténuantes, le juge prononce une peine d'emprisonnement de cinq ans au moins et de quinze ans au plus. " Il est donc évident que le juge a le pouvoir discrétionnaire de prononcer une peine plus légère et que les circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise peuvent jouer en faveur de l'accusé, même si la défense n'a pas fait état de ces circonstances, par négligence ou du fait de son absence.

114. La loi oblige le juge, sous peine de voir sa décision invalidée, à expliquer pourquoi il n'applique pas à l'accusé une peine exemplaire, lorsque l'infraction est passible d'une telle peine. L'article 46 du Code pénal est ainsi libellé : " Lorsqu'il connaît d'affaires dans lesquelles des peines exemplaires peuvent être prononcées, le juge doit rendre compte de toutes les raisons pour lesquelles il n'applique pas une telle peine à l'accusé, la décision étant nulle et non avenue dès lors qu'il est établi que le juge a omis de rendre compte de la sorte. "

115. Le juge qui prononce une peine plus légère n'est pas tenu de préciser dans le jugement les raisons qui motivent cette décision. Il est libre de prononcer une peine plus légère et d'évaluer les facteurs qui sous-tendent cette décision, sous réserve de ne pas sortir des limites prescrites par la loi à cet égard et de rendre une décision raisonnable et logique.

116. Le pouvoir judiciaire yéménite est totalement indépendant et distinct des autres pouvoirs. Aucun pouvoir, quel qu'il soit, ne peut s'immiscer dans les jugements et décisions des tribunaux. Cette interdiction est exprimée formellement dans la Constitution et les lois. Autrement dit, aucun responsable de l'exécutif ou du législatif, quel que soit son rang, ne peut interférer sur le cours de la procédure judiciaire ou modifier un jugement définitif rendu par un tribunal. Le seul pouvoir qui puisse alléger une sentence est le pouvoir judiciaire lui-même, après qu'il s'est assuré sur la base des éléments de preuve et des arguments présentés à l'audience que l'accusé mérite une peine plus légère que celle prononcée par la juridiction de première instance. Il incombe à l'accusé lui-même ou à son avocat d'appeler sur cet aspect de la question l'attention de la juridiction de première instance ou d'appel concernée. Les personnes habilitées à demander l'application de la loi du talion (en l'occurrence, les ayants droit de la victime) peuvent renoncer à ce droit, auquel cas le tribunal impose le versement d'une réparation en lieu et place de la peine de mort (la loi du talion), conformément à la législation en vigueur. Le tribunal peut prononcer une peine d'emprisonnement s'il estime que l'infraction porte préjudice à l'intérêt public.

Paragraphes 3, 4 et 5

117. Notre position en droit a été exposée dans le rapport précédent.

118. En ce qui concerne le paragraphe 15 des observations finales du Comité des droits de l'homme , la question qui y est soulevée, à savoir que le droit de solliciter la grâce n'est pas garanti à tous sur un pied d'égalité, ne trouve pas à se justifier, car un examen des dispositions de la législation pertinente fait apparaître que le droit de solliciter la grâce est reconnu à tout accusé condamné à la peine capitale par un jugement définitif.

119. Les demandes de grâce sont présentées au Président de la République, qui est habilité par la loi à accorder la grâce et à commuer les peines. L'article 469 du Code de procédure criminelle est ainsi libellé : " Une peine ne peut être exécutée que conformément à un jugement rendu en dernier ressort par un tribunal compétent ". L'article 479 est ainsi libellé : " Nulle peine de mort, nulle peine exemplaire ou appliquée au titre de la loi du talion ne peut être exécutée sur la personne du condamné tant que le Président de la République ne l'a pas ratifiée. " La demande de grâce est l'ultime moyen dont dispose un condamné pour en appeler de la peine prononcée, et c'est pourquoi elle ne peut être présentée qu'à la suite d'un jugement en dernier ressort. Tant qu'un jugement en dernier ressort n'a pas été rendu, le condamné dispose de voies de recours pour tenter d'obtenir la cassation du jugement ou la commutation de la peine, et il n'y a donc pas lieu pour lui de solliciter la grâce.

120. Passé ce stade, la grâce peut être accordée par un décret du Président de la République, celui-ci étant censé être mieux placé que quiconque pour empêcher tout impact négatif du point de vue de l'intérêt public que pourrait avoir l'exécution d'une sentence de mort. L'exécution d'un condamné à la suite d'une erreur judiciaire est irrémédiable. Aussi la législation yéménite institue-t-elle une procédure d'appel comme moyen de redresser des erreurs judiciaires. La loi permet à un condamné d'en appeler à l'autorité suprême du pays pour obtenir que sa condamnation soit infirmée, en tout ou en partie, ou commuée en une peine plus légère dans l'intérêt de la justice. En vertu de l'article 359 du Code de procédure criminelle, la grâce peut être accordée en ce qui concerne la peine proprement dite ou une peine supplémentaire, l'article ne mentionnant aucune infraction qui ne pourrait faire l'objet d'une demande de grâce.

121. De plus, lorsque la personne déclarée coupable a mérité la peine de mort prononcée régulièrement à son encontre conformément à la procédure judiciaire et que le Président de la République n'a pas estimé devoir accorder la grâce, la loi yéménite offre au condamné un dernier moyen d'éviter l'exécution : il peut en appeler aux personnes habilitées à exiger l'application de la loi du talion, lorsque c'est le cas. Cette possibilité doit être encouragée, en ce qu'elle représente un autre moyen d'éviter la peine de mort. C'est pourquoi, la loi oblige les personnes habilitées à exiger l'application de la loi du talion d'être présentes sur les lieux de l'exécution, afin d'avoir la possibilité de faire montre de clémence et de permettre au bourreau et aux personnes de bonne volonté de leur demander d'agir de la sorte.

122. On se doit d'observer que les pouvoirs publics s'emploient activement à persuader les personnes habilitées à exiger l'application de la loi du talion de se montrer miséricordieuses à l'égard du condamné. A de nombreuses reprises, les ayants droit de la victime ont pardonné au condamné et celui-ci a donc eu la vie sauve.

123. Nous ne sommes pas d'accord avec le Comité, selon lequel " [l]e rôle prépondérant de la famille de la victime dans l'exécution ou non de la peine sur la base d'une compensation financière " est contraire à plusieurs articles du Pacte. Le droit yéménite tente de ménager le plus vaste espace possible à des solutions permettant d'éviter l'exécution de la peine capitale, la famille de la victime ayant un rôle essentiel à jouer pour essayer de substituer une compensation financière à l'exécution de la peine, en renonçant à exercer son droit d'exiger l'application de la loi du talion. En acceptant de jouer ce rôle, la famille de la victime permet à l'Etat et aux personnes de bonne volonté de la communauté d'intervenir auprès des ayants droit pour s'efforcer de persuader ceux-ci de ne pas insister sur l'exécution de la peine. En échange de quoi, ils ont droit à une compensation financière ; celle-ci est réputée constituer une peine de substitution, dès lors qu'il y a renonciation au droit d'exiger l'application de la loi du talion (art. 72 du Code pénal).

124. De telles affaires peuvent se régler à l'amiable, le condamné s'entendant avec les ayants droit de la victime sur le versement du prix du sang en échange de la renonciation par ceux-ci à leur droit d'exiger l'application de la loi du talion (art. 94 du Code pénal).

125. Tout ceci va manifestement dans le sens des intérêts du condamné à mort, et la loi yéménite multiplie les efforts pour engager la famille de la victime à renoncer à son droit et d'accepter une compensation financière, ce qui évite de devoir exécuter la peine capitale. Ceci est conforme tant à l'esprit qu'à la lettre des articles 6, 14 et 26 du Pacte, en particulier à l'article 6, lequel encourage toutes les initiatives tendant à accorder la grâce ou la commutation de la peine et précise que celle-ci ne peut être exécutée qu'en vertu d'un jugement définitif rendu par un tribunal compétent. Une fois épuisés tous les recours judiciaires, y compris le pourvoi en cassation qui est considéré comme une procédure inhabituelle pour obtenir l'infirmation de la sentence, le condamné peut exercer son droit de solliciter la grâce du Président de la République. L'exécution de la peine ne peut avoir lieu qu'après épuisement de toutes les voies de recours, après que le Président de la République a ratifié la sentence du tribunal.

126. Dans cette hypothèse, le condamné n'a plus qu'à attendre le moment de l'exécution. Pourtant la loi lui laisse une dernière lueur d'espoir, la possibilité de voir substituer à l'exécution de la peine le versement du prix du sang. Comme nous l'avons vu, l'Etat s'efforce de convaincre la famille de la victime de renoncer à son droit d'exiger l'application de la loi du talion et d'accepter une compensation financière. Le condamné a toujours la possibilité de parvenir à un accord amiable avec la famille, directement ou par l'entremise de personnes de bonne volonté.

127. En conclusion, si l'un devait enlever à la famille de la victime la possibilité de décider si la peine doit être exécutée ou non, on rendrait la peine de mort inexorable et inévitable, et cela ne serait pas conforme à l'esprit de l'article 6 du Pacte. Le fait que la famille de la victime peut jouer ce rôle va dans le sens de l'intérêt du condamné, en laissant la possibilité de ne pas exécuter la peine capitale, si la famille renonce à son droit au profit d'un versement du prix du sang. Le rôle de la famille de la victime servant l'intérêt du condamné, on obtiendrait l'effet inverse en empêchant la famille de jouer ce rôle, car cela rendrait la peine de mort inévitable.

128. En ce qui concerne la demande du Comité qui souhaite obtenir des renseignements détaillés sur le nombre de personnes condamnées à mort et le nombre de condamnés exécutés depuis 2000, il y est donné pleinement satisfaction dans les tableaux statistiques ci-après.

Données statistiques concernant le nombre de personnes condamnées à être exécutées ou tuées par application de la loi du talion et qui attendent ce moment, 2000

N° | Gouvernorat | Loi du talion | Exécution | Loi du talion et exécution
1 Région nationale de la capitale 1 4 -
2 Sanaa 1 -
3 Taizz 3 -
4 Al-Hudaydah 1 -
5 Hajjah 2 -
6 Ibb 2 1 -
7 Dhamar 3 1 -
8 Lahij 1 -
9 Ad-Dali 1 2 -
10 Al-Bayda 2 -
11 Marib 1 -
12 Amran 5 -
Total 20 8 -

Peines de mort prononcées par des juridictions des différents niveaux, 2000

Peine | Tribunal de première instance | Cour d'appel | Cour suprême | Observations
Loi du talion 11 5 6 Décisions de juridictions de première instance et d'appel confirmées par la Cour suprême
Exécution 7 2
Total 18 7 6


Données statistiques concernant le nombre de personnes condamnées à être exécutées ou tuées par application de la loi du talion et attendant ce moment, de 2000 à 2003

N° | Gouvernorat | Loi du talion | Exécution | Loi du talion et exécution
1 Région nationale de la capitale 2 4 2
2 Sanaa 2 1
3 Taizz 7 1
4 Al-Hudaydah 4
5 Hadhramaut 5
6 Ibb 13 2
7 Abyan 2 1
8 Hajjah 14
9 Dhamar 10
10 Lahij 1 3
11 Ad-Dali 2
12 Al-Mahwit 2
13 Al-Bayda 8
14 Al-Mahrah 1
15 Marib 1
16 Al-Jawf 1
17 Amran 6 1
Total 78 15 3

Peines de mort prononcées par des juridictions des différents niveaux, de 2000 à 2003

Peine | Tribunal de première instance | Cour d'appel | Cour suprême | Observations
Loi du talion 31 29 18 Décisions de juridictions de première instance et d'appel confirmées par la Cour suprême
Exécution 7 6 2
Exécution et mort par application de la loi du talion 2 1
Total 40 36 20

Nombre de condamnés tués par application de la loi du talion ou exécutés, ventilé par gouvernorat, 2003

N° | Gouvernorat | Nombre d'affaires
1 Abyan 1
2 Ibb 3
3 Région nationale de la capitale 2
4 Ad-Dali 1
5 Al-Mahrah 1
6 Taizz 1
7 Hajjah 4
8 Hadhramaut 3
9 Dhamar 3
10 Shabwah 1
11 Sadah 2
12 Sanaa 1
13 Aden 1
14 Amran 1
15 Lahij 1
16 Marib 2
17 Al-Bayda 1
18 Al-Hudaydah 1
Total 30


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Notes :

4. Le paragraphe 15 des observations finales du Comité des droits de l'homme est ainsi libellé: " Le Comité constate avec préoccupation que les infractions passibles de la peine de mort d'après la législation yéménite ne sont pas conformes aux exigences du Pacte, et que le droit de solliciter la grâce n'est pas garanti à tous, sur un pied d'égalité. Le rôle prépondérant de la famille de la victime dans l'exécution ou non de la peine sur la base d'une compensation financière est également contraire aux articles 6, 14 et 26 du Pacte. L'Etat partie devrait revoir la question de la peine de mort. Le Comité rappelle que l'article 6 du Pacte limite les circonstances qui peuvent justifier la peine capitale et garantit le droit pour tout condamné de solliciter la grâce. Il appelle en conséquence l'Etat partie à conformer sa législation et sa pratique aux dispositions du Pacte. L'Etat partie est également appelé à fournir au Comité des renseignements détaillés sur le nombre de personnes condamnées à mort et le nombre de condamnés exécutés depuis l'an 2000. "
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