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CEDH : Décision sur la recevabilité concernant l'affaire Saddam Hussein

140(2006)
communiqué de presse du 14 mars 2006 - Cour européenne des droits de l'homme
Pays :
peine de mort / Irak
Cour Européenne des Droits de l'Homme
Communiqué du Greffier
Décision sur la recevabilité concernant l'affaire Saddam Hussein

La Cour européenne des Droits de l'Homme a déclaré irrecevable la requête introduite dans l'affaire Saddam Hussein (requête no 23276/04) contre 21 Etats : l'Albanie, la Bulgarie, la Croatie, le Danemark, l'Estonie, la Hongrie, l'Irlande, l'Islande, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Slovénie, la Turquie et l'Ukraine. (La décision n'existe qu'en anglais.)

Le requérant

Le requérant, Saddam Hussein, est un ressortissant irakien né le 28 avril 1937. Ex-président de l'Irak, il est actuellement détenu dans ce pays.

Résumé des faits

Le 20 mars 2003, l'Irak fut envahi par les forces de coalition, qui auraient obtenu le soutien de chacun des 21 Etats susmentionnés pendant la période pertinente, placées sous le commandement d'un général américain.

Au début d'avril 2003, les forces américaines s'emparèrent de Bagdad. Le 16 avril 2003, un général américain annonça la création de l'Autorité provisoire de la coalition (APC), administration civile qui gouvernerait temporairement l'Irak. Le 13 mai 2003, le secrétaire américain à la Défense désigna l'ambassadeur Bremer administrateur de l'APC. Le 13 juillet 2003, le Conseil de gouvernement irakien (CGI) fut constitué : l'administrateur de l'APC pourrait opposer son veto à toutes les décisions du CGI. L'APC devait coordonner ses actions avec le CGI sur toutes les questions se rapportant au gouvernement temporaire de l'Irak.

Le 13 décembre 2003, Saddam Hussein fut capturé près de Tikrit par des soldats américains.

Le 8 juin 2004, le Conseil de sécurité des Nations unies adopta la Résolution 1546 (2004) par laquelle il approuvait la formation d'un gouvernement intérimaire souverain de l'Irak qui assumerait pleinement de là au 30 juin 2004 la responsabilité et l'autorité de gouverner l'Irak ; il nota avec satisfaction que de là au 30 juin 2004 également, l'occupation prendrait fin, que l'Autorité provisoire de la coalition cesserait d'exister et que l'Irak retrouverait sa pleine souveraineté ; et il nota que, en attendant que les forces de sécurité irakiennes assument la pleine responsabilité de la sécurité, c'est à la demande du nouveau Gouvernement intérimaire de l'Irak que la force multinationale était présente dans le pays. Deux jours plus tôt que prévu, soit le 28 juin 2004, l'autorité de l'APC fut intégralement transférée au nouveau Gouvernement intérimaire de l'Irak.

Le 30 juin 2004, le requérant fut remis par les troupes américaines au gouvernement irakien en vue d'être jugé.

Griefs

Le requérant se plaignait de son arrestation, de sa détention et de sa remise ultérieure aux autorités irakiennes ainsi que de son procès en cours. Il invoquait les articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants), 5 (droit à la liberté et à la sûreté) et 6 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des Droits de l'Homme ainsi que de l'article 1 des Protocoles nos 6 (abolition de la peine de mort) et 13 (abolition de la peine de mort en toutes circonstances) à la Convention.

Il soutenait qu'il serait exécuté après un verdict de culpabilité qui serait rendu au terme d'une « parodie de procès » pour lequel il ne disposait pas même de moyens de défense élémentaires. Il estimait relever de la juridiction des 21 Etats concernés qui, d'après lui, continuaient à détenir de facto le pouvoir en Irak, ce même après la passation de pouvoirs qui avait eu lieu en juin 2004.

Procédure

La requête a été introduite le 29 juin 2004, date à laquelle la Cour écarta une demande de mesure provisoire présentée en vertu de l'article 39 de son règlement.

Décision de la Cour [1]

La Cour estime que le requérant n'a pas démontré relever de la juridiction des Etats défendeurs (les 21 Etats mentionnés ci-dessus) sur l'un quelconque des fondements qu'il allègue. Il ne relève pas de leur juridiction sur la base du contrôle qu'ils exercent sur le territoire où les violations alléguées se seraient produites. Même s'il avait pu relever de la juridiction d'un Etat du fait qu'il est détenu par celui-ci, il n'a pas démontré que l'un quelconque de ces Etats ait eu quelque responsabilité que ce soit, quelque part ou quelque rôle que ce soit, dans son arrestation et sa détention ultérieure. Enfin, il n'y a dans la jurisprudence relative à la Convention aucun élément et le requérant n'a invoqué aucun principe établi de droit international qui donneraient à penser qu'il relève de la juridiction de ces Etats par cela seul qu'ils auraient fait partie (à des degrés divers non précisés) d'une coalition avec les Etats-Unis, alors que les actions dénoncées ont été exécutées par les Etats-Unis, que la sécurité dans la zone où ces actions ont eu lieu incombait aux Etats-Unis et que le commandement général de la coalition était confié aux Etats-Unis.

En conséquence, la Cour ne juge pas établi qu'il y ait eu ou qu'il y ait quelque lien que ce soit, du point de vue de la juridiction, entre le requérant et les Etats dont il s'agit et que l'intéressé puisse donc relever de la juridiction de ces Etats, au sens de l'article 1 de la Convention.
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