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Iran: devant la protestation, la sentence contre Aghajari va être révisée

dépêche de presse du 17 novembre 2002 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Iran
TEHERAN (AFP) - Le Guide suprême iranien Ali Khamenei a ordonné dimanche la révision de la condamnation à mort de l'intellectuel Hachem Aghajari pour désamorcer une contestation grandissante qui menaçait de dégénérer en une crise majeure.

La tension demeurait grande néanmoins à Téhéran, où des volontaires islamistes ont violemment attaqué plusieurs centaines d'étudiants rassemblés dans l'amphithéâtre de l'université Allameh, dans le nord de la ville.

Les volontaires islamistes (bassidjis) ont violemment attaqué les étudiants pendant un discours en faveur de l'intellectuel et de la liberté d'expression, en lançant des chaises vers les étudiants et en cassant les tables à l'intérieur de l'amphitéâtre.

Quelques heures auparavant, le président du parlement, Mehdi Karoubi, avait annoncé devant les députés la décision du Guide censée mettre un terme au mouvement qui, dans une atmosphère déjà très tendue entre conservateurs et réformateurs, a pris en quelques jours une tournure de plus en plus politique.

"Je remercie le Guide suprême d'avoir répondu favorablement à l'appel d'un groupe de professeurs d'universités et d'avoir demandé à la cour d'appel d'examiner avec plus d'attention le dossier" de Hachem Aghajari, a déclaré Mehdi Karoubi à l'ouverture de la session parlementaire.

Hachem Aghajari, intellectuel musulman et professeur d'université, a été condamné à mort le 6 novembre pour avoir, le 19 juin à Hamedan, plaidé dans un discours pour un "protestantisme de l'islam" et affirmé que les musulmans n'étaient pas des "singes" pour "suivre aveuglément (...) un chef religieux".

Pour la justice, il remettait ainsi en cause les dogmes de l'islam chiite et sa personnalité de combattant de la première heure de la Révolution et de vétéran de la guerre contre l'Irak (au cours de laquelle il avait perdu un frère et une jambe) ne faisait rien à l'affaire.

Sa condamnation a immédiatement suscité dans le pays une réprobation à laquelle se sont associés de nombreux conservateurs et religieux. Rendue publique en plein bras de fer entre les réformateurs du président Mohammad Khatami et les conservateurs, elle a désigné à la vindicte générale la justice, bastion de ces mêmes conservateurs.

Depuis le 9 novembre, les étudiants ont organisé les plus importants rassemblements à caractère politique depuis la répression violente des manifestations de leurs aînés en juillet 1999. Les slogans se sont faits de plus en plus virulents, pour dénoncer le "despotisme", à mesure que le mouvement s'amplifiait. Près de deux cent députés, parmi de nombreuses autres personnalités, ont pressé l'autorité judiciaire de revoir son jugement. Le président Khatami est intervenu lui-même pour "désapprouver" le verdict.

L'intransigeance de la justice a accentué la tension au point que le Guide suprême a menacé de recourir à la "force du peuple" en cas de crise, une évocation réveillant immédiatement le souvenir de l'intervention des ultra-islamistes en juillet 1999.

Cependant, dans le même discours, il a "conseillé" à la justice de "faire attention" à ses jugements pour ne fournir aucun "prétexte" à ses adversaires, laissant ainsi envisager une mesure de clémence de sa part.

C'est finalement en réponse à l'appel de plusieurs centaines de professeurs d'université que le Guide, tout-puissant en matière judiciaire, a ordonné la révision du verdict, a rapporté dimanche le quotidien Jomhouri-Eslami, proche d'Ali Khamenei.
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