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Une victoire majeure pour les abolitionnistes

dépêche de presse du 12 janvier 2003 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Etats-Unis
Thème :
WASHINGTON (AFP) - La décision du gouverneur de l'Illinois de vider le couloir de la mort de son Etat constitue une victoire majeure pour les abolitionnistes qui, espèrent-ils, incitera d'autres Etats américains à en faire autant.

Cette mesure s'inscrit dans le cadre du débat remettant en question le principe de l'application du châtiment suprême, en particulier aux handicapés mentaux et aux mineurs. "Notre système de la peine capitale est hanté par le démon de l'erreur, erreur dans la détermination de la culpabilité, erreur pour déterminer qui parmi les coupables mérite de mourir", a déclaré George Ryan, le gouverneur de l'Illinois (nord), en annonçant samedi, 48 heures avant de quitter ses fonctions à la fin de son mandat, que quelque 160 détenus actuellement dans le couloir de la mort verraient leur peine commuée en prison à vie.

Le gouverneur républicain, qui a pris sa décision moins de trois ans après avoir décrété un moratoire sur les exécutions, avait déjà gracié vendredi quatre hommes noirs derrière les barreaux depuis une dizaine d'années pour des crimes dont ils étaient innocents.

"Il s'agit d'une décision extrêmement courageuse, d'un grand pas en avant. Lentement mais sûrement, les Etats-Unis vont finir par comprendre qu'ils ne peuvent plus continuer à appliquer ce châtiment", estime le juriste Emilio Vianno. Selon ce spécialiste de la peine de mort, la mesure prise par M. Ryan est révélatrice d'une véritable prise de conscience. "On sait aujourd'hui que le système a échoué, qu'il est raciste, injuste, que des erreurs sont régulièrement commises, que certains avocats, le plus souvent commis d'office ne font pas leur travail", explique-t-il.

Une récente étude réalisée par l'Université de l'Etat du Maryland, qui a lui aussi décrété un moratoire sur les exécutions, en mai dernier, illustre de façon criante ces injustices. Selon cette étude, des Noirs qui tuent des Blancs courent plus de risques d'être condamnés à mort dans le Maryland que des meurtriers blancs, ou des Noirs tuant d'autres Noirs. La Cour suprême des Etats-Unis a de son côté jugé l'an passé inconstitutionnelle l'application de la peine de mort aux attardés mentaux.

Des organisations qui militent contre la peine de mort depuis son rétablissement en 1976 ont applaudi à l'annonce du gouverneur Ryan, un républicain non conformiste. "C'est un moment très important, cela constitue un grand tournant dans le débat sur la peine capitale aux Etats-Unis", a jugé le président de la Coalition nationale pour l'abolition de la peine de mort (NCADP) Steven Hawkins. "A la lumière de la décision historique (du gouverneur), l'Etat doit maintenant décider s'il veut reprendre le processus de la peine de mort depuis le début", a commenté le Centre d'information sur la peine de mort (DPIC), basé à Washington.

"La probabilité que d'autres Etats suivent l'exemple de l'Illinois est désormais plus grande", a estimé le professeur Vianno, tout en reconnaissant que "la route est encore longue". Les sondages continuent en effet de faire la part belle aux partisans du châtiment suprême, qui restent largement majoritaire avec environ 65% de la population, selon les derniers chiffres.

Le président George W. Bush, qui fut gouverneur du Texas, détenteur du record d'exécutions, s'est fait l'écho de l'opinion majoritaire en réaffirmant son soutien à l'application de cette punition pourtant de plus en décriée dans le monde, en particulier en Europe. La Maison Blanche, tout en refusant de commenter la décision du gouverneur Ryan, a rappelé que le président Bush "est favorable à la peine de mort pour les crimes violents et odieux, et pense qu'en fin de compte elle permet de sauver des vies innocentes".

Force est cependant de constater que si le rythme des condamnations à mort est en baisse (155 en 2001, selon le département de la Justice, soit le niveau le plus bas depuis 1973), celui des exécutions a légèrement accéléré: 71 en 2002, contre 66 en 2001, selon le DPIC.
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