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Troisième rapport présenté par les Etats-Unis au Comité des droits de l'homme (extrait)

CCPR/C/USA/3
rapport du 28 novembre 2005 - Comité des droits de l'homme - Etats-Unis
Pays :
peine de mort / Etats-Unis
Thèmes :
Juan Raul Garza Louis Jones Timothy McVeigh
28 novembre 2005
Comité des droits de l'homme
Examen des rapports présentés par les Etats parties conformément à l'article 40 du Pacte

Troisièmes rapports périodiques des États parties devant être soumis en 2003
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE*

* Le présent document contient les deuxième et troisième rapports périodiques des États-Unis d'Amérique, qui devaient être présentés respectivement le 7 septembre 1998 et le 7 septembre 2003. Pour le rapport initial et les comptes rendus analytiques des séances que le Comité a consacrées à son examen, voir les documents CCPR/C/79/Add.50 (et CCPR/C/SR.1401-1402 et SR.1405-1406).

[...]

II. MISE EN ŒUVRE DES DIFFÉRENTS ARTICLES DU PACTE
[...]
ARTICLE 6 (Droit à la vie)
[...]

104. Peine capitale.

Le Gouvernement fédéral et 38 États appliquent la peine capitale pour meurtre ou assassinat et, en règle générale, seulement quand s'y ajoutent des circonstances aggravantes, telles que multiples victimes, avec viol ou par tueurs à gages.

105. Aux États-Unis, les criminels, en particulier ceux qui encourent une peine capitale, bénéficient de nombreuses garanties de procédure, que les tribunaux respectent et appliquent. Il s'agit notamment du droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant, de la présomption d'innocence, des garanties minimales de la défense, du droit de ne pas déposer contre eux-mêmes, du droit de consulter tout témoignage à charge, du droit de récuser des témoignages et de faire interdire le recours aux moyens de preuve, du droit de faire appel auprès d'une instance supérieure, souvent avec l'assistance d'un avocat commis d'office, du droit à un procès par jury et du droit de contester la composition du jury.

106. Par deux décisions essentielles, décrites aux paragraphes 108 et 109 ci-après, la Cour Suprême a réduit le nombre de catégories d'inculpés encourant la peine capitale.
Dans l'affaire Roper v. Simmons, 125 S. Ct. 1183 (2005), la Cour a estimé que l'exécution de personnes de moins de 18 ans ayant commis des crimes passibles de la peine capitale est contraire aux 8e et 14e amendements.
Dans l'affaire Atkins v. Virginia, 536 U.S. 304 (2002), la Cour a déclaré que l'exécution de criminels atteints d'arriération mentale est un châtiment cruel et inhabituel qui contrevient aux 8e et 14e amendements. Elle s'est maintes fois refusée à estimer que le long délai entre condamnation et exécution constitue un châtiment cruel et inhabituel aux termes du 8e amendement (Voir, par exemple, Foster v. Florida, 537 U.S. 990, 2002). En outre, les tribunaux de première instance et les tribunaux des États ont systématiquement rejeté cet argument (Voir, par exemple, Knight v. Florida, 528 U.S. 990, 120 S.Ct. 459, 461, 1999) (THOMAS, J., approuvant le déni de certiorari).

107. Peine capitale relevant de la législation fédérale. Les trois condamnés suivants à la peine capitale par les tribunaux fédéraux ont été exécutés depuis la promulgation des lois fédérales actuellement en vigueur sur la peine de mort :

– Timothy McVeigh a été exécuté par injection létale au pénitencier de Terre Haute (Indiana) le 11 juin 2001.
Il devait répondre de multiples chefs d'accusation à la suite d'un attentat à la bombe perpétré le 19 avril 1995 contre l'immeuble fédéral Alfred P. Murrah à Oklahoma (État d'Oklahoma) qui a provoqué la mort de 168 personnes. Après un procès par jury, au tribunal de première instance du District du Colorado, le prévenu a été accusé d'entente délictueuse aux fins d'utilisation d'armes de destruction massive, en violation de la loi 18 U.S.C. § 2332a; d'usage d'une arme de destruction massive, en violation de la loi 18 U.S.C. § 2332a; de destruction d'un bien public au moyen d'une matière explosive, en violation de la loi 18 U.S.C. § 844f; et de huit chefs d'inculpation pour meurtre, en violation de la loi 18 U.S.C. § 1111 et § 1114.

McVeigh s'est pourvu devant la Cour d'appel qui a confirmé les condamnations et peines de mort (United States v. McVeigh, 153 F.3d 1186, 10e Cir., 1998). Le condamné a ensuite déposé une demande visant à obtenir une ordonnance de certiorari, auprès de la Cour suprême, qui l'a débouté (McVeigh v. United States, 526 U.S. 1007, 1999). Il a ensuite introduit une requête demandant l'annulation de sa condamnation, en vertu de la loi 28 U.S.C. § 2255, auprès du tribunal de première instance, qui l'a rejetée et a refusé d'établir un certificat justificatif (United States v. McVeigh, 118 F. Supp. 2d 1137, D. Colo. 2000). McVeigh a recouru auprès de la Cour d'appel pour obtenir ce certificat, que la Cour a refusé. Son exécution a suivi cette décision.

– Juan Raul Garza a été exécuté par injection létale à Terre Haute le 19 juin 2001.
Après un procès par jury, au tribunal de première instance de la circonscription méridionale du Texas, Garza a été reconnu coupable de nombreux délits, notamment de s'être livré régulièrement à des activités criminelles, en violation de la loi 21 U.S.C. § 848(a) & (c), et d'avoir commis trois meurtres dans le cadre de ses activités, en violation de la loi 21 U.S.C. § 848(e). Il a été condamné à la peine capitale pour chacun des trois meurtres. La Cour d'appel a confirmé (United States v. Flores, 63 F.3d 1342, 5e Cir., 1995). La Cour suprême a rejeté sa demande visant à obtenir une ordonnance de certiorari (519 U.S. 825, 1996). Garza a ensuite introduit une requête demandant l'annulation de sa condamnation en vertu de la loi 28 U.S.C. § 2255 : le tribunal de première instance l'a débouté et a refusé d'établir un certificat justificatif (United States v. Garza, 165 F.3d 312, 5e Cir., 1999). La Cour suprême a derechef refusé l'ordonnance de certiorari (528 U.S. 1006). Le condamné a été exécuté à la suite de cette décision.

– Louis Jones a été exécuté par injection létale à Terre Haute le 19 mars 2003.
Un jury du tribunal de première instance de la circonscription septentrionale du Texas a reconnu Jones, chasseur de l'armée américaine à la retraite, coupable d'avoir enlevé et tué Tracy McBride, simple soldat de l'armée américaine, âgé de 19 ans, en violation de la loi 18 U.S.C. § 1201(a)(2). Le jury a condamné le prévenu à la peine capitale. Jones avait été également reconnu coupable d'une agression envers le simple soldat Michael Peacock, entraînant de graves blessures corporelles, en violation de la loi 18 U.S.C. § 113(f). Jones a recouru contre sa condamnation et sa peine, que la Cour d'appel a confirmées (United States v. Jones, 132 F.3d 232 (5 Cir., 1998). La Cour suprême a accueilli la demande d'ordonnance de certiorari, mais confirmé la condamnation et la peine (Jones v. États-Unis, 527 U.S. 373, (1999). Elle a refusé la requête déposée par Jones en vue d'un nouveau procès (Voir Jones v. United States, 527 U.S. 1058, 1999).

Jones a déposé une requête demandant l'annulation de sa peine en vertu de la loi 28 U.S.C. § 2255. À la suite d'une procédure d'administration de la preuve, le tribunal de première instance a rejeté la requête, ainsi que la demande déposée par Jones pour obtenir un certificat justificatif. Jones a recouru devant la Cour d'appel aux fins d'obtenir ledit certificat, que la Cour a rejeté le 27 mars 2002 (United States v. Jones, 287 F.3d 325, 5e Cir., 2002). La Cour Suprême a refusé l'ordonnance de certiorari (123 S. Ct. 549, 2002). Jones a été exécuté à la suite de cette décision.

108. Peine capitale et mineurs.
L'application de la peine capitale à des personnes ayant commis à l'âge de 16 et 17 ans des crimes qui en sont passibles continue de faire l'objet d'un débat de fond aux États-Unis. Ce débat a été récemment conclu par la décision rendue, dans l'affaire Roper v. Simmons, 125 S. Ct. 1183 (2005), par la Cour suprême qui estime que les 8e et 14e amendements interdisent d'appliquer la peine de mort à des délinquants de moins de 18 ans au moment des faits.

109. Débilité mentale.
La Cour Suprême a limité la peine capitale, l'estimant disproportionnée quand le prévenu est atteint d'arriération mentale (Voir Atkins v. Virgiaie, 536 U.S. 304, 2002). En outre, un prévenu passible de la peine capitale a le droit de faire examiner la justification, dans son cas, de la condamnation à cette peine et le jury doit pouvoir examiner toutes circonstances atténuantes – et y donner effet – que le prévenu fait valoir pour motiver une peine moins sévère (Voir Johnson v. Texas, 509 U.S. 350, 1993). De plus, quand l'accusation se fonde sur la probabilité que le prévenu recourra à la violence à l'avenir pour prononcer une peine capitale et que la seule peine de substitution est la condamnation à perpétuité sans libération conditionnelle, le jury doit être informé que le prévenu n'a pas droit à la liberté conditionnelle, autrement dit quand la condamnation à perpétuité ne peut s'accompagner d'une libération conditionnel. (Voir Simmons v. South Carolina, 512 U.S. 154, 1994).

110. Peine capitale et notification aux autorités consulaires.
Depuis le rapport initial, un certain nombre de ressortissants étrangers, qui avaient été jugés et condamnés à mort par l'un des États fédérés, ont cherché à faire annuler leurs condamnations ou peines au motif que les autorités compétentes n'avaient pas procédé aux notifications requises aux fonctionnaires consulaires, comme l'exige la Convention de Vienne sur les relations consulaires. Le Paraguay, l'Allemagne et le Mexique ont introduit chacun une instance contre le Gouvernement des États-Unis auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) en vertu du protocole de signature facultative à ladite Convention, en demandant à la Cour, notamment, d'ordonner aux États-Unis de réviser les procès et condamnations des ressortissants étrangers quand les autorités compétentes aux États-Unis n'avaient pas averti les postes consulaires comme l'exige la Convention de Vienne (Voir Convention de Vienne sur les relations consulaires (Paraguay v. United States), 1998; LaGrand (Germany v. United States), 2001; Avena et autres ressortissants mexicains (Mexico v. United States).

111. La CIJ a estimé, en l'affaire LaGrand, que, s'agissant des cas des ressortissants allemands condamnés à de lourdes peines sans que leur consulat ait été avisé, il revient aux Etats-Unis à assurer, par les moyens de leur choix, le réexamen et la révision des verdicts de culpabilité compte tenu de la violation de la Convention de Vienne [1]. En mars 2004, la CIJ a réitéré, en l'affaire Avena, que la révision et le réexamen constituaient la voie de droit appropriée pour 51 ressortissants mexicains au motif de carences procédurales.

112. Le 28 février 2005, le Président Bush a déclaré que les États-Unis s'acquitteront de leurs obligations internationales découlant de la décision rendue par la CIJ en l'affaire Avena... en prescrivant aux tribunaux de donner effet à la décision, conformément aux principes généraux de courtoisie internationale, dans les recours formés par les 51 ressortissants mexicains visés par ladite décision.[2] Le Gouvernement des États-Unis a en conséquence donné des instructions à la Cour suprême et à la Cour d'appel du Texas dans l'affaire impliquant Ernesto Medellin, l'une des parties à l'affaire Avena. Dans ses conclusions amicus curiae, le Gouvernement fait valoir que la décision du Président lie les tribunaux et, conformément à l'interprétation de longue date par le Gouvernement des États-Unis de la Convention de Vienne, que ladite Convention n'accorde à un ressortissant étranger aucun droit exécutoire de contester sa condamnation ou peine aux États-Unis.[3]

113. Les États-Unis, préoccupés par le fait que la CIJ, dans ses décisions, ait interprété la Convention de Vienne dans un sens non visé ou prévu par les parties, se retirent du protocole de signature facultative à la Convention de Vienne. Ce protocole est un traité strictement juridictionnel distinct de la Convention. Seuls quelque trente pour cent des pays parties à la Convention ont adhéré au protocole de signature facultative.

114. Les États-Unis, qui demeurent partie à la Convention de Vienne, s'engagent pleinement à remplir leurs obligations de garantir notification et liberté d'accès aux autorités consulaires dans les affaires concernant des ressortissants étrangers détenus. Au titre des mesures actuelles visant à faire mieux respecter la Convention de Vienne, le Bureau des affaires consulaires au Département d'État a résolument poursuivi son programme consistant à davantage sensibiliser à la notification et la liberté d'accès aux autorités consulaires. Depuis 1998, le Département d'État a diffusé auprès des forces de l'ordre fédérales, des États et locales plus de 1 million de vidéos, brochures et fiches didactiques qui donnent des instructions en matière d'arrestation et de détention de ressortissants étrangers (le texte de la brochure est disponible à http ://travel.state.gov/law/notify.html). Les experts du Département d'État ont dirigé plus de 350 séminaires de formation sur la notification et la liberté d'accès aux fonctionnaires consulaires dans tous les États et territoires des États-Unis. Ces séminaires ont consisté en cours de formation, exposés et autres réunions d'information, organisés lors de conférences des services de répression et de la justice pénale, dans les établissements de formation et des organismes d'accréditation, ainsi que dans les milieux judiciaires et législatifs. Le Département d'État a également créé un cours didactique en ligne qui dispense au personnel une formation actualisée et interactive sur le sujet.

[...]

III. SUGGESTIONS ET RECOMMANDATIONS DU COMITÉ

[...]

458. Le Comité engage l'État partie à réviser la législation fédérale et celle des États de façon à réserver la peine de mort uniquement aux crimes les plus graves, conformément à l'article 6 du Pacte, et dans la perspective de l'abolition totale de ce châtiment. Il l'exhorte à faire le nécessaire pour que la peine capitale ne soit pas applicable pour des crimes commis avant l'âge de 18 ans. L'État partie doit absolument choisir des moyens d'exécution qui ne causent pas de souffrances inutiles et le Comité lui recommande de prendre toutes les dispositions nécessaires dans le sens de l'article 7 du Pacte.

459. Observation :
Bien que, conformément à la réserve 2) formulée par les États-Unis au Pacte, le Pacte n'impose aucune contrainte en ce qui concerne les crimes pour lesquels les États-Unis peuvent imposer la peine capitale, conformément à la Constitution des États-Unis l'application de la peine de mort est limitée aux crimes particulièrement odieux. Voir aussi notre réponse à l'observation 1. En ce qui concerne l'article 7, les États-Unis rappellent au Comité qu'aux termes de leur réserve 3), ils se considèrent liés par ledit article pour autant que les "peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants" s'entendent des traitements ou peines cruels et inaccoutumés interdits par les cinquième, huitième et/ou quatorzième Amendements à la Constitution des États-Unis. Le gouvernement des États-Unis estime que les méthodes d'exécution actuellement utilisées aux États-Unis ne constituent pas un traitement cruel et inaccoutumé au regard de la Constitution.

[...]

________________________
1 En 1998, le Paraguay, ayant retiré sa plainte, la CIJ n'a pas eu à l'examiner au fond.

2 Osvaldo Torres, l'un des 51 ressortissants mexicains cités par la CIJ en l'affaire Avena, avait déjà vu sa condamnation à mort commuée en une peine d'emprisonnement par le Gouverneur de l'Oklahoma le 13 mai 2004. Ce même jour, la Cour d'appel de l'Oklahoma a renvoyé l'affaire aux fins d'administration de la preuve qu'un préjudice découlait de la violation des droits prévus par la Convention de Vienne sur les relations consulaires et de la carence procédurale. L'audience s'est tenue le 29 novembre 2004 et, le 18 mars 2005, le juge a conclu que M. Torres avait subi un préjudice pour n'avoir pas été dûment informé de ses droits en application de la Convention de Vienne. Le 6 septembre 2005, la Cour d'appel de l'Oklahoma a confirmé que Torres avait effectivement subi un préjudice par carence procédurale, mais seulement au titre de sa condamnation à mort. Compte tenu de la commutation de sa condamnation par le gouverneur en peine d'emprisonnement à vie sans libération conditionnelle possible, la Cour a jugé qu'il n'y avait pas lieu de prévoir d'autre réparation possible (Torres v.State, 2005 OK. CR 17.)

3 Le 23 mai 2005, la Cour suprême des États-Unis a rejeté l'ordonnance de certiorari de M. Medellin pour avoir été accordée de façon inconsidérée, faisant valoir qu'il venait de déposer une demande d'ordonnance d'habeas corpus quatre jours avant l'exposé des faits et que la procédure peut accorder à Medellin la révision et le réexamen de son recours en application de la Convention de Vienne tels que requis par la CIJ. Medellin v. Dretke, 544 U.S. (23 mai 2005). Le 14 septembre 2005, la Cour d'appel du Texas entendait l'exposé des faits dans l'affaire instruite pour le compte de José Ernesto Medellin.
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