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Ouverture d'une conférence de l'Assemblée sur la peine de mort, à Springfield, Illinois

communiqué de presse du 9 avril 2003 - Conseil de l'Europe
Pays :
peine de mort / Illinois
Thème :
Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

Springfield, Illinois, 9 avril – Une Conférence sur la justice et les droits de l'homme dans les Etats observateurs auprès du Conseil de l'Europe s'est ouverte dans la capitale de l'Illinois, en présence de M. Emil Jones Jr., Président du Sénat de l'Illinois, et de Renate Wohlwendt (Liechtenstein, PPE), Présidente de la Sous-commission des droits de l'homme du Conseil de l'Europe. L'Illinois est l'un des treize Etats américains à avoir déclaré un moratoire sur la peine capitale. En janvier de cette année, le gouverneur sortant, George Ryan, a gracié tous les condamnés à mort.

Présent à la conférence, Aaron Patterson a insisté sur les déficiences de la justice pénale de l'Illinois. Des innocents étaient et continuent d'être emprisonnés. La vision de certains juges et procureurs est obscurcie par la politique, la corruption et le racisme. Il n'a avoué le meurtre qu'après avoir été torturé par la police, mais personne n'en a tenu compte. Des preuves déterminantes de son innocence ont disparu et personne ne s'en est soucié. Sa culpabilité a été reconnue à l'issue d'une procédure viciée qui n'était qu'une machination destinée à justifier un meurtre. Pour terminer M. Patterson a remercié la communauté internationale pour son soutien, qui a largement influé sur la décision du gouverneur Ryan de le gracier et de commuer la peine des autres condamnés à mort.

Aaron Patterson, fils d'un lieutenant de police de Chicago, a été accusé de trois tentatives d'homicide et du double meurtre d'un couple de personnes âgées, sauvagement poignardées. D'abord reconnu coupable d'une seule des tentatives d'homicide, six mois plus tard, il plaidait coupable pour les deux autres. Selon M. Patterson, ces aveux lui ont été arrachés sous la torture. Les policiers l'auraient menacé d'une arme et frappé, avant de tenter de l'asphyxier. Il a refusé de reconnaître sa culpabilité et de retirer sa plainte pour torture en échange de sa libération. Mais un juge de la Cour criminelle de Chicago a estimé que ces allégations de torture ne tenaient pas. Patterson a donc été reconnu coupable de double meurtre et condamné à mort.

Le Sénateur Jones s'est déclaré personnellement opposé à la peine de mort et souhaite son abolition dans l'Illinois. Etant donné les circonstances, il est cependant peu probable qu'elle intervienne rapidement. C'est pourquoi l'action législative se concentre actuellement sur la réforme du système de justice pénale. Le Sénateur s'est par ailleurs félicité de la décision de l'ancien gouverneur Ryan d'introduire un moratoire sur les exécutions et de gracier tous les condamnés à mort. Il fallait un réel courage pour reconnaître les dysfonctionnements de la justice. M. Ryan, sans être lui-même abolitionniste, a estimé que le risque d'erreurs judiciaires était tel qu'il a décidé de suspendre les exécutions.

Dans son intervention, Renate Wohlwendt a évoqué l'engagement d'un autre natif de Springfield, Abraham Lincoln, en faveur de l'abolition de l'esclavage. S'il vivait aujourd'hui, a-t-elle dit, il serait certainement contre la peine de mort. Le Conseil de l'Europe demande à tous les pays prétendant au statut d'observateur auprès de l'Organisation d'abolir cette peine. Il est donc logique que les mêmes exigences s'appliquent aux pays qui bénéficient déjà de ce statut, comme les Etats-Unis et le Japon. D'autant que les divergences de vue sur la peine capitale peuvent avoir des conséquences non négligeables sur les relations entre les alliés : par exemple, si un pays membre du Conseil de l'Europe arrêtait Oussama Ben Laden, il ne pourrait pas l'extrader vers les Etats-Unis sans avoir la garantie que la peine de mort ne serait pas requise à son encontre.

Dans son discours, Lord Russell-Johnston (Royaume-Uni, LDR) a retracé le chemin, long et souvent difficile, qui a conduit à l'abolition de la peine de mort dans pratiquement tous les pays européens. Certains, comme le Portugal, l'ont abolie dès le 19e siècle, à la suite d'un scrutin populaire ; d'autres l'ont fait plus récemment, en adhérant au Conseil de l'Europe. Il s'est félicité des décisions récentes prises dans l'Illinois, mais, a-t-il ajouté, c'est faire fausse route que de vouloir « améliorer » les conditions d'application de la peine de mort ; ce qu'il faut, c'est la supprimer purement et simplement.

Le révérend Melodee Smith, avocat spécialiste de la peine de mort, a expliqué que, pendant des siècles, on a vu la peine de mort comme un instrument de la justice « divine » confié à l'Etat, bras vengeur de Dieu dans ce monde dominé par « le mal ». Ce point de vue est encore défendu aujourd'hui par une minorité de radicaux conservateurs, ignorant la non-violence prêchée par Jésus. En déformant des passages des Ecritures sortis de leur contexte et en dressant les unes contre les autres les différentes traditions théologiques et les grandes religions dans le but de semer la discorde, la confusion et l'ambiguïté, les partisans du meurtre légitimé par l'Etat – dans leur incapacité ou leur refus d'entendre l'appel divin à la justice, à la pitié et au respect de la dignité de tous les autres humains – perpétuent la violence et contribuent à la déchéance d'un monde en péril. La peine de mort n'est ni défaillante, ni viciée. Elle fonctionne exactement comme elle est censée le faire : elle s'en prend aux pauvres et aux sans-défense, aux gens de couleur et aux malades mentaux. Les Etats-Unis et l'Europe sont unis par des liens d'amitié, alors, pour paraphraser le slogan de la sécurité routière américaine « Ne laissez pas vos amis prendre le volant s'ils ont bu », on pourrait dire « Ne laissez pas vos amis exécuter leurs citoyens ». Sans s'ériger en moraliste, l'Europe doit aider les Etats-Unis.
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