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Zambie : Des activistes remportent une grande victoire sur la peine capitale

dépêche de presse du 22 mai 2003 - Inter Press Service (IPS)
Pays :
peine de mort / Zambie
LUSAKA, 22 mai (IPS) - Des militants des droits de l'Homme en Zambie ont remporté une grande victoire lorsque le président Levy Mwanawasa a refusé récemment de signer des condamnations à mort, et a commué toutes les peines en emprisonnement à vie.

Le système de justice criminelle en Zambie inflige la peine de mort pour trois délits : le meurtre, la trahison, et le vol aggravé.

Le ministre des Affaires intérieures, Ronnie Shipakwasha, un proche allié de Mwanawasa, qui est opposé à la peine de mort, affirme : ''le président, en puisant dans sa propre sagesse, a refusé sans l'ombre d'une hésitation d'appliquer la peine de mort et l'a commuée en réclusion à perpétuité''.

Il existe près de 250 personnes condamnées à mort en Zambie.

Ceci réduit le gouffre entre l'Etat et les activistes des droits humains qui tentaient d'amener le gouvernement à abolir la peine de mort. L'Etat a déjà indiqué que la Déclaration des Droits faisant partie intégrante de la constitution zambienne, reconnaît et proclame le droit à la vie pour chaque Zambien, mais il existe une clause pour laquelle une personne peut être privée de cette vie intentionnellement.

Le gouvernement a indiqué que l'abolition de la peine capitale serait un exercice coûteux impliquant un référendum.

En Zambie, la seule façon légale d'appliquer une peine de mort est de pendre la personne jusqu'à ce que mort s'ensuive. Ce mode d'exécution a été dénoncé par l'organisme de défense des droits de l'Homme basé à Londres, Amnesty International, puisqu'il s'oppose à des sections du code pénal zambien qui dit qu'un individu ne doit pas être soumis à la torture ou à une punition inhumaine.

Mais, selon le juge de la Cour suprême Anthony Nyangulu, la législation zambienne demande que quiconque reconnu coupable de meurtre soit condamné à mort et la cour n'a aucune autorité pour décider autrement.

Selon le chercheur d'Amnesty International, Tor-Hugne Olsen, la Zambie n'applique pas les normes internationales pour des procès équitables dans son usage des exécutions, qui constitue un grand manquement au droit international.

Eugene Banda du ministère de l'Assistance juridique a admis que le mécanisme juridique de la Zambie était défectueux et que la police manquait de moyens nécessaires pour mener des investigations significatives. Engager des avocats est également une entreprise coûteuse et compliquée pour la plupart des Zambiens et le département de l'Assistance juridique, qui est obligé d'offrir une aide légale aux suspects, est en sous-effectif.
Ngande Mwananjiti, directeur du Réseau inter-africain pour les droits de l'Homme et le développement (AFRONET), une organisation non gouvernementale (ONG) basée à Lusaka, souligne que l'ancien président Frederick Chiluba, tout en épousant les droits de l'Homme, a autorisé l'exécution de huit prisonniers le même jour où il a gracié 600 détenus pour commémorer l'ouverture du parlement en 1997. Les huit étaient les seuls prisonniers dont Chiluba a entériné la pendaison pendant ses dix années de présidence. Son prédécesseur, Kenneth Kaunda a autorisé la pendaison de plus de 70 prisonniers, mais a indiqué que la plupart d'entre eux étaient exécutés durant les luttes de libération en Afrique australe. ''Je l'ai fait avec la plus grande réticence et toujours sous la pression. Nous étions dans une situation de guerre'', rappelle-t-il.

Kaunda, qui est âgé maintenant de 80 ans, est devenu depuis un défenseur de l'abolition de la peine capitale. ''Je suis si content que le jeune homme (Mwanawasa) ait fait des progrès à cet égard'', a-t-il dit à IPS depuis l'Université de Boston aux Etats-Unis.

Toutefois, pour Mwananjiti, la grâce de Mwanawasa devrait être perçue comme un travail 'gratuit' des détenus tant qu'ils seront en prison. ''Ils sont là pour la vie, qu'ils paient en retour donc à la société par le moyen du travail. La rétribution est essentielle''.

Le pasteur évangélique Bruce Mwamba estime qu'en tant que nation chrétienne, la Zambie devrait adhérer aux principes bibliques de ''œil pour œil. ''C'est notre devoir chrétien de nous conformer à la volonté de Dieu dans laquelle il dit 'je redemanderai le sang de mon âme', alors quiconque tue doit être également tué''.

Du même avis, l'avocat Roland Mumbi dit que Mwanawasa a créé un mauvais précédent. Défenseur de la peine capitale, Mumbi estime, contrairement à la croyance populaire, que la peine de mort est le dernier recours sur lequel on ne revient pas à la légère. ''Commuer en emprisonnement à perpétuité avec la possibilité de grâce rend la peine de prison 'pas si mauvaise' et ne constitue pas une dissuasion'', souligne-t-il.

La Zambie, affirme Mumbi, n'a pas un fort taux d'exécutions et aucune pendaison n'a eu lieu depuis 1997. ''Ce n'est pas comme si nous pendions des gens chaque jour, nous parlons de quelques aberrations dans la société. Observez maintenant le taux de criminalité, il va augmenter parce qu'il n'y pas assez de dissuasion'', prévient-il.

Les familles des 59 prisonniers condamnés pour trahison et incarcérés depuis 1997 ont applaudi les derniers développements, mais se demandent combien de temps cela va durer en l'absence d'une loi pour abolir la peine capitale.

''Nous sommes contents que la menace de mort ne soit plus là'', affirme Serena, sœur de Steven Lungu, l'un des prisonniers condamnés pour trahison. ''Il aurait été mieux de prendre un décret présidentiel pour abolir la pendaison'', affirme-t-elle. Des condamnations à mort sont couramment infligées en Afrique. Le Nigeria, l'Ouganda et le Zimbabwe ont tous procédé à des exécutions en 2002, selon Amnesty International.
(Par Zarina Geloo)
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