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Engorgement des prisons: les gouverneurs nigerians veulent appliquer la peine capitale

dépêche de presse du 21 avril 2010 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Nigéria
De Béatrice KHADIGE (AFP) –

LAGOS — Longtemps laissée en suspens, la peine capitale devrait désormais être appliquée au Nigeria: par cette décision les 36 gouverneurs veulent en finir avec la surpopulation dans des prisons où s'entassent notamment plus de 300 condamnés à mort.

"Il y a eu accord (pour) que les personnes qui ont été condamnées soient exécutées en conséquence", a déclaré mardi le gouverneur d'Abia, Theodore Orji, après une réunion à Abuja avec ses pairs.

Au Nigeria, les gouverneurs sont chargés de signer les ordres d'exécution prononcées par la justice.

Le porte-parole des services pénitentiaires, Kayode Odeyemi, a indiqué à l'AFP mercredi qu'"il y avait un total de 40.106 prisonniers au Nigeria, dont 330 dans l'attente d'une exécution capitale".

Selon lui, 36.000 détenus attendent d'être jugés.

Pour ces prévenus, les gouverneurs souhaitent au moins "laisser partir" ceux qui sont restés trop longtemps derrière les barreaux.

Certains, selon Amnesty International, attendent un jugement depuis 10 ans.

Le rapporteur spécial de l'ONU pour la torture, l'Autrichien Manfred Nowak, a demandé la libération immédiate de 20.000 détenus au Nigeria, lors du 12e Congrès de l'ONU sur la prévention du crime et la justice pénale qui s'est achevé mardi à Salvador.

La plupart d'entre eux, a-t-il estimé, ont été plus que punis pour les faits qui leur sont reprochés.

Officiellement, le Nigeria fait remonter à 2002 sa dernière exécution, date contestée par plusieurs ONG selon lesquelles de nombreuses exécutions secrètes continuent dans les prisons, notamment dans le nord du pays où la charia est vigueur.

La majorité des personnes exécutées au Nigeria ont été passées par les armes.

Mardi à Kaduna, deux prisonniers ont péri, 39 autres et deux gardiens ont été blessés lors d'une émeute suivie d'un incendie dans la prison surpeuplée de cette ville du nord nigérian.

D'une capacité de 524 détenus, elle en abrite 790, dont 530 en attente de procès et ce sont ces derniers, selon le chef local des services de détention, Olusola Ogundip, qui ont provoqué la rébellion.

"Dans trop de pays, la détention de prévenus (...) sert de punition préliminaire pour tous les suspects de crimes qui n'ont pas suffisamment d'argent pour verser des pots-de-vin à la police ou aux responsables des prisons, juges et procureurs", a aussi jugé M. Nowak.

Le militant des droits de l'Homme de l'Open Society Justice Initiative, l'avocat Chidi Anselm Odinkalu, estime que la police n'enquête pas "convenablement". "Le seul moyen dont elle dispose est la torture suivie de la confession".

"Ceux qui attendent dans les couloirs de la mort devraient voir leur sentence commuée en peine à perpétuité", juge un autre avocat, Festus Keyamo.

"La décision des gouverneurs est malheureuse car ceux qui attendent d'être exécutés ou jugés ne sont pas responsables de la congestion dans les prisons", estime-t-il.

Les gouverneurs devraient commuer toutes les peines capitales en emprisonnement à vie, souligne M. Keyamo, "plutôt que d'appeler à l'exécution ceux qui sont dans le couloir de la mort".

Me Odinkalu estime que les 36 gouverneurs ne feront rien malgré leur déclaration, conscients des méthodes douteuses utilisées pour ces condamnations: ils "ne peuvent pas le faire en leur âme et conscience".

Leur décision, selon lui, relève de "la politique politicienne", car prise en plein repositionnement en vue de la présidentielle de 2011.

Les gouverneurs se doivent de répondre aux problèmes brûlants du pays: le conflit sanglant inter-communautaire dans le nord, les menaces d'insurrection dans le sud pétrolier, la corruption et la criminalité économique endémiques.
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