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La situation au Bélarus

1857 (2012)
résolution du 25 janvier 2012 - Conseil de l'Europe
peine de mort / Bélarus (Biélorussie)
Andrei Burdyko Oleg Grishkovtsov Dmitri Konovalov Vladislav Kovalev
Résolution de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe

1.       L'Assemblée parlementaire est profondément préoccupée par la détérioration de la situation des droits de l'homme et des libertés civiles et politiques au Bélarus, depuis l'adoption, en janvier 2011, de la Résolution 1790 (2011) sur la situation au Bélarus suite à l'élection présidentielle.

2.       Les autorités du Bélarus continuent de prendre des mesures de plus en plus répressives contre toute tentative de contestation, en ayant recours de façon régulière à l'intimidation et aux arrestations arbitraires et en ciblant les membres de l'opposition, les médias libres, les militants de la société civile et les défenseurs des droits de l'homme. Ces actions viennent confirmer la tendance préoccupante des autorités de Minsk à tourner délibérément le dos à l'Europe et aux valeurs qu'elle défend.

3.       L'Assemblée déplore qu'un certain nombre de personnes, y compris d'anciens candidats à la présidence, des militants de la société civile ainsi que d'éminents défenseurs des droits de l'homme soient incarcérés pour des motifs politiques. Elle note que certaines des personnes qui avaient été condamnées à des peines d'emprisonnement pour leur participation à des manifestations contre le gouvernement ont été graciées depuis lors. Cependant, certains prisonniers ont affirmé avoir été contraints de demander la clémence et d'admettre leur culpabilité pour obtenir leur libération. Dans de nombreux cas, les prisonniers libérés ont affirmé qu'ils ont été victimes d'actes de torture, qu'ils n'ont pas reçu de soins médicaux appropriés et se sont vu refuser un accès effectif à une représentation juridique.

4.       Au vu des récents développements préoccupants dans les domaines de la liberté d'expression, de réunion et d'association, l'Assemblée:

4.1.       condamne la persécution permanente des membres de l'opposition et le harcèlement des militants de la société civile, des médias libres et des défenseurs des droits de l'homme au Bélarus;

4.2.       est vivement préoccupée par les conditions de détention des prisonniers politiques qui sont souvent détenus au secret et qui courent un risque réel de subir des actes de torture et autres formes de mauvais traitements;

4.3.       déplore la condamnation de Ales Bialiatski à quatre ans et demi d'emprisonnement prétendument pour évasion fiscale, qui équivaut au harcèlement juridique envers un défenseur des droits de l'homme pour la conduite d'activités légitimes en faveur des droits de l'homme dans un pays où les organisations indépendantes ne peuvent pas se faire enregistrer et recevoir des fonds de l'extérieur;

4.4.       condamne le recours politiquement motivé à la législation fiscale pour supprimer l'activité des défenseurs des droits de l'homme;

4.5.       déplore les récentes modifications législatives adoptées en octobre 2011 qui apportent des restrictions supplémentaires à la liberté d'expression, de réunion et d'association, en assujettissant les activités des organisations non-gouvernementales bélarussiennes à un contrôle politique encore plus strict et en proscrivant les financements étrangers.

5.       Concernant la liberté des médias, l'Assemblée:

5.1.       note avec une vive préoccupation que les journaux et autres organisations de médias indépendants continuent d'être harcelés et ciblés par l'application d'amendes ainsi que par des actes d'intimidation à l'égard d'annonceurs publicitaires potentiels;

5.2.       condamne les «avertissements» adressés par les autorités du Bélarus à un certain nombre de journalistes et d'organisations des droits de l'homme et considère que cette pratique constitue une violation des normes des droits de l'homme internationalement admises;

5.3.       condamne la pratique consistant à dresser des "listes noires" de journalistes, de défenseurs des droits de l'homme et d'autres militants dans le but de restreindre leur activité professionnelle et leur liberté de mouvement.

6.       Concernant la peine de mort, l'Assemblée:

6.1.       est consternée par l'exécution, en juillet 2011, de la sentence de mort prononcée contre Aleh Grichtotsov et Andreï Bourdyka, alors que leur affaire était en instance auprès du Comité des droits de l'homme des Nations Unies et par le refus permanent du Bélarus de prendre des mesures concrètes vers l'abolition de la peine de mort ou l'instauration d'un moratoire sur la question;

6.2.       déplore les sentences de mort prononcées le 30 novembre 2011 contre Dmitry Konovalov et Vladislav Kovalev et a de sérieuses craintes que l'enquête et le procès soient entachés de graves atteintes aux droits de l'homme (y compris d'un recours à la torture en vue d'extorquer des aveux), ainsi que de contradictions et de lacunes des éléments de preuve présentés lors du procès; elle invite les autorités compétentes à procéder à une enquête complète sur les allégations formulées à ce propos et à garantir une véritable justice aux victimes des actes terroristes odieux en question et réitère qu'une telle peine irréversible, cruelle et inhumaine est inacceptable, aussi odieux que soient les crimes allégués perpétrés;

6.3.       note avec regret que les travaux du Groupe de travail parlementaire sur l'étude de la question de la peine de mort, initiés il y a deux ans, n'aient pas débouché sur des résultats tangibles.

7.       Concernant la situation des droits de l'homme et des libertés politiques, l'Assemblée réitère son appel aux autorités du Bélarus:

7.1.       à libérer et réhabiliter tous les prisonniers politiques, y compris ceux qui ont été graciés, et à engager une enquête approfondie et crédible sur les allégations de mauvais traitements et de torture au moment de l'arrestation et pendant la détention;

7.2.       à s'abstenir d'exercer des pressions sur les prisonniers politiques, à garantir une assistance juridique et médicale adéquates à tous les prisonniers et à autoriser leur famille à avoir accès à eux;

7.3.       à permettre aux avocats d'exercer leur activité professionnelle sans crainte de représailles, à rétablir la licence des avocats qui ont été radiés pour des motifs politiques et à mettre fin à la procédure d'examen de qualification extraordinaire des avocats déjà qualifiés;

7.4.       à abroger l'article 193-1 du Code pénal qui pénalise l'organisation d'activités par des associations publiques non enregistrées ainsi que la participation à leurs activités;

7.5.       à garantir la liberté de réunion et à mettre un terme au recours à la force pour disperser les actions de protestation et arrêter les manifestants;

7.6.       à garantir la liberté d'expression et à mettre fin au harcèlement des journalistes et des médias indépendants ainsi qu'à la pratique des «avertissements»;

7.7.       à permettre à la mission de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) de retourner dans le pays et d'y reprendre ses activités;

7.8.       à coopérer de manière pleine et entière avec toutes les organisations internationales des droits de l'homme et répondre positivement aux demandes de visite formulées par les rapporteurs de l'Assemblée, les organes des Nations Unies, l'OSCE et l'Union européenne, y compris dans les lieux où sont détenus les prisonniers politiques;

7.9.       à instaurer immédiatement un moratoire sur les exécutions en vue de l'abolition complète de la peine de mort, conformément aux appels répétés de l'Assemblée; elle demande instamment aux autorités du Bélarus de ne pas appliquer les sentences de mort prononcées à l'encontre de Dmitry Konovalov et Vladislav Kovalev;

7.10.       à amener les auteurs, ainsi que les instigateurs et les organisateurs, de la disparition de Yuri Zakharenko, Victor Gonchar, Anatoly Krasovski et Dmitri Zavadski à rendre compte de leurs actes, conformément à la demande urgente faite par l'Assemblée pour la première fois dans sa Résolution 1371 (2004).

8.       Concernant les élections législatives de 2012, l'Assemblée exhorte les autorités du Bélarus:

8.1.       à poursuivre le processus de réforme de la législation et de la pratique électorales en tenant compte de tout l'éventail de recommandations du BIDDH/OSCE et de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise);

8.2.       à prendre immédiatement des mesures pour renforcer l'indépendance de la Commission électorale du Bélarus et de ses organes régionaux;

8.3.       à inviter les observateurs internationaux, y compris l'OSCE et d'autres organisations parlementaires, dont l'Assemblée, à superviser les élections ainsi que la campagne électorale;

8.4.       à prendre des mesures supplémentaires pour garantir, tant dans la législation que dans la pratique, la transparence du décompte des voix au cours des élections et donner l'opportunité aux observateurs de superviser de façon effective le processus de vote, le dépouillement du scrutin et la tabulation des résultats.

9.       L'Assemblée encourage toutes les forces politiques et les militants engagés dans la campagne pour les élections législatives à venir, à se focaliser sur les nombreux défis auxquels les citoyens sont confrontés et à présenter des programmes concrets visant le changement politique pour améliorer la vie de la population, en mettant l'accent sur les réformes politiques et économiques.

10.       L'Assemblée estime que la communauté internationale doit s'engager massivement, de façon pleine et entière et durablement auprès du peuple du Bélarus. L'ouverture, le dialogue et la multiplicité des contacts sont essentiels pour atteindre les citoyens du Bélarus.

11.       Par conséquent, l'Assemblée décide:

11.1.       de renforcer son engagement auprès des représentants de la société civile, des médias indépendants, des forces d'opposition, ainsi que des associations professionnelles indépendantes pour apporter un appui renforcé à leur développement, et de les inviter à participer aux tables rondes, séminaires et auditions organisés par ses commissions;

11.2.       d'intensifier la coopération entre ses différents organes qui s'occupent du Belarus et leurs homologues du Parlement européen, de l'Assemblée parlementaire de l'OSCE et du Forum de la société civile du Partenariat oriental de l'Union européenne, afin d'améliorer l'efficacité des activités des institutions européennes visant à renforcer la société civile au Bélarus.

12.       En outre, l'Assemblée encourage les Etats membres du Conseil de l'Europe:

12.1.       à utiliser leur influence politique et diplomatique pour convaincre les autorités du Bélarus à prendre les initiatives législatives pertinentes pour harmoniser les lois nationales avec les normes des droits de l'homme internationalement admises, et à coopérer effectivement avec le Conseil de l'Europe, l'OSCE, l'Union européenne ainsi que les organes des Nations Unies;

12.2.       à s'aligner sur le régime de sanctions ciblées de l'Union européenne jusqu'à la libération et la réhabilitation complète de tous les prisonniers politiques, et à exhorter les autorités du Bélarus à mettre un terme à la répression des opposants politiques;

12.3.       à intensifier la communication avec les représentants de la société civile, les médias indépendants et les forces d'opposition du Bélarus;

12.4.       à envisager le réexamen des mécanismes internationaux et bilatéraux d'échange d'information en vue d'éviter une utilisation abusive des données par les autorités du Bélarus;

12.5.       à envisager la possibilité de réduire ou de supprimer les frais de visa d'entrée pour les citoyens du Bélarus;

12.6.       à continuer d'ouvrir les universités et d'offrir des programmes de bourses aux jeunes étudiants bélarussiens et établir des liens avec l'Université des humanités européennes exilée à Vilnius, et avec l'Ecole des études politiques du Conseil de l'Europe également en exil à Kyiv.

13.       L'Assemblée appelle aussi l'Union européenne et ses Etats membres:

13.1.       à maintenir, voire renforcer, le régime de sanctions ciblées, en particulier à l'encontre d'entreprises détenues par l'Etat liées au Président Lukashenko et autres hauts fonctionnaires qui continuent à réprimer le peuple bélarussien, jusqu'à la libération et à la réhabilitation pleine et entière de tous les prisonniers politiques, et jusqu'à la fin de la répression de l'opposition politique, des médias indépendants et des défenseurs des droits de l'homme;

13.2.       à poursuivre leur soutien, y compris financier, en faveur du développement des organisations de la société civile, y compris les organisations des droits de l'homme et les médias indépendants, les associations professionnelles indépendantes, les organisations apolitiques de la base et les organisations de création de réseaux axées sur une meilleure utilisation de l'internet et des réseaux sociaux, et offrant aux jeunes l'opportunité de s'engager davantage dans leur communauté;

13.3.       à mettre en place des programmes d'échange et de formation professionnelle à l'intention des journalistes et des défenseurs des droits de l'homme.

14.       L'Assemblée réitère qu'il ne peut y avoir de progrès dans le dialogue avec les autorités du Bélarus sans avancées vers les normes du Conseil de l'Europe.

15.       A la lumière des développements depuis l'adoption de sa Résolution 1790 (2011) en janvier 2011, l'Assemblée ne peut que réaffirmer sa décision de suspendre ses activités impliquant des contacts à haut niveau avec les autorités du Bélarus et réitérer son appel au Bureau de l'Assemblée de ne pas lever la suspension du statut d'invité spécial du Parlement du Bélarus:

15.1.       jusqu'à ce qu'un moratoire sur l'exécution de la peine de mort ait été décrété par les autorités bélarussiennes compétentes;

15.2.       jusqu'à ce qu'il y ait des progrès substantiels, tangibles et vérifiables en termes de respect des valeurs et des principes démocratiques défendus par le Conseil de l'Europe.
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