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Intervention du Ministre Reynders à la 28ème session du Conseil des droits de l'Homme

discours du 2 mars 2015 - Ministère des Affaires Etrangères belge - Belgique
Pays :
Genève – 02.03.2015
Le discours prononcé fait foi



Monsieur le Président,
Monsieur le Haut-Commissaire,
Chers collègues,
Mesdames, Messieurs,

Tout en m'alignant pleinement sur la déclaration de l'Union européenne, je souhaiterais vous faire part de quelques réflexions sur les défis auxquels nous faisons face aujourd'hui en matière de droits de l'Homme.

Les droits humains sont à la fois universels et indivisibles. Il n'y a rien qui puisse justifier que certains citoyens d'un pays ou d'une région, ne puissent bénéficier des mêmes droits que tous les autres de par leur origine, leur ethnicité, leur statut social, leur langue, leurs croyances, leur identité de genre ou leur orientation sexuelle. Les droits de chaque personne tels que décrits dans la Déclaration Universelle et les traités afférents ne sont ni négociables, ni le fruit de faveurs ponctuelles, mais bien ancrés dans notre humanité commune.

Monsieur le Président,

Face aux différents défis qui menacent nos valeurs communes, je vois quatre réponses que la communauté des droits de l'Homme peut apporter.

Tout d'abord les autorités publiques ont le devoir de protéger les populations comme les institutions. Toute réponse, qu'elle soit législative ou par le biais d'interventions des forces de l'ordre doit répondre aux critères de proportionnalité et de respect des droits de l'Homme.

Le respect des droits humains et humanitaires ne peut être remis en question, y compris dans des zones en proie à la guerre et à la violence, que ce soit dans l'est de l'Ukraine ou ailleurs. Si les divers rapports crédibles dont nous disposons font état de violations dans les deux camps en Ukraine, force est de constater que les exactions auxquelles doit faire face la population civile à l'Est, hors du contrôle du gouvernement, sont d'une échelle et d'une intensité incomparables. Je salue l'action de la mission de monitoring des droits de l'Homme du Haut-Commissariat que nous soutiendrons financièrement. En outre, en tant que Président du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour m'assurer que les mécanismes du Conseil permettent de consolider les institutions démocratiques en Ukraine.

L'extrémisme et les actes terroristes mettent en danger le socle démocratique et de droits humains que nous avons mis tant d'années à construire, notamment dans cette enceinte. Si l'Europe – et la Belgique en particulier – a été frappée par des attentats les derniers mois et semaines, cela ne doit pas nous faire oublier ou occulter les terribles souffrances que subissent les populations civiles en proie à la terreur extrémiste ailleurs dans le monde, que ce soit en Syrie, en Irak, en Libye, au Nigéria, en Afghanistan ou au Pakistan. Les actes ignobles commis au cours des derniers mois ne sont ni plus ni moins des crimes contre l'humanité. La Belgique espère que le Conseil s'exprimera d'une manière forte et consensuelle sur cette question avec une attention prioritaire pour les victimes et la nécessité de traduire en justice les responsables de ces crimes. La Belgique continue par ailleurs à plaider, en Syrie en particulier, pour l'accès sans condition et sans discrimination de l'aide humanitaire, y compris si nécessaire, entre des lignes de conflits ou entre les frontières. Les Etats Membres des Nations Unies – et du Conseil de sécurité en particulier – doivent prendre d'urgence leur responsabilité à ce sujet. S'il ne peut y avoir de compromis face à l'extrémisme, chaque pays devra en déterminer les causes profondes avec des réponses adéquates en fonction de son contexte. Régulièrement, c'est le manque de réponse des gouvernants aux requêtes légitimes de leurs citoyens qui a permis à l'extrémisme de se nourrir. Ce travail en profondeur demandera du temps et il aura un dénominateur commun : la nécessité de faire un travail d'éducation aux valeurs communes d'humanité. Mais nous ne nous battons pas à armes égales contre les extrémistes. Nos armes sont bien supérieures aux leurs. La démocratie, le respect et la promotion des droits de l'Homme, le renforcement de l'Etat de droit, la tolérance, le dialogue et le respect des différences sont des armes bien plus efficaces que la haine et l'exclusion. Dans le cadre de sa Présidence du Conseil de l'Europe la Belgique organisera une Conférence internationale sous le thème ‘La tolérance est plus forte que la haine'.

Maintes fois il a été démontré que ni la torture, ni la peine de mort ne sont des instruments efficaces pour décourager les actes extrémistes de violence ou de terrorisme. Au contraire ils rentrent dans une logique de polarisation et sont en contradiction avec les engagements en matière de droits de l'Homme auxquels la majorité d'entre nous a souscrit. La condamnation à la peine capitale est d'autant plus contraire aux normes minimales quand il s'agit de citoyens mineurs au moment des faits, comme récemment en Iran. La sentence de dizaines voire de centaines de personnes à la peine capitale lors de procès de masse est également préoccupante. La levée des moratoires sur la peine de mort dans une série de pays est également inquiétante. Cela souligne l'importance du deuxième protocole au Pacte international relatif aux droits civils et politique, visant à abolir la peine capitale, pour éviter la remise en question de moratoire, face à une pression populaire conjoncturelle.

Monsieur le Président,

La liberté d'expression et la liberté de la presse, y compris en ligne, est notre deuxième réponse à l'extrémisme. Permettez-moi de citer un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme : ‘Il n'est pas de démocratie sans pluralisme. La démocratie se nourrit de la liberté d'expression'. Le dialogue entre les peuples et les citoyens est au cœur de nos démocraties. La société civile et les citoyens qui la composent contribuent à préserver les valeurs fondamentales de notre démocratie. Malheureusement, son rôle essentiel est trop souvent mis en péril par l'intimidation et la violence, que ce soit dans les pays membres du Conseil de l'Europe ou ailleurs.

Il est difficilement concevable qu'un individu écrivant sur un blog isolé se voit infliger une peine d'emprisonnement et pire encore des châtiments corporels, une peine pourtant prohibée par les traités des Nations Unies.

Un certain nombre de pays disposent de législations qui permettent d'agir contre le discours de la haine. La liberté d'expression n'est en effet pas sans limites : l'incitation à la haine peut avoir des conséquences dramatiques et une réaction adéquate des pouvoirs publics - sur base de loi et dans un cadre juridique clair - est nécessaire et légitime.

Monsieur le Président,

La liberté de religion ou de conviction est la troisième réponse à l'extrémisme et la radicalisation. Nous vivons dans un monde interdépendant avec des populations de plus en plus diverses. Mais la liberté des religions ou la liberté de ne pas avoir de convictions religieuses est un droit. Dans ce contexte j'exprime mon inquiétude au sujet des pays où des individus sont persécutés et victimes de violences sur base de leur appartenance religieuse.

Monsieur le Président,

La non-discrimination est notre quatrième réponse à l'extrémisme. C'est une valeur essentielle. Il est nécessaire de réaffirmer nos principes et d'assurer l'efficacité des mécanismes nécessaires pour les défendre. Je participerai aujourd'hui à un évènement autour du 50ème anniversaire de la Convention Internationale sur l'Elimination de toutes les formes de Discrimination raciale. La Belgique attache une grande importance à cette Convention et au bon fonctionnement du Comité qui veille à sa mise en œuvre. Que des citoyens juifs, en Belgique, en France ou au Danemark, puissent être tués en 2015 pour ce qu'ils sont est tout simplement inadmissibles et nous devons prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter que cela ne puisse se reproduire et pour lutter – encore et toujours – contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme.

L'inclusion économique et sociale des femmes dans la société fait également partie de la réponse au même titre. Je viens de rentrer d'un voyage d'une semaine en République Démocratique du Congo et j'ai pu constater encore une fois le drame des violences sexuelles, fléau auquel les populations dans l'Est du Congo sont toujours confrontées.

Monsieur le Président,

Permettez-moi de clôturer cette intervention en soulignant que sur ces thèmes prioritaires que je viens de mentionner, ainsi que sur d'autres comme les droits de l'Enfant, la Belgique se veut un partenaire fiable et solide. C'est avec cette motivation que la Belgique posera sa candidature pour un mandat en 2016 - 2018 comme membre du Conseil droits de l'Homme - avec pour ambition de dialoguer et de coopérer avec tous les pays membres des Nations Unies et de faire avancer le respect, la promotion et la protection des droits de l'Homme où que ce soit sur la planète.

Je vous remercie de votre attention.
(Didier Reynders)
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