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Résolution du Parlement européen sur le Nigeria : affaire Amina Lawal

P5_TA(2002)0411
résolution du 5 septembre 2002 - Union européenne
Pays :
peine de mort / Nigéria
Thèmes :
Le Parlement européen,

-  vu ses résolutions antérieures des 15 février 20011(1), 15 novembre 20012(2) et 11 avril 20023(3) sur la situation des droits de l'homme au Nigeria,

-  vu la déclaration du Conseil du 21 août 2002 sur la condamnation à mort par lapidation prononcée à l'encontre de Mme Amina Lawal, dans laquelle l'Union européenne espère que Mme Lawal pourra exercer tous les recours disponibles au niveau fédéral,

-  vu la déclaration du Conseil du 27 mars 2002, dans laquelle l'Union européenne se félicite que Mme Safiya Hussaini ait été acquittée par la Cour d'appel islamique de Sokoto,

-  vu la résolution adoptée le 21 mars 2001 par l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, sur la situation en Afrique occidentale, notamment les paragraphes consacrés au Nigeria,

-  vu sa résolution du 7 février 2002 sur les priorités de l'Union européenne en matière de droits de l'homme et ses recommandations en vue de la 58e session de la commission des droits de l'homme des Nations unies à Genève4(4),

-  vu les conventions internationales sur les droits de l'homme, ratifiées par le Nigeria, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples,

-  vu la constitution nigériane telle qu'amendée en 1999,

A.  profondément choqué par la confirmation, le 19 août 2002, par la Cour d'appel islamique de Funtua, dans l'État de Katsina, de la condamnation à mort par lapidation de Mme Amina Lawal 'pour adultère',

B.  considérant que, le 26 août 2002, la Cour suprême islamique de New Gawu dans l'État de Niger a condamné à mort, par lapidation, pour avoir commis l'adultère, deux jeunes amants, Ahmadu Ibrahim et Fatima Usman,

C.  considérant que depuis un mois, de nouvelles condamnations à mort par lapidation ont été prononcées aux termes de la charia, en vigueur dans 12 États du Nord du Nigeria,

D.  vivement préoccupé par les réglementations adoptées par les États appliquant la charia, qui obligent les femmes à demeurer chez elles la nuit, instaurent une ségrégation entre hommes et femmes dans les transports et refusent aux femmes l'égalité des droits en matière d'héritage,

E.  considérant que les États du Haut-Niger, de Jigawa, de Sokoto et de Katsina figurent parmi les 12 États du Nord du pays à dominance musulmane, qui appliquent strictement la législation islamique depuis 2000, avec des conséquences toujours plus graves en matière de libertés civiles et de respect des droits de l'homme,

F.  considérant que les interprétations juridiques actuelles du code pénal de la charia par certaines juridictions islamiques au Nigeria incluent l'application de la peine de mort, ce qui viole les accords internationaux sur les droits de l'homme ratifiés par le Nigeria, notamment la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques,

G.  considérant que cette interprétation de la charia a des conséquences irréversibles pour la vie des personnes, mais qu'elle n'est pas la seule en vigueur,

H.  considérant que M. Agabi, ministre nigérian de la justice, a déclaré aux 12 États du Nord du Nigeria qui appliquent la charia qu''un Musulman ne devrait pas être soumis à une peine plus sévère que celle qui serait imposée à d'autres Nigérians pour le même délit' et que toutes les juridictions 'qui infligent une peine discriminatoire enfreignent délibérément la Constitution' (section 42 (1a) qui garantit les libertés sexuelles, religieuses, ethniques et politiques),

I.  considérant que des membres du gouvernement nigérian ont estimé que la charia était injuste envers les femmes et ont qualifié de violation des droits de l'homme la condamnation à mort par adultère, qualifiant notamment que 'le verdict de la Cour islamique condamnant Amina Lawal fait apparaître clairement que la charia est pleine de préjugés contre les femmes et les punit injustement pour un acte entre deux personnes',

J.  considérant que les peines prononcées par des tribunaux islamiques dans certains États du Nord du Nigeria portent atteinte aux libertés civiles et aux droits de l'homme et qu'elles s'opposent à tout effort visant à réconcilier les différents groupes ethniques et religieux,

K.  considérant qu'en 2003 se déroulera une élection présidentielle dans laquelle l'application de la charia pourrait être un enjeu électoral étant donné que les partis islamiques pressent le Général Ibrahim Babangida, ancien dirigeant militaire, de se présenter,

L.  considérant que certains gouverneurs du Nord, qui avaient tenté de mettre un terme à l'application de la charia, notamment par décision de février 2001 de suspendre la charia dans les États qui l'appliquaient déjà, ont été confrontés à de graves actes de représailles et de violence,


1.  dénonce l'arrêt de la Cour islamique de Bakori (État de Katsina), et de la Cour d'appel, qui confirme la condamnation à mort par lapidation d'Amina Lawal, coupable d'avoir eu un enfant après son divorce;

2.  exprime son opposition formelle à la peine de mort, quelles que soient les circonstances, en tant qu'elle représente l'ultime violation du droit à la vie garanti par le droit international;

3.  exprime les profondes préoccupations que lui inspire la mise en oeuvre des nouveaux codes pénaux fondés sur la charia depuis janvier 2000 dans un certain nombre d'États du Nord du Nigeria;

4.  demande instamment aux gouverneurs des États de Katsina, du Haut-Niger et de Jigawa de suivre l'exemple de l'État de Sokoto en faisant preuve de clémence et en annulant les peines de mort déjà prononcées;

5.  considère que les peines infligées telles que la lapidation, la flagellation ou l'amputation constituent des traitements cruels, inhumains et dégradants selon les normes internationales en matière de droits de l'homme;

6.  condamne toutes les formes d'intolérance religieuse, et constate avec préoccupation que l'interprétation et l'application fondamentalistes de la charia dans certains États nigérians est contraire au respect des droits humains fondamentaux, et invite le gouvernement fédéral du Nigeria à garantir le strict respect de la constitution et de l'État de droit;

7.  soutient les efforts entrepris par le gouvernement fédéral du Nigeria pour faire en sorte que les juridictions et chacun des 36 États respectent pleinement et agissent conformément à la déclaration des droits figurant dans la propre constitution du Nigeria et conformément à la législation internationale sur les droits de l'homme;

8.  encourage les efforts de la Commission nationale des droits de l'homme nommée par le gouvernement pour enquêter sur les violations des droits de l'homme qui ont été perpétrées et pour promouvoir le respect des droits de l'homme;

9.  se félicite des initiatives prises par le gouvernement fédéral visant à garantir une assistance juridique à tous ceux qui font appel contre les peines dont ils font l'objet, et demande instamment aux autorités fédérales du Nigeria de garantir le droit d'appel constitutionnel pour toutes les personnes condamnées en vertu des codes pénaux fondés sur la charia, en faisant en sorte qu'ils puissent s'adresser à des instances supérieures, non seulement au niveau de l'État fédéré mais également au niveau fédéral;

10.  invite instamment l'Union européenne et les organisations internationales à coordonner et à fournir une assistance technique et juridique intégrale à Amina Lawal et à d'autres victimes et à faire en sorte que le jeune couple actuellement emprisonné puisse recevoir des conseils et des visites;

11.  rappelle sa demande visant à considérer les personnes victimes de persécutions fondamentalistes comme des personnes pouvant faire l'objet de demandes d'asile politique, surtout dans le cas de condamnation à mort par lapidation,

12.  charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, aux gouvernements et parlements des États membres et des pays candidats, aux Coprésidents de l'Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, aux Secrétaires généraux des Nations unies, de l'Union africaine, du Commonwealth, de l'OCDE, de l'Union interparlementaire et de l'Organisation de la Conférence islamique, aux Présidents de l'Assemblée générale des Nations unies, du Conseil de sécurité des Nations unies, du Conseil économique et social des Nations unies, de la Banque européenne d'investissement, de la Banque africaine de développement, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, ainsi qu'au Président, au gouvernement, au parlement et aux 36 gouverneurs des États du Nigeria.


(1)1 JO C 276 du 1.10.2001, p. 284.
(2)2 JO C 140 E du 13.6.2002, p. 583.
(3)3 P5_TA(2002) 0188.
(4)4 P5_TA(2002) 0057.
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