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Aux États-Unis, un condamné à mort sur dix est un ancien combattant

dépêche de presse du 10 novembre 2015 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Etats-Unis
Exécuté début 2015 dans l'État de Géorgie, Andrew Brannan est un exemple de ces milliers de soldats américains traumatisés par la guerre et qui se rendent coupables d'un meurtre une fois démobilisés.

Au moins 10 % des condamnés à la peine capitale aux États-Unis sont d'anciens combattants, révèle un rapport publié mardi.

Les tribunaux peinent à prendre en compte les atteintes psychiatriques de ces vétérans, punis par un pays pour lequel ils ont risqué leur vie, conclut cette étude du Centre d'information sur la peine de mort (DPIC).

Pour se figurer les perturbations mentales dont souffrait Andrew Brannan, il suffit de se référer à son comportement le 12 janvier 1998, filmé par la caméra embarquée dans la voiture du policier Kyle Dinkheller, qui a tenté de le verbaliser pour excès de vitesse.

Dans cette vidéo, montrée dans les écoles de police aux États-Unis, on voit l'ex-militaire sortir de son pick-up - un acte formellement proscrit quand on se fait arrêter sur une route américaine - et entamer une folle danse sur la chaussée.

«Je suis là! Je suis là! Descends-moi!», nargue M. Brannan, provocateur. Puis, toujours sourd aux ordres de l'agent, il passe aux invectives: «Va te faire foutre!», hurle-t-il, «Je suis un putain de vétéran du Vietnam!»

Quand il retourne à son véhicule, c'est pour saisir une arme. Une fusillade éclate.

Kyle Dinkheller est touché neuf fois et expire sur place. Andrew Brannan, blessé à l'abdomen, repart dans son pick-up.

Lors de son procès, ses avocats ont tenté en vain de lui obtenir des circonstances atténuantes. Décoré pour sa bravoure, l'ancien combattant s'était vu diagnostiquer un syndrome de stress post-traumatique (PTSD).

De la gloire à l'opprobre



«Vu que les anciens combattants représentent moins de 7 % de la population américaine, bien souvent les juges, les jurés, les procureurs et même les avocats de la défense ne sont pas familiers des affaires militaires», explique à l'AFP Art Cody, directeur juridique d'une organisation de défense de vétérans.

«Même s'il existe une reconnaissance de forme du statut de vétéran, ceux qui prennent les décisions de justice ont fréquemment du mal à comprendre combien le vécu militaire de l'accusé l'a affecté et a influencé son crime», ajoute cet officier retraité de la marine américaine.

Quelque 300 anciens combattants végètent aujourd'hui dans les couloirs de la mort en Amérique.

Avant cette déchéance suprême, certains ont connu la gloire et les honneurs.

Comme Robert Fisher, blessé en 1967 au Vietnam et décoré sur son lit d'hôpital par le président Lyndon Johnson de la Purple Heart, une prestigieuse médaille. Atteint de troubles mentaux, Robert Fisher a des années après assassiné sa compagne.

Selon le rapport du DPIC, plus de 800 000 anciens combattants du Vietnam ont montré des symptômes de stress post-traumatique. Plus de 300 000 anciens combattants d'Irak et d'Afghanistan en souffrent.

D'un tireur d'élite à l'autre



La question des difficultés de leur réadaptation à la vie civile a bénéficié d'un puissant coup de projecteur avec le film à succès American Sniper de Clint Eastwood, sur un tireur d'élite en Irak, Chris Kyle.

Lui-même fut tué en 2013 par un ancien Marine mentalement détraqué, Eddie Ray Routh. Ce dernier a été condamné fin février au Texas à la prison à perpétuité, les jurés n'ayant pas retenu l'hypothèse de sa folie.

Mais, pour le DPIC, son cas illustre néanmoins une «autre approche» recommandée, car le procureur n'a pas cherché à obtenir sa vie.

Une chance que n'a pas eue John Allen Muhammad, un vétéran de la guerre du Golfe, condamné à mort pour dix meurtres gratuits qui ont choqué l'Amérique.

Il avait aménagé le coffre d'une vieille Chevrolet afin de pouvoir s'y dissimuler et tirer sur des personnes prises au hasard. Surnommé «le sniper de Washington», il fut exécuté en 2009.

Divers experts consultés par l'AFP estiment toutefois hasardeux de relier les traumatismes psychologiques de certains vétérans et les violences qu'ils pourraient commettre des années après.

«Les statistiques sur les anciens combattants souffrant de stress post-traumatique indiquent que l'alcool, les abus médicamenteux et les autres problèmes psychologiques sont bien plus susceptibles de déclencher ces violences», assure la spécialiste Lauren Jenkins.
(Sébastien Blanc)
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