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La Cour européenne fait droit aux demandes de mesures urgentes d'un prisonnier de guerre condamné à mort dans la « République populaire de Donetsk »

CEDH 204 (2022)
communiqué de presse du 16 juin 2022 - Cour européenne des droits de l'homme
Pays :
Brahim Saadoun
Communiqué de presse de la Greffière de la Cour

Aujourd'hui, la Cour européenne des droits de l'homme a décidé d'indiquer des mesures provisoires dans l'affaire Saadoune c. Russie et Ukraine (requête no 28944/22), qui porte sur un ressortissant marocain, membre des forces armées ukrainiennes, ayant été condamné à mort dans la « République populaire de Donetsk »(« RPD ») après s'être rendu aux forces russes au cours des hostilités récentes.

La Cour a notamment indiqué au gouvernement de la Fédération de Russie, au titre de l'article 39 de son règlement, qu'il devait veiller à ce que la peine de mort infligée au requérant ne soit pas exécutée, s'assurer que l'intéressé bénéficie de conditions de détention correctes et lui fournir les soins et traitements médicaux requis.

La Cour a également indiqué au gouvernement de l'Ukraine qu'il devait garantir, dans toute la mesure du possible, le respect des droits conventionnels du requérant.

L'article 39 de son règlement permet à la Cour d'indiquer des mesures provisoires à tout État partie à la Convention européenne des droits de l'homme. Les mesures visées par l'article 39 du Règlement de la Cour sont prises dans le cadre du déroulement de la procédure devant la Cour et ne présagent pas de ses décisions ultérieures sur la recevabilité ou sur le fond des affaires dont il est question. La Cour ne fait droit aux demandes de mesures provisoires qu'à titre exceptionnel, lorsque les requérants seraient exposés – en l'absence de telles mesures – à un risque réel de dommages irréparables. Pour plus d'informations, voir la fiche thématique sur les mesures provisoires.


Le requérant, Brahim Saadoune, est un ressortissant marocain né en 2000. En 2019, il s'installa en Ukraine pour suivre des études à Kyiv.

En novembre 2021, le requérant quitta Kyiv pour suivre une formation militaire à l'issue de laquelle il fut affecté à la 36ème brigade de marine des forces armées ukrainiennes, stationnée à Marioupol (région de Donetsk).

Dans le contexte de la guerre en Ukraine, les autorités russes annoncèrent le 13 avril 2022 que 1 026 militaires appartenant à la brigade du requérant avaient volontairement déposé les armes et s'étaient rendus aux forces russes à Marioupol.

Après ces événements, le requérant fut accusé d'avoir commis les infractions réprimées par les articles 323 (prise et rétention du pouvoir par la force), 430 (participation à un conflit armé ou à des hostilités en tant que mercenaire) et 232 (incitation à l'entraînement aux activités terroristes) du « code pénal de la RDP ».

Le 9 juin 2022, le requérant fut condamné à mort par un « tribunal de la RDP ». Le même jour, deux autres individus, de nationalité britannique, furent condamnés à mort par le même « tribunal ».

Le 14 juin 2022, le représentant du requérant a introduit devant la Cour une demande fondée sur l'article 39 du règlement et visant à la protection des droits conventionnels de l'intéressé.

Statuant le 16 juin 2022 sur cette demande de mesure provisoire, la Cour européenne a décidé que le gouvernement russe devait :
« a) veiller à ce que la peine de mort infligée au requérant ne soit pas exécutée;
b) garantir le respect des droits conventionnels de M. Brahim Saadoune, notamment en ce qui concerne les articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention, et lui fournir les soins et traitements médicaux requis. »

La Cour souligne que la Grande Chambre est en train d'examiner la question de sa juridiction sur le territoire où le requérant est détenu dans l'affaire Ukraine et Pays-Bas c. Russie (requêtes nos 8019/16, 43800/14 et 28525/20), et que le gouvernement russe demeure tenu, en vertu de l'article 34, de n'entraver par aucune mesure l'exercice efficace du droit de recours individuel.

La Cour demande au gouvernement russe de l'informer, dans un délai de deux semaines, des actions et mesures mises en œuvre par les autorités russes pour garantir le respect des droits conventionnels de M. Brahim Saadoune. À cet égard, elle rappelle au gouvernement russe que la mesure provisoire indiquée le 1er mars 2022 dans l'affaire Ukraine c. Russie (X) (n° 11055/22) demeure en vigueur.

Enfin, la Cour décide d'indiquer au gouvernement ukrainien qu'il doit garantir, dans toute la mesure du possible, le respect des droits conventionnels de M. Brahim Saadoune, et l'invite à lui communiquer, dans le même délai de deux semaines, toute information qu'il considère pertinente.
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