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Affaire Khashoggi : le procès saoudien est « tout sauf justice », selon une experte indépendante de l'ONU

communiqué de presse du 26 décembre 2019 - Organisation des Nations Unies
Pays :
peine de mort / Arabie Saoudite
Une experte des droits humains de l'ONU a exprimé jeudi son « double choc » à la suite des condamnations à mort prononcées lundi en Arabie saoudite contre cinq personnes à l'issue d'un procès à huis clos pour le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.

« Les bourreaux ont été reconnus coupables et condamnés à mort. Étant opposée à la peine de mort, cela constitue un premier choc pour moi », a déclaré dans un communiqué la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Agnès Callamard.

« Ceux qui ont ordonné les exécutions sont non seulement en liberté mais ils ont à peine été touchés par l'enquête et le procès. C'est là le deuxième choc. C'est l'antithèse de la justice et un manque de respect inacceptable envers les victimes », a ajouté l'experte indépendante de l'ONU.

L'État doit être tenu responsable

Selon la Rapporteure spéciale, « en vertu du droit international relatif aux droits de l'homme, le meurtre de M. Khashoggi est une exécution extrajudiciaire dont le Royaume d'Arabie saoudite doit être tenu responsable ». L'experte souligne que l'affaire du meurtre du journaliste exige qu'une « enquête sur la chaîne de commandement pour identifier les commanditaires, ainsi que ceux qui ont incité, permis ou fermé les yeux sur le meurtre, comme le prince héritier » soit diligentée.

« Cependant, à aucun moment, le procès n'a pris en compte les responsabilités de l'État », a déploré Mme Callamard.

« Les 18 fonctionnaires saoudiens, présents en tant que tels au consulat saoudien à Istanbul pendant plus de 10 jours, ont nettoyé la scène du crime. C'est une entrave à la justice et une violation du Protocole du Minnesota relatif aux enquêtes sur les exécutions arbitraires », a affirmé la Rapporteure spéciale.

Un meurtre planifié

Selon Mme Callamard, « la présence d'un médecin légiste inscrit dans l'équipe officielle du meurtre au moins 24 heures avant le crime, et discutant du démembrement de M. Khashoggi deux heures avant qu'il ne se produise réellement, indique aussi clairement que le meurtre était planifié ».

La Rapporteure spéciale a fait remarquer que le juge semblait conclure que le meurtre de M. Khashoggi était un accident puisqu'il ne semblait pas y avoir d'intention, mais il a néanmoins condamné les accusés à la peine de mort, en violation flagrante du droit international relatif aux droits de l'homme.

« La peine de mort ne devrait être prononcée que dans les conditions les plus strictes d'un procès équitable, dont l'une est appliquée en cas de meurtre intentionnel », a-t-elle déclaré.

L'experte a également critiqué le déroulement des audiences à huis clos, alors qu'aucune des justifications de la tenue non publique d'un procès en droit international ne s'appliquait.

Mme Callamard a déclaré que les accusés avaient déclaré à plusieurs reprises au cours des audiences qu'ils obéissaient aux ordres. Elle a également déploré que le conseiller personnel du Prince héritier, Saoud al-Qahtani, n'ait pas été inculpé et reste libre malgré le fait qu'il avait exigé l'enlèvement de M. Khashoggi au motif qu'il représentait une menace pour la sécurité nationale, comme l'a déclaré publiquement le Procureur. Le Consul d'Arabie saoudite à Istanbul, Mohammad al-Otaibi, qui avait accepté que son consulat et son bureau deviennent une scène de crime, a été déclaré non coupable, souligne également le communiqué de l'experte.

« L'impunité pour le meurtre d'un journaliste peut généralement révéler de la répression politique, de la corruption, des abus de pouvoir, de la propagande et même de la complicité internationale ; et tous ces éléments sont présents dans le meurtre par l'Arabie saoudite de M. Jamal Khashoggi», a conclu Agnès Callamard.

En juin 2019, à l'issue d'une enquête de six mois, Mme Callamard a publié un rapport sur le meurtre de M. Khashoggi en octobre 2018. Le rapport a analysé les preuves sur la base du droit international relatif aux droits de l'homme et a examiné les mesures qui auraient pu empêcher son assassinat.
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