Plan du site

Annexe à la Recommandation CM/Rec(2021)2 sur des mesures contre le commerce de biens utilisés pour la peine de mort, la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants

recommandation du 31 mars 2021 - Conseil de l'Europe
Annexe à la Recommandation CM/Rec(2021)2

1. Mesures concernant le commerce de biens et d'équipements intrinsèquement abusifs

1.1. Les États membres devraient veiller à ce qu'un cadre juridique et des mesures administratives soient établis et mis en œuvre au niveau national afin d'interdire l'importation, l'exportation et le transit de biens et d'équipements, et la fourniture d'une assistance technique et d'une formation concernant ces biens et équipements qui n'ont d'autre utilisation pratique que celle d'infliger la peine de mort, la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

1.2. Les États membres devraient prévenir et interdire l'importation, l'exportation ou le transit, à partir, vers ou sous leur juridiction, des biens et équipements visés au paragraphe 1.3 qui n'ont d'autre utilisation pratique que celle d'infliger la peine de mort, la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En outre, le courtage de tous ces biens et équipements par des ressortissants ou des sociétés des États membres devrait être interdit, quelle que soit leur origine. À titre exceptionnel, les États membres pourraient autoriser l'importation, l'exportation ou le transit des biens et équipements visés au paragraphe 1.3 s'il est prouvé qu'ils seront utilisés exclusivement à des fins d'exposition publique dans un musée, en raison de leur intérêt historique.

1.3. Les États membres devraient établir une liste de biens et d'équipements interdits, qui devrait à tout le moins inclure les catégories spécifiées à l'annexe 1. Cette liste devrait être régulièrement révisée et mise à jour afin de tenir compte des changements dans le développement et la nature de l'utilisation de ces biens et équipements, tout comme des changements de leurs marchés internationaux.

1.4. Les États membres devraient détruire tout stock de biens et d'équipements visés au paragraphe 1.3 qui se serait sous leur juridiction, à moins que celui-ci ne soit utilisé à des fins exclusives d'exposition publique dans un musée en raison de son intérêt historique.

1.5. Les États membres devraient veiller à interdire toute publicité pour les équipements visés au paragraphe 1.3 quel que soit le support, y compris les technologies de l'information et de la communication et l'internet, a télévision, la radio, la presse écrite et les salons professionnels.

1.6. La fourniture d'une assistance technique liée à l'un des biens et équipements interdits, y compris un soutien technique lié à la réparation, au développement, à la fabrication, à l'essai, à l'entretien, au montage ou à tout autre service technique, devrait être interdite, à l'exception des procédés utilisés dans les musées à des fins de conservation et de protection. Cette assistance peut prendre la forme d'instructions, de conseils ou d'activités de formation et de transmission de connaissances ou de compétences. En outre, la formation à l'utilisation de tout bien ou équipement interdit devrait être prohibée.

1.7. Les États membres devraient veiller à ce que des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives soient prévues pour les activités qui enfreignent les interdictions visées aux paragraphes 1.2, 1.5 et 1.6.


2. Mesures concernant l'exportation et le transit de certains produits chimiques pharmaceutiques

2.1. Les États membres devraient réglementer et autoriser l'exportation et le transit de certains produits chimiques pharmaceutiques afin de garantir qu'ils ne sont pas transférés pour être utilisés dans des exécutions par injection létale dans des États qui appliquent encore la peine de mort. L'action des États membres ne devrait pas limiter le commerce de ces produits chimiques à des fins médicales, vétérinaires ou autres fins légitimes.

2.2. La réglementation devrait inclure les produits chimiques pharmaceutiques listés à l'annexe 2 et la liste devrait être régulièrement révisée, et si nécessaire mise à jour, afin de tenir compte des changements dans la production, le commerce et l'utilisation de ces produits chimiques.

2.3. Les États membres devraient veiller à ce que des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives soient prévues pour les activités qui enfreignent les réglementations visées au point 2.1.


3. Mesures concernant le commerce de biens et d'équipements destinés au maintien de l'ordre

3.1. Les États membres devraient mettre en place des mesures nationales efficaces afin de contrôler l'exportation et le transit de biens et d'équipements destinés au maintien de l'ordre qui, tout en ayant une fonction légitime lorsqu'ils sont utilisés en accord avec les normes internationales et régionales en matière de droits de l'homme et d'autres normes pertinentes en matière d'usage de la force, peuvent être utilisés en vue d'infliger la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants par les forces de l'ordre et autres agents de l'État. Ces mesures peuvent inclure:

3.1.1. le contrôle de l'exportation et du transit de ces biens et équipements par le biais d'un système de licence, tel que prévu au paragraphe 3.2 ;

3.1.2. l'établissement d'une liste de biens et d'équipements contrôlés, qui devrait, à tout le moins, inclure les catégories spécifiées à l'annexe 3. La liste devrait être régulièrement révisée afin de tenir compte des changements dans le développement et la nature de l'utilisation de ces biens et équipements, ainsi que des changements sur leurs marchés internationaux ;

3.1.3. la surveillance de la fourniture d'assistance technique et de formation à l'utilisation des biens et équipements visés au paragraphe 3.1.2 ;

3.1.4. le contrôle de la fourniture de services de courtage liés aux biens et équipements visés au paragraphe 3.1.2 ;

3.1.5. le fait de veiller à ce que des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives existent pour les activités qui enfreignent les mesures de contrôle énoncées aux paragraphes 3.1.1, 3.1.3 et 3.1.4.

3.2. Les États membres devraient mettre en place des mesures nationales efficaces en matière d'octroi de licences pour les biens et équipements visés au paragraphe 3.1, telles que :

3.2.1.autoriser au cas par cas l'exportation des biens et équipements visés au paragraphe 3.1.2. La licence correspondante ne devrait être délivrée que sur présentation d'une demande détaillée de la part de l'exportateur potentiel, comprenant un certificat d'utilisation finale ou une assurance écrite officielle équivalente de la part ou concernant le destinataire prévu et détaillant la nature et le volume des biens, l'utilisateur final et la nature de l'utilisation prévue. Aucune licence n'est requise pour les exportations vers des pays tiers lorsque les biens et équipements sont utilisés par le personnel militaire ou civil d'un État membre qui participe à une opération de maintien de la paix ou de gestion de crise organisée par les Nations Unies ou une organisation régionale dans le pays tiers concerné, ou participe à une opération fondée sur des accords entre les États membres et des pays tiers dans le domaine de la défense, pour une utilisation par le personnel de l'État membre concerné. Les autorités compétentes devraient vérifier si cette condition est remplie. Dans l'attente de cette vérification, l'exportation ne doit pas avoir lieu ;

3.2.2. veiller à ce que l'examen des demandes de licence d'exportation ou de transit comporte une évaluation du risque que les biens et équipements visés au paragraphe 3.1.2 soient détournés ou utilisés à des fins de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. L'évaluation devrait tenir compte des arrêts pertinents des tribunaux internationaux ainsi que des informations fournies par les organismes internationaux et nationaux compétents qui font autorité en matière d'utilisation et de réglementation des biens et équipements par les utilisateurs finaux proposés ; d'autres informations pertinentes pouvant être prises en considération incluent des jugements de tribunaux nationaux, des rapports ou autres informations préparés par des organisations de la société civile ainsi que des informations sur les restrictions aux exportations de biens et d'équipements figurant aux annexes 1 et 3 appliquées par le pays de destination ;

3.2.3. veiller à ce que la licence d'exportation soit refusée lorsqu'il y a des motifs raisonnables de croire que les biens et équipements demandés seront utilisés à des fins de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

3.2.4. révoquer la licence d'une exportation en cours lorsqu'il y a des motifs raisonnables de croire que les biens et équipements transférés ont été, sont ou risquent d'être utilisés à des fins de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ou lorsque le détournement de ces biens et équipements est probable ;

3.2.5. veiller à ce que le transit des biens et équipements visés au paragraphe 3.1.2 soit interdit lorsque la personne, l'entité ou l'organisme qui exécute le transit sait qu'une partie du chargement de ces biens et équipements est destinée à être utilisée à des fins de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;

3.2.6. tenir des registres de toutes les licences d'exportation, autorisations de transit, autorisations de services de courtage, assistance technique et formation connexes ;

3.2.7. publier un rapport d'activité national annuel fournissant des informations sur le nombre de demandes reçues, les biens et équipements et les pays concernés par ces demandes, et sur les décisions prises concernant ces demandes ;

3.2.8. échanger des informations avec les États membres du Conseil de l'Europe sur les décisions relatives aux licences (nombre de demandes, types de biens et équipements et pays concernés) et, si elles sont disponibles, sur les exportations réelles.


4. Échange et diffusion d'informations, coopération

Les États membres devraient utiliser la Plateforme en ligne du Conseil de l'Europe pour les droits de l'homme et les entreprises pour l'échange d'informations et le partage des meilleures pratiques, incluant notamment la diffusion de la législation nationale pertinente et des procédures administratives associées, afin de faciliter à la fois la mise en œuvre effective des mesures au niveau national et la coopération transfrontalière. La Plateforme et les mesures associées peuvent faciliter la diffusion d'informations auprès des milieux d'affaires et des autres parties prenantes essentielles afin de les sensibiliser à leurs obligations, ainsi qu'aux mécanismes et mesures pertinents établis pour réglementer le commerce des équipements de maintien de l'ordre et des biens pertinents, afin d'empêcher leur utilisation pour la peine de mort, la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.


5. Soutien aux États non membres

5.1. Les États membres devraient encourager les États non membres à mettre en œuvre des mesures telles que celles énoncées dans la présente recommandation et dans d'autres normes internationales pertinentes qui réglementent le commerce d'équipements et de biens destinés au maintien de l'ordre, afin d'empêcher leur utilisation à des fins de peine de mort, torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en développant notamment des partenariats ou en proposant d'autres formes de soutien pour la mise en œuvre de ces normes.

5.2. Les États membres devraient prodiguer des conseils et apporter leur soutien aux États non membres qui souhaitent renforcer leur cadre réglementaire en matière de commerce de biens et d'équipements destinés au maintien de l'ordre, afin d'empêcher leur utilisation à des fins de peine de mort, torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

5.3. Les États membres devraient fournir des informations, par l'intermédiaire de leurs missions diplomatiques ou consulaires dans les États non membres, sur les implications au regard des droits de l'homme du commerce de biens et d'équipements pouvant être utilisés à des fins de torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.


6. Action dans d'autres organisations internationales

6.1. Les États membres devraient promouvoir, dans les enceintes internationales compétentes, une action contre le commerce de biens et d'équipements utilisés pour la peine de mort, la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Une attention particulière devrait être accordée aux processus des Nations Unies visant à étudier la faisabilité et la portée d'une palette d'options pour établir des normes internationales communes dans ce domaine, notamment un instrument juridiquement contraignant.

6.2. Si ce n'est pas encore fait, les États membres devraient rejoindre l'Alliance pour un commerce sans torture, utiliser et contribuer au réseau mondial de points focaux généraux de l'Alliance pour partager des informations et de bonnes pratiques, et, le cas échéant, pour fournir ou bénéficier d'une assistance technique dans l'élaboration et la mise en œuvre de la législation nationale pertinente.


Annexe 1

Liste de biens et d'équipements interdits intrinsèquement abusifs

Les biens et équipements intrinsèquement abusifs incluent, sans s'y limiter :
i. potences, guillotines, lames pour guillotines, chambres à gaz, chaises électriques et systèmes automatiques d'injection létale conçus pour la peine capitale ;
ii. poucettes, menottes pour doigts, vis de pouces et de doigts ; barres d'entrave; menottes pour immobiliser des êtres humains conçues pour être ancrées au mur, au sol ou au plafond ; entraves pour jambes lestées ; chaînes multiples comprenant des barres d'entraves ou des entraves pour jambes lestées, chaises de contrainte et panneaux/lits à entraves métalliques ; lits-cages et lits à filet ;
iii. bâtons ou matraques à aiguillons, boucliers munis de pointes métalliques, fouets comportant plusieurs lanières ou longes, ou ayant une ou plusieurs lanières ou longes munies de barbelures, de crochets, de pointes, de fil métallique ou d'objets similaires qui renforcent l'impact de la lanière ou de la longe ;
iv. dispositifs à impulsion électrique portatifs tels que ceintures, manches et poignets conçus pour retenir les êtres humains en leur infligeant des chocs électriques.


Annexe 2

Liste de produits pharmaceutiques utilisés pour l'exécution par injection létale

Produits pouvant être utilisés pour l'exécution d'êtres humains par injection létale tels que les suivants :
Agents anesthésiques barbituriques à action courte et intermédiaire incluant, sans s'y limiter :
i. amobarbital (CAS RN 57-43-2) ;
ii. sel de sodium d'amobarbital (CAS RN 64-43-7) ;
iii. pentobarbital (CAS RN 76-74-4) ;
iv. sel de sodium de pentobarbital (CAS 57-33-0) ;
v. sécobarbital (CAS RN 76-73-3) ;
vi. sel de sodium de sécobarbital (CAS RN 309-43-3) ;
vii. thiopental (CAS RN 76-75-5) ;
viii. sel de thiopental sodique (CAS RN 71-73-8), également appelé thiopentone sodique ;
ix. produits contenant l'un des agents anesthésiques figurant dans la liste d'agents anesthésiques barbituriques à action courte ou intermédiaire.


Annexe 3

Liste de biens et d'équipements contrôlés

Les biens et équipements contrôlés incluent, sans s'y limiter :
i. manilles, chaînes multiples, cagoules, manilles ou anneaux équipés d'un mécanisme de verrouillage ayant une circonférence intérieure supérieure à 165 mm lorsque le cliquet est enclenché au dernier cran entrant dans le dispositif de verrouillage ;
ii. armes à impulsion électrique portables ne pouvant cibler qu'une seule personne lorsque la décharge est administrée, telles que matraques à impulsion électrique, boucliers à impulsion électrique, pistolets paralysants et pistolets à fléchettes à impulsion électrique ; kits contenant les principaux composants pour assembler ces armes ;
iii. armes à impulsion électrique fixes ou montables couvrant une grande superficie et pouvant cibler plusieurs individus par des décharges électriques ;
iv. matériel antiémeute employé à des fins de maintien de l'ordre, tel que :
a. 2-Chlorobenzylidène malonitrile (CS) (CAS 2698- 41-1) ;
b. 2-Chloroacétophénone (CN) (CAS 532-27-4) ;
c. Dibenz-(b,f)-1,4-oxazéphine, (CR) (CAS 257-07-8) ;
d. N-Nonanoylmorpholine, (MPA) (CAS 5299-64-9) ;
e. Oléorésine de Capsicum (OC) (CAS RN 8023-77-6) ;
f. Vanillylamide de l'acide pélargonique (PAVA) (CAS RN 2444-46-4) ;
v. matériel de dispersion antiémeute ciblant un individu ou diffusant une dose limitée sur une petite superficie ;
vi. matériel de dispersion antiémeute fixe pour diffusion d'une dose limitée sur une petite superficie à l'intérieur d'un bâtiment ;
vii. matériel de dispersion antiémeute pour diffusion sur une large superficie, y compris les canons à eau.



Note

L'Exposé des motifs qui figure au document CM(2021)22-add3final a été adopté par le Comité directeur pour les droits de l'homme (CDDH) par procédure électronique le 28 janvier 2021 suite à de sa 93e réunion (14-16 décembre 2020) en vue de la publication de la Recommandation CM/Rec(2021)2 du Comité des Ministres aux États membres sur des mesures contre le commerce de biens utilisés pour la peine de mort, la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants[1].

Lors de l'adoption de la recommandation lors de leur 1400e réunion, 31 mars 2021, les Délégués des Ministres ont pris note de l'Exposé des motifs.

[1] Sur la base du schéma approuvé par le Bureau du CDDH et des informations fournies par les États membres, un expert consultant, le Dr Michael CROWLEY (Bradford University / Omega Research Foundation), a préparé avec le Secrétariat une étude de faisabilité qui a été discutée par le CDDH lors de sa 91e réunion (18-21 juin 2019) et adoptée lors de sa 92e réunion (26-29 novembre 2019). L'étude a mis en évidence la situation actuelle concernant ce type de commerce et les réponses juridiques nationales et internationales existantes, et a suggéré des mesures pour renforcer les réglementations internationales par une recommandation du Conseil de l'Europe. Le 12 février 2020, le Comité des Ministres a donné son feu vert à l'élaboration d'une telle recommandation. Par la suite, le CDDH a désigné deux rapporteurs nationaux, à savoir Mme Nicola WENZEL (Allemagne) et M. Chanaka WICKREMASINGHE (Royaume-Uni), pour préparer le projet de recommandation et son Exposé des motifs en coopération avec le consultant et le Secrétariat.
Partager…