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Ouganda. Juristes et parlementaires demandent le réexamen d'une loi anti-LGBT+ controversée

dépêche de presse du 20 avril 2023 - Agence mondiale d'information - AFP
Pays :
peine de mort / Ouganda
Le Parlement ougandais a voté le 21 mars une loi prévoyant de lourdes peines pour les personnes entretenant des relations homosexuelles. Cette loi a suscité l'indignation de nombreuses organisations de défense des droits humains et de gouvernements de pays occidentaux.

(Kampala) La très controversée loi anti-LGBT+ votée fin mars par le parlement ougandais pourrait retourner prochainement devant les législateurs, après que des juristes gouvernementaux et des parlementaires du parti au pouvoir ont demandé au président un réexamen du texte, a-t-on appris jeudi.

Ce texte voté le 21 mars et prévoyant de lourdes peines pour les personnes entretenant des relations homosexuelles a suscité l'indignation de nombreuses organisations de défense des droits humains et de gouvernements de pays occidentaux.

Les députés européens l'ont dénoncé jeudi dans une résolution, mettant en garde le président Yoweri Museveni contre sa promulgation.

L'étendue des peines prévues par cette nouvelle loi n'est pas connue précisément. Mais selon des défenseurs de la cause homosexuelle, elle prévoit que toute personne se livrant à des activités homosexuelles encourt la réclusion à perpétuité et, en cas de récidive, la peine de mort, dans ce pays d'Afrique de l'Est où l'homosexualité est illégale.

Incluse dans la législation ougandaise, la peine capitale n'est plus appliquée depuis des années.

Jeudi après-midi, le président ougandais avait convié les parlementaires du Mouvement de résistance nationale (NRM), le parti au pouvoir dont Museveni est le président, pour « discuter, entre autres, de la Loi anti-homosexualité 2023 ».

Accompagnés de quelques députés indépendants, ces derniers ont « conseillé au président de renvoyer le projet de loi au Parlement, avec des propositions pour son amélioration », selon un texte consulté par l'AFP dont l'authenticité a été confirmée par des participants à la réunion.

Cette recommandation rejoint celle formulée par des juristes du gouvernement.

Dans une autre lettre adressée jeudi la présidente du Parlement Anita Among et consultée par l'AFP, le procureur général adjoint Kaafuzi Jackson Kargaba affirme que les juristes gouvernementaux ont conseillé à M. Museveni de « renvoyer devant le Parlement pour réexamen ».

Si « le gouvernement n'est pas opposé à la loi », plusieurs dispositions sont toutefois « trop larges ou vagues » et pourraient être contestées « pour des motifs d'inconstitutionnalité », souligne M. Kargaba.

« Rhétorique de haine »
L'ONU, Amnistie internationale, Washington, Londres et l'UE ont demandé au président ougandais de rejeter cette loi.

Les Eurodéputés ont voté jeudi une résolution dénonçant une loi qui « viole la Constitution ougandaise, ainsi que les obligations de l'Ouganda à l'égard de la Charte africaine des droits de l'Homme et des peuples, et du droit international ».

La résolution « déplore la contribution du président Museveni à la rhétorique de haine envers les personnes » LGBT+, ajoutant que « les relations entre l'UE et l'Ouganda seront menacées si le président promulgue le projet de loi ».

Après le vote de la loi, la Maison-Blanche avait mis en garde l'Ouganda contre de potentielles « conséquences » économiques si la loi entrait en vigueur.

Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, Volker Türk, avait aussi appelé M. Museveni à ne pas promulguer ce « texte discriminatoire -probablement le pire au monde en son genre ».

« Déviance »
L'homophobie est répandue en Ouganda, comme à travers l'Afrique de l'Est.

S'il n'y a pas eu de poursuite pour des actes homosexuels ces dernières années, harcèlement et intimidations sont le quotidien des homosexuels en Ouganda, où s'est développé un christianisme évangélique particulièrement véhément à l'égard du mouvement LGBT.

Cinq jours avant le vote de la loi, le président Museveni avait qualifié les personnes homosexuelles de « déviantes » dans un discours au Parlement.

« Les homosexuels sont une déviance de la norme. Pourquoi ? Est-ce inné ou acquis ? Nous devons répondre à ces questions. Nous avons besoin d'un avis médical là-dessus. Nous devons en discuter vraiment », avait déclaré le chef de l'État, qui dirige l'Ouganda d'une main de fer depuis 1986.

L'Ouganda – où les relations dites « contre nature » sont déjà passibles de la perpétuité depuis une loi datant de la colonisation britannique – avait adopté en décembre 2013 une nouvelle législation réprimant notamment la « promotion de l'homosexualité » et rendant obligatoire la dénonciation des homosexuels.

Cette loi, qui avait déclenché un tollé international, avait été annulée pour vice de forme par la Cour constitutionnelle en août 2014.
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