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Résolution - Moratoire sur l'application de la peine de mort

A/RES/77/222
résolution du 15 décembre 2022 - Assemblée Générale de l'ONU
Nations Unies
Assemblée générale
Soixante-dix-septième session
Point 68 b) de l'ordre du jour
Promotion et protection des droits humains : questions relatives aux droits humains, y compris les divers moyens de mieux assurer l'exercice effectif des droits humains et des libertés fondamentales
A/RES/77/222
Distr. générale 6 janvier 2023

Résolution adoptée par l'Assemblée générale le 15 décembre 2022
[sur la base du rapport de la Troisième Commission (A/77/463/Add.2, par. 87)] 77/222.

Moratoire sur l'application de la peine de mort

L'Assemblée générale,

Guidée par les buts et les principes énoncés dans la Charte des Nations Unies,

Réaffirmant la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention relative aux droits de l'enfant,

Rappelant le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, et se félicitant à cet égard du nombre croissant d'adhésions à celui-ci et de ratifications de celui-ci,

Rappelant également ses résolutions 62/149 du 18 décembre 2007, 63/168 du 18 décembre 2008, 65/206 du 21 décembre 2010, 67/176 du 20 décembre 2012, 69/186 du 18 décembre 2014, 71/187 du 19 décembre 2016, 73/175 du 17 décembre 2018 et 75/183 du 16 décembre 2020 relatives à la question d'un moratoire sur l'application de la peine de mort, dans lesquelles elle a engagé les États qui maintiennent encore la peine de mort à instituer un moratoire sur les exécutions en vue de l'abolir,

Rappelant en outre l'ensemble des décisions et résolutions du Conseil des droits de l'homme en la matière, dont la plus récente est la résolution 48/9 du 8 octobre 2021,

Consciente que toute erreur judiciaire conduisant à l'application de la peine de mort est irréversible et irréparable,

Convaincue qu'un moratoire sur l'application de la peine de mort contribue au respect de la dignité humaine ainsi qu'à la promotion et au développement progressif des droits humains, et estimant qu'il n'existe pas de preuve concluante de la valeur dissuasive de la peine de mort,

Prenant note des débats locaux et nationaux et des initiatives régionales en cours concernant la peine de mort, du nombre croissant d'États Membres disposés à rendre publiques des informations sur l'application de la peine de mort, et également, à cet égard, de la décision prise par le Conseil des droits de l'homme, dans sa résolution 26/2 du 26 juin 2014, d'organiser des réunions-débats biennales de haut niveau afin de poursuivre les échanges de vues sur la question de la peine de mort,

Consciente du rôle des institutions nationales de défense des droits humains et de la société civile dans la poursuite des débats locaux et nationaux et des initiatives régionales concernant la peine de mort,

Prenant note de la diminution à long terme du nombre d'exécutions signalées et de l'augmentation du nombre de commutations de peine, et se félicitant de toutes les mesures prises par les États en vue de limiter l'application de la peine de mort,

Soulignant la nécessité de faire en sorte que les personnes passibles de la peine de mort aient accès sans discrimination aucune à la justice, notamment à un conseil juridique, et qu'elles soient traitées avec humanité et dans le respect de leur dignité intrinsèque et de leurs droits inscrits dans le droit international des droits de l'homme, ainsi que d'améliorer les conditions de vie dans les prisons, conformément aux normes internationales, telles que l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela),

Notant avec une vive préoccupation que, comme le Secrétaire général l'a indiqué dans ses récents rapports, les pauvres, les personnes vulnérables sur le plan économique, les ressortissants étrangers, les personnes exerçant leurs droits humains et les membres de minorités religieuses ou ethniques représentent souvent une part disproportionnée des condamnés à mort, et que la peine de mort est appliquée de manière discriminatoire aux femmes,

Prenant note du fait que la communication d'informations et l'accès à l'information en toute transparence concernant le recours à la peine de mort et les poursuites pénales peuvent mettre en lumière des pratiques ou des effets discriminatoires dans l'imposition et l'application de la peine de mort, et rappelant que, en particulier pour ce qui est de la peine capitale, les États doivent garantir la transparence afin de faire en sorte que toutes les personnes bénéficient des garanties de procédure régulière,

Prenant note également de l'incidence néfaste de l'imposition de la peine de mort sur les droits des enfants et des jeunes dont les parents, les responsables ou d'autres membres de la famille risquent la peine de mort, Prenant note en outre de la coopération technique entre les États Membres, ainsi que du rôle que jouent les organismes compétents des Nations Unies et les mécanismes de défense des droits humains en appuyant les efforts déployés par les États pour instituer des moratoires sur la peine de mort,

Ayant à l'esprit le travail accompli par les organes conventionnels et les titulaires de mandat au titre des procédures spéciales qui ont soulevé les questions relatives aux droits humains au sujet de la peine de mort dans le cadre de leur mandat,

Se félicitant du puissant mouvement tendant à l'abolition de la peine de mort à l'échelon mondial et du fait que de nombreux États représentant des systèmes juridiques, des traditions, des cultures et des contextes religieux différents instituent, en droit ou dans la pratique, des moratoires parfois prolongés sur l'application de la peine de mort,

1. Réaffirme le droit souverain de tous les pays d'élaborer leur propre système juridique et notamment de déterminer les peines appropriées, conformément aux obligations que leur impose le droit international ;

2. S'inquiète profondément de ce que la peine de mort continue d'être appliquée ;

3. Accueille avec satisfaction le rapport du Secrétaire général sur l'application de la résolution 75/183 et les recommandations qui y figurent ;

4. Se félicite des mesures prises par certains États pour réduire le nombre d'infractions passibles de la peine de mort et limiter l'application de celle-ci, notamment au moyen de commutations de peine ;

5. Se félicite également des initiatives et de l'action mobilisatrice engagées pour encourager les discussions et les débats nationaux sur la possibilité d'abandonner la peine capitale par des décisions prises au niveau national ;

6. Se félicite en outre des décisions prises par un nombre croissant d'États, dans toutes les régions et à tous les niveaux de gouvernement, d'appliquer un moratoire sur les exécutions puis, dans de nombreux cas, d'abolir la peine de mort ;

7. Demande à tous les États :

a) De respecter les normes internationales garantissant la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort, en particulier les normes minimales énoncées dans l'annexe de la résolution 1984/50 du Conseil économique et social, en date du 25 mai 1984, et de fournir au Secrétaire général des renseignements à ce sujet ;

b) De s'acquitter des obligations que leur impose l'article 36 de la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires, notamment l'obligation de l'État de résidence d'avertir sans retard l'État d'envoi lorsqu'un ressortissant de cet État est arrêté, incarcéré ou mis en état de détention préventive ou toute autre forme de détention, si l'intéressé en fait la demande, et l'obligation de l'État de résidence d'informer sans retard l'intéressé de ses droits aux termes de l'article 36 ;

c) De communiquer des informations pertinentes sur l'application de la peine de mort, ventilées par sexe, âge, handicap, nationalité et race, selon qu'il convient, et autres critères applicables, notamment le nombre de personnes condamnées à mort, le nombre de détenus en attente d'exécution et le lieu de leur détention, le nombre de personnes exécutées, le nombre de condamnations à mort annulées ou commuées en appel ou pour lesquelles une amnistie ou une grâce a été accordée, et la procédure invoquée, ainsi que sur toute exécution programmée, ces informations pouvant contribuer à éclairer et rendre plus transparents d'éventuels débats nationaux et internationaux, notamment sur les obligations des États en matière d'application de la peine de mort ;

d) De veiller à ce que toute procédure aboutissant à l'imposition de la peine de mort soit conforme aux garanties de procès équitable reconnues à l'échelle internationale, comme le droit à un procès juste et public et le droit à une aide juridique, notamment l'accès sans entrave à un conseiller juridique à toutes les étapes de la procédure, sans discrimination d'aucune sorte, en particulier pour les personnes appartenant à des minorités ou les ressortissants étrangers, en gardant à l'esprit que tout manquement aux garanties de procès équitable dans le cadre d'une procédure aboutissant à l'imposition de la peine de mort est susceptible de constituer une violation du droit à la vie ;

e) De limiter progressivement l'application de la peine de mort et de ne pas l'imposer aux personnes de moins de 18 ans ni à celles dont on ne peut établir avec certitude qu'elles avaient 18 ans au moment des faits, aux femmes enceintes ou aux personnes atteintes de déficiences mentales ou intellectuelles ;

f) De réduire le nombre d'infractions pouvant emporter la peine de mort, notamment en envisageant de supprimer l'application obligatoire de celle-ci ;

g) De faire en sorte que les personnes passibles de la peine de mort puissent exercer leur droit de recours en grâce ou en commutation de peine en s'assurant que les procédures de grâce sont justes et transparentes et que l'information est communiquée rapidement à toutes les étapes de la procédure ;

h) De veiller à ce que les enfants dont les parents ou les responsables sont dans le couloir de la mort, les condamnés eux-mêmes, leur famille et leurs représentants légaux reçoivent à l'avance toute information utile concernant le lieu de détention, l'exécution prévue, la date, l'heure et le lieu d'exécution, et d'autoriser une dernière visite ou communication avec le condamné et la restitution du corps à la famille aux fins de l'enterrement ou d'indiquer le lieu où se trouve le corps, à moins que cela ne soit pas dans l'intérêt supérieur de l'enfant ;

i) De donner aux personnes condamnées à mort accès à des informations relatives à la méthode d'exécution, en particulier la procédure précise qui sera suivie ;

j) De faire en sorte que la peine de mort ne soit pas appliquée sur la base de lois discriminatoires, notamment de lois ciblant les personnes ayant exercé leurs droits humains, ou ne résulte pas d'une application discriminante ou arbitraire de la loi ;

k) D'améliorer les conditions de détention des personnes qui sont poursuivies pour des crimes passibles de la peine capitale ou sont dans le couloir de la mort, en veillant à ce que tous les prisonniers soient traités avec humanité et dans le respect de leur dignité intrinsèque et en respectant les normes internationales, telles que l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela), en particulier en évaluant, en favorisant, en protégeant et en améliorant leur santé physique et mentale ;

l) D'instituer un moratoire sur les exécutions en vue d'abolir la peine de mort ;

8. Engage les États qui ont aboli la peine de mort à ne pas la rétablir et les encourage à faire part de leur expérience à cet égard ;

9. Encourage les États qui ont institué un moratoire à le maintenir et à faire part de leur expérience à cet égard ;

10. Demande aux États qui ne l'ont pas encore fait d'envisager d'adhérer au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, ou de le ratifier ;

11. Prie le Secrétaire général de lui présenter, à sa soixante-dix-neuvième session, un rapport sur l'application de la présente résolution ;

12. Décide de poursuivre l'examen de la question à sa soixante-dix-neuvième session, au titre de la question intitulée « Promotion et protection des droits humains ».

54e séance plénière 15 décembre 2022
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