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Le Rapporteur spécial sur les exécutions sommaires et arbitraires demande aux Etats-Unis de déclarer un moratoire sur les exécutions

HR/98/21
communiqué de presse du 3 avril 1998 - Commission des droits de l'homme de l'ONU
Pays :
peine de mort / Texas
Le Rapporteur spécial de la Commission des droits de l'homme chargé des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires recommande que les États-Unis déclarent un moratoire sur les exécutions et souhaiterait que ce pays rallie le mouvement international en faveur d'une réduction progressive de la peine de mort comme moyen de mieux protéger le droit à la vie.

Le Rapporteur spécial, M. Bacre Waly Ndiaye (Sénégal), a effectué une visite aux États–Unis du 21 septembre au 8 octobre 1997. Cette visite a eu lieu après que le Rapporteur spécial eut demandé plusieurs fois au Gouvernement des États–Unis l'autorisation de se rendre dans le pays. Il avait demandé l'autorisation de se rendre aux États–Unis à la suite d'informations persistantes donnant à penser que les garanties d'un procès équitable et certaines restrictions à l'application de la peine de mort n'étaient pas pleinement respectées.

Au cours de sa mission, le Rapporteur spécial a rencontré des responsables au niveau fédéral et à l'échelon des États. Il a visité Washington, les États de New York, de la Floride, du Texas et de la Californie. Il a aussi rencontré des représentants d'organisations non gouvernementales et des familles de détenus. M.Ndiaye a pu accéder librement au quartier des condamnés à mort de la prison de Huntsville (Texas).

Dans son rapport à la Commission des droits de l'homme (E/CN.4/1998/68), le Rapporteur spécial recommande notamment aux États-Unis d'imposer un moratoire des exécutions, conformément aux recommandations faites par l'American Bar Association (barreau américain) et à la résolution 1997/12 de la Commission des droits de l'homme; de ne plus condamner des délinquants mineurs et des arriérés mentaux à la peine de mort et aligner la législation nationale sur les normes internationales; de ne pas recommencer à exécuter des femmes et respecter le moratoire qui existe de facto depuis 1984. À cet égard, M. Ndiaye a indiqué qu'il regrettait vivement que l'exécution au Texas de Karla Faye Tucker, au mois de février dernier, ait mis un terme à ce moratoire. Avant l'exécution, M.Ndiaye avait lancé un appel aux autorités des États-Unis pour qu'elles fassent preuve de clémence à l'égard de Mme Tucker pour des raisons humanitaires.

Le Rapporteur spécial recommande également aux États-Unis de revoir la législation fédérale comme celle de chaque État, afin de restreindre le nombre de crimes passibles de la peine de mort; encourager la mise en place d'un service d'assistance juridique officiel pour assurer aux indigents le droit d'être valablement représentés en justice; intégrer une composante droits de l'homme dans le programme de formation des agents du système judiciaire; revoir le système de l'élection des agents de la justice afin de leur assurer une indépendance et une impartialité analogues à celles des agents du système fédéral.

Le Rapporteur spécial souligne que l'élargissement du champ d'application de la peine capitale aux États-Unis et le recours de plus en plus fréquent à la peine de mort aux à contre-courant de la tendance vers une réduction, dans un nombre croissant de pays, des crimes punissables de la peine de mort et de l'évolution progressive au sein de l'Organisation des Nations Unies vers une position favorable à l'abolition de la peine de mort.

Le Rapporteur spécial note que parmi les personnes reconnues coupables de meurtre, le faible pourcentage de celles qui ont été de condamnées à mort ne sont pas nécessairement celles ayant commis les crimes les plus odieux. Outre le crime lui–même, de nombreux facteurs paraissent jouer un rôle dans la condamnation à mort. La classe sociale, la race et la situation économique de la victime comme de l'accusé seraient des éléments clés. Il semble que ceux qui peuvent se permettre un bon avocat risquent moins d'être condamnés à mort.

Les motivations politiques auxquelles obéit la peine capitale, en particulier pendant les campagnes électorales, laissent planer le doute sur son objectivité, souligne le Rapporteur spécial dans son rapport. En outre, le système qui consiste à élire les juges pour un mandat relativement court et à demander des contributions financières, en particulier aux membres du barreau et au public, risque de nuire à l'indépendance et à l'impartialité de la justice. De plus, le pouvoir discrétionnaire dont jouit le procureur de requérir ou de ne pas requérir la peine capitale suscite de réelles inquiétudes quant à son équité.

Lors de la constitution du jury d'un procès où la peine capitale sera requise, on demande aux jurés potentiels s'ils sont opposés à la peine de mort. Dans l'affirmative, il est vraisemblable qu'ils seront rayés de la liste des candidats. Le Rapporteur spécial relève avec inquiétude que les adversaires de la peine de mort, et les indécis ont peu de chances d'être retenus. Il estime qu'un jury «acquis à la peine de mort» sera prédisposé à prononcer cette peine.

Le Rapporteur spécial est particulièrement préoccupé par l'application de la peine de mort aux mineurs, en contradiction avec le droit international, ainsi qu'aux handicapés mentaux. De telles pratiques constituent un recul dans la promotion et la protection du droit à la vie.

Du fait de irréversibilité de la peine de mort, le Rapporteur spécial considère que les plus hautes garanties pour un procès équitable doivent être strictement observées dans les procédures pouvant déboucher sur une sentence de mort. La peine de mort constitue une dérogation au droit à la vie et, comme toute dérogation, elle doit être interprétée d'une manière restrictive et appliquée dans le plus strict respect des principes fondamentaux de non–discrimination, des normes garantissant l'équité du procès et du droit à une égale protection devant la loi, souligne le Rapporteur spécial dans son rapport.

Tout en reconnaissant les difficultés auxquelles sont confrontées les autorités dans la lutte contre la violence, le Rapporteur spécial pense qu'il faut trouver d'autres solutions que des condamnations de plus en plus fréquentes à la peine de mort. En outre, la cruauté inhérente aux exécutions ne peut que perpétuer une culture de la violence.

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