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Ces étrangers enfermés sans droits dans le couloir de la mort américain

dépêche de presse du 19 janvier 2014 - Agence mondiale d'information - AFP
Le couloir de la mort américain regorge de ressortissants étrangers qui n'ont pas été informés à temps de leurs droits, au risque d'être exécutés en violation du droit international, comme ce pourrait être le cas d'un Mexicain mercredi au Texas.
L'exécution d'Edgar Tamayo Arias, un ressortissant mexicain de 46 ans, est programmée mercredi à 18H00 (23H00 GMT) à Huntsville, Texas (sud).

Moult appels et interventions diplomatiques et judiciaires tentent jusqu'au bout d'éviter la mise à mort d'un homme, certes condamné pour le meurtre d'un policier, mais privé de ses droits consulaires qui auraient pu lui épargner la peine capitale.

Selon la Convention de Vienne de 1963, ratifiée par 175 pays dont les Etats-Unis, «l'administration pénitentiaire doit veiller à ce que le ressortissant soit avisé des droits qui sont les siens, et notamment de son droit à informer ses représentants consulaires». Le consulat est de son côté tenu de lui «prêter secours et assistance», de le rencontrer en prison et de le représenter devant les tribunaux.

Or, sur les 143 hommes de 37 nationalités étrangères actuellement détenus dans le couloir de la mort américain, seuls six ont été à ce jour informés de leurs droits consulaires. Parmi eux, une majorité de ressortissants d'Amérique centrale et huit Européens, dont un Allemand, un Espagnol et un Français, selon le dernier rapport du Centre d'information sur la peine capitale (DPIC).

Et la Convention de Vienne n'avait été appliquée que dans un seul cas sur les 28 condamnés étrangers exécutés depuis 1976, date du rétablissement de la peine capitale aux Etats-Unis.

«Dans la plupart des cas, de fortes preuves attestent qu'une assistance consulaire rapide aurait pu faire la différence entre la vie et la mort», souligne Mark Warren, chercheur canadien de Human Rights Research qui a conduit cette étude.

«N'oubliez pas qu'aux Etats-Unis, la peine capitale n'est jamais obligatoire», dit-il à l'AFP, «les jurés ont toujours l'option de condamner une personne à une moindre peine».

En 2004, la Cour internationale de justice avait conclu que Washington n'avait pas honoré ses obligations internationales pour 51 Mexicains condamnés à mort.

La Cour de La Haye avait ordonné de suspendre l'exécution de deux d'entre eux, le temps de déterminer si le non-respect de leurs droits consulaires avait pénalisé leur défense. Mais le Texas les avait exécutés en 2008 et 2011, après le rejet de leur appel devant la Cour suprême.

M. Tamayo est le troisième dont l'exécution est programmée, quand une quarantaine d'autres attendent leur heure dans le couloir de la mort.

Dans le système fédéral américain, où les 50 Etats ont autorité en matière de justice pénale, «l'intervention du gouvernement fédéral met les gouvernements (locaux) sur la défensive», explique à l'AFP Richard Dieter, directeur du DPIC, estimant que «le Texas est toujours la poudrière dans ces cas controversés».

C'est le Texas, responsable à lui seul de plus du tiers des exécutions du pays, qui doit procéder mercredi à l'exécution de M. Tamayo «en dépit de sa promesse de se conformer à la Constitution» sur l'obligation pour tout inculpé de bénéficier d'un «procès en bonne et due forme», précise Maurie Levin, avocate du Mexicain.

Elle regrette «que la clémence ne soit presque jamais accordée» au Texas, c'est pourquoi elle fait aussi appel à la justice fédérale pour obtenir un sursis de dernière minute.

Le secrétaire d'Etat John Kerry est également intervenu fin 2013 pour retarder l'exécution, insistant auprès du gouverneur Rick Perry sur l'importance de ce cas au niveau diplomatique.

«Comment pouvons-nous aller partout dans le monde pour demander aux autres pays de donner un accès consulaire à nos concitoyens emprisonnés si nous ne faisons pas la même chose ici?», a déclaré à la presse Marie Harf, porte-parole adjointe du département d'Etat.

«C'est une source majeure d'irritation dans les relations internationales», a renchéri Mark Warren.

L'exécution de deux frères allemands en 1999 en Arizona (sud-ouest) avait irrité l'Allemagne. «La crise grandit à chaque exécution», prévient-il, rappelant «qu'un étranger est déjà désavantagé lorsqu'il est arrêté dans un système judiciaire inconnu», dont il ne connaît ni les rouages ni la langue.
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