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Ordonnance du 16 juillet 2008 - Demande en indication de mesures conservatoires (Mexique c. Etats-Unis d'Amérique)

Rôle général no 139
ordonnance du 16 juillet 2008 - Cour internationale de Justice
DEMANDE EN INTERPRÉTATION DE L'ARRÊT DU 31 MARS 2004 EN L'AFFAIRE AVENA ET AUTRES RESSORTISSANTS MEXICAINS (MEXIQUE c. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)

DEMANDE EN INDICATION DE MESURES CONSERVATOIRES

ORDONNANCE

Présents : Mme HIGGINS, président ; M. AL-KHASAWNEH, vice-président ; MM. RANJEVA, KOROMA, BUERGENTHAL, OWADA, TOMKA, ABRAHAM, KEITH, SEPÚLVEDA-AMOR, BENNOUNA, SKOTNIKOV, juges ; M. COUVREUR, greffier.

La Cour internationale de Justice,
Ainsi composée,
Après délibéré en chambre du conseil,
Vu les articles 41 et 48 du Statut de la Cour et les articles 73 et 74 de son Règlement,
Vu la requête introductive d'instance déposée au Greffe de la Cour le 5 juin 2008 par le Gouvernement des Etats-Unis du Mexique (ci-après le «Mexique»), dans laquelle, se référant à l'article 60 du Statut de la Cour et aux articles 98 et 100 du Règlement, le Mexique demande à la Cour d'interpréter le point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt qu'elle a rendu le 31 mars 2004 en l'affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d'Amérique) (ci-après «l'arrêt Avena»),

Rend l'ordonnance suivante :

1. Considérant que, dans sa requête, le Mexique indique qu'au point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt Avena, la Cour a jugé «que, pour fournir la réparation appropriée en l'espèce, les Etats-Unis d'Amérique [étaient] tenus d'assurer, par les moyens de leur choix, le réexamen et la revision des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées contre les ressortissants mexicains» visés dans l'arrêt, en tenant compte à la fois de la violation des droits prévus par l'article 36 de la convention de Vienne sur les relations consulaires (ci-après la «convention de Vienne») et des paragraphes 138 à 141 de l'arrêt ; qu'il est allégué que «des refus répétés ont été opposés à des demandes soumises par des ressortissants mexicains en vue du réexamen et de la revision de leur cas, prescrits par l'arrêt Avena» ;

2. Considérant que le Mexique affirme que, depuis que la Cour a rendu son arrêt en l'affaire Avena, «une seule juridiction d'Etat a procédé au réexamen et à la revision requis et ce, à l'égard d'Osvaldo Torres Aguilera», ajoutant que, dans le cas de Rafael Camargo Ojeda, l'Etat de l'Arkansas «a accepté de commuer sa condamnation à mort en une peine de réclusion à perpétuité, en échange de son consentement à renoncer au droit au réexamen et à la revision prévus dans l'arrêt Avena» ; et que, selon le Mexique, «[a]ucun autre effort tendant à l'exécution de l'arrêt Avena n'a abouti» ;

3. Considérant qu'il est précisé dans la requête que, le 28 février 2005, le président des Etats-Unis d'Amérique (ci-après les «Etats-Unis»), George W. Bush, a signé un mémorandum (également qualifié par les Parties de «décision») ; que la requête indique qu'il a été décidé, dans ce mémorandum, que les juridictions des Etats devaient garantir aux cinquante et un ressortissants mexicains cités dans l'arrêt Avena, y compris M. Medellín, le réexamen et la revision requis, indépendamment de toute règle de procédure applicable au niveau des Etats, qui pourrait, en d'autres circonstances, empêcher le réexamen de leurs demandes ; que le mémorandum du président se lit comme suit :
«En vertu de l'autorité que me confèrent, en ma qualité de président, la Constitution et la législation des Etats-Unis, j'ai décidé que ces derniers s'acquitteraient des obligations internationales imposées par la décision de la Cour internationale de Justice dans [l'affaire Avena], en faisant en sorte que, dans les affaires introduites par les cinquante et un ressortissants visés dans cette décision, les juridictions des Etats donnent effet à [celle-ci] conformément aux principes généraux de courtoisie internationale («general principles of comity»)» ;
et qu'un exemplaire de ce mémorandum a été joint en annexe au mémoire déposé par les Etats-Unis à titre d'amicus curiae dans l'affaire opposant M. José Ernesto Medellín Rojas à l'Etat du Texas, portée devant la Cour suprême des Etats-Unis ;

4. Considérant que, selon le Mexique, dans le cas de M. Medellín, la Cour suprême des Etats-Unis, tout en reconnaissant que la décision rendue en l'affaire Avena constituait une obligation incombant aux Etats-Unis en vertu du droit international, a jugé le 25 mars 2008 que «les moyens choisis par le président des Etats-Unis pour se conformer à l'arrêt n'étaient pas prévus par la Constitution des Etats-Unis» et que «l'arrêt Avena n'avait pas, ni en tant que tel ni lu conjointement avec le mémorandum du président, valeur de droit fédéral directement applicable» empêchant la mise en œuvre par le Texas de «règles procédurales de son droit interne faisant obstacle à tout réexamen et à toute revision des décisions relatives aux demandes formulées par M. Medellín sur le fondement de la convention de Vienne» ; et que le Mexique ajoute que la Cour suprême a, toutefois, confirmé qu'existaient d'autres moyens permettant encore aux Etats-Unis de se conformer aux obligations leur incombant en vertu de l'arrêt Avena, notamment le vote d'une législation par le Congrès «rend[ant] applicable en droit interne un traité qui ne le serait pas directement», ou l'«exécution volontaire de l'arrêt par l'Etat du Texas» ;

5. Considérant que, dans sa requête, le Mexique relève que, depuis que la Cour suprême a rendu sa décision, une juridiction du Texas a refusé d'accorder le report de la date d'exécution demandé par l'avocat de M. Medellín afin de «laisser au Congrès le loisir d'adopter une législation donnant effet aux obligations juridiques internationales incombant aux Etats-Unis de mettre en œuvre l'arrêt rendu par la Cour en l'affaire Avena», et a fixé la date d'exécution de M. Medellín au 5 août 2008 ; que, selon le Mexique, «[l]e Texas [a] clairement laiss[é] entendre que, à moins d'en être empêché, il procèdera[it] à l'exécution de M. Medellín sans permettre à celui-ci de bénéficier du réexamen et de la revision prescrits» ; et que le Mexique affirme que les actes de la juridiction du Texas entraîneront dès lors une violation irréparable des obligations incombant aux Etats-Unis en vertu de l'arrêt Avena ;

6. Considérant que le Mexique soutient qu'au moins quatre autres ressortissants mexicains «courent le risque imminent de voir eux aussi la date de leur exécution fixée par l'Etat du Texas et [que] rien ne porte à croire que leur cas fera l'objet d'un réexamen et d'une revision» ; qu'il indique dans sa requête que, le 29 novembre 2007, la Cour suprême de Californie «a confirmé le verdict de culpabilité rendu et la peine prononcée à l'encontre de Martín Mendoza García et a, en même temps, rejeté, sur le fondement du dossier en appel direct, la prétention de celui-ci à bénéficier d'un réexamen et d'une revision en vertu de l'arrêt Avena» ; qu'il indique également que, le 31 mars 2008, à la suite de sa décision concernant M. Medellín, la Cour suprême des Etats-Unis a rejeté les demandes de réexamen et de revision formées en vertu de l'arrêt Avena par sept autres ressortissants mexicains à l'égard desquels la Cour internationale de Justice avait conclu à une violation de l'article 36 de la convention de Vienne, à savoir MM. César Roberto Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García, Ignacio Gómez, Félix Rocha Díaz, Virgilio Maldonado et Roberto Moreno Ramos ; et qu'il ajoute que, le 27 mai 2008, la cour d'appel des Etats-Unis pour le cinquième circuit a refusé à M. Ignacio Gómez l'autorisation d'interjeter appel du rejet d'une demande de recours après condamnation soumise au niveau fédéral, laquelle reposait en partie sur la violation des droits que l'intéressé tirait de la convention de Vienne ;

7. Considérant que le Mexique précise qu'il a cherché à plusieurs reprises à faire valoir ses droits et à obtenir pour ses ressortissants la réparation voulue, aussi bien avant qu'après la décision rendue par la Cour suprême des Etats-Unis, mais que ses démarches diplomatiques se sont révélées infructueuses ; qu'il soutient que «[t]outes les autorités gouvernementales compétentes des Etats-Unis reconnaissent, tant au niveau des Etats qu'au niveau fédéral, que les Etats-Unis sont soumis à l'obligation de droit international que leur impose le paragraphe 1 de l'article 94 de la Charte des Nations Unies de se conformer aux termes de l'arrêt [Avena]», mais que ces autorités, n'ont pas pris les mesures appropriées, ou ont pris des mesures allant à l'encontre de cette obligation ;

8. Considérant que, dans sa requête, le Mexique se réfère à l'article 60 du Statut de la Cour, qui dispose que, «[e]n cas de contestation sur le sens et la portée de l'arrêt, il appartient à la Cour de l'interpréter, à la demande de toute partie», et soutient, se fondant sur la jurisprudence de la Cour, que la compétence de cette dernière pour connaître d'une demande en interprétation de l'un de ses arrêts est directement fondée sur cette disposition ;

9. Considérant que le Mexique affirme qu'il interprète le libellé du point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt Avena comme imposant «une obligation de résultat» à laquelle il ne sera satisfait que lorsque le réexamen et la revision des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées auront été menés à bien ; que, selon le Mexique, si les Etats-Unis peuvent recourir aux «moyens de leur choix», comme indiqué au point 9 du paragraphe 153, «le respect de l'obligation d'assurer le réexamen et la revision ne réside pas dans l'aboutissement de tel ou tel moyen en particulier» et qu'ils ne peuvent, partant, «s'en tenir à un moyen de leur choix et un seul» ; et que le Mexique estime qu'il découle dudit paragraphe de l'arrêt Avena que les Etats-Unis doivent
«empêcher l'exécution de tout ressortissant mexicain cité dans l'arrêt à moins et jusqu'à ce que ce réexamen et cette revision aient été menés à bien et qu'il ait été établi qu'aucun préjudice n'a résulté de la violation commise» ;

10. Considérant que, dans sa requête, le Mexique fait valoir que «seul le respect plein et entier de l'obligation de réexamen et de revision prescrite par la Cour pour les quarante-huit ressortissants mexicains cités dans l'arrêt et pouvant encore prétendre à pareils réexamen et revision permettrait d'éviter une violation de l'obligation de résultat imposée par le point 9 du paragraphe 153» ;

11. Considérant que le Mexique fait observer que, «[m]ise à part la décision par laquelle le président a, en 2005, donné instruction aux juridictions des Etats de se conformer à l'arrêt, les Etats-Unis n'ont pris à ce jour aucune mesure ... et ce, bien que leur propre Cour suprême ait confirmé l'existence d'autres moyens pour assurer le respect plein et entier» de l'arrêt ; et que, d'après le Mexique, il en résulte que le comportement des Etats-Unis confirme que, selon eux, «le point 9 du paragraphe 153 ne leur impose qu'une obligation de moyens» ;

12. Considérant que le Mexique avance que, en conséquence, une contestation oppose les Parties quant au sens et à la portée de l'obligation de réparation énoncée au point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt Avena ;

13. Considérant que, au terme de sa requête, le Mexique prie la Cour de dire et juger que «[l']obligation incombant aux Etats-Unis en vertu du point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt Avena constitue une obligation de résultat, ainsi qu'il est clairement formulé dans l'arrêt, lequel indique que les Etats-Unis sont tenus d'assurer «le réexamen et la revision des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées» en recourant aux «moyens de leur choix» ;
et que, conformément à l'obligation de résultat susmentionnée,
1. les Etats-Unis doivent prendre toutes les mesures nécessaires en vue d'assurer le réexamen et la revision prescrits à titre de réparation par l'arrêt Avena ; et que 2. les Etats-Unis doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour qu'aucun ressortissant mexicain pouvant prétendre au réexamen et à la revision prescrits par l'arrêt Avena ne soit exécuté à moins et jusqu'à ce que ce réexamen et cette revision aient eu lieu et qu'il ait été établi qu'aucun préjudice n'a résulté de la violation» ;

14. Considérant que, le 5 juin 2008, après avoir déposé sa requête, le Mexique, se référant à l'article 41 du Statut de la Cour et aux articles 73, 74 et 75 de son Règlement, a également déposé une demande en indication de mesures conservatoires afin de «sauvegarder ses droits et ceux de ses ressortissants» en attendant que la Cour se prononce sur la demande en interprétation de l'arrêt Avena ;

15. Considérant que, dans sa demande en indication de mesures conservatoires, le Mexique se réfère au fondement de la compétence de la Cour invoqué dans sa requête, ainsi qu'aux faits qui y sont exposés et aux conclusions qui y sont formulées ;

16. Considérant que le Mexique rappelle que M. José Ernesto Medellín Rojas, ressortissant mexicain, sera certainement exécuté le 5 août 2008, qu'un autre ressortissant mexicain, M. César Roberto Fierro Reyna, pourrait se voir signifier, à brève échéance, une date d'exécution à trente jours, tandis que trois autres ressortissants mexicains ⎯ MM. Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos ⎯ pourraient se voir signifier, à brève échéance, une date d'exécution à quatre-vingt-dix jours, dans l'Etat du Texas ;

17. Considérant que le Mexique soutient que, en vertu de l'article 41 du Statut, la Cour est incontestablement habilitée à indiquer des mesures conservatoires obligatoires «tendant à maintenir le statu quo dans l'attente que le différend qui lui est soumis soit tranché» ;

18. Considérant que, dans sa demande en indication de mesures conservatoires, le Mexique relève que la Cour a indiqué de telles mesures aux fins d'empêcher des exécutions dans trois affaires antérieures portant sur des demandes présentées en vertu de la convention de Vienne par des Etats dont des ressortissants risquaient d'être exécutés aux Etats-Unis au terme de procédures pénales lors desquelles les dispositions de ladite convention avaient été méconnues ; et que, selon le Mexique, la Cour ayant indiqué des mesures conservatoires en l'affaire Avena relativement à un différend portant sur l'interprétation et l'application de la convention de Vienne, elle devrait également agir conformément à l'article 41 de son Statut dès lors que la contestation a trait au sens et à la portée des obligations imposées par son arrêt dans cette affaire ;

19. Considérant que le Mexique indique que «ce qui importe ici est l'intérêt essentiel que revêt la vie humaine» et qu'«il serait porté une atteinte irrémédiable [à celui-ci] si l'un quelconque des ressortissants mexicains dont le droit à bénéficier d'un réexamen et d'une revision a été affirmé dans l'arrêt Avena devait être exécuté sans qu'il ait pu se prévaloir» de ce droit ; et qu'il énonce comme suit les fondements de sa demande et les éventuelles conséquences de son rejet :
«Si, dans l'attente de sa décision sur la demande en interprétation du Mexique, la Cour n'indique pas des mesures conservatoires, M. Medellín sera certainement exécuté, et MM. Fierro, Leal García, Moreno Ramos et Ramírez Cárdenas risquent fort de l'être également, avant que la Cour n'ait eu la possibilité d'examiner le différend dont elle a été saisie. Dans ce cas, le Mexique serait définitivement privé de la possibilité de faire valoir ses droits et ceux des ressortissants mexicains concernés» ;

20. Considérant que le Mexique affirme qu'un éventuel report d'exécution ne porterait pas préjudice aux droits des Etats-Unis, puisque tous les ressortissants mexicains susmentionnés demeureraient incarcérés et susceptibles d'être exécutés une fois mis en œuvre leur droit à réexamen et revision ;

21. Considérant que, dans sa demande, le Mexique ajoute que «[l]'urgence de l'indication de mesures conservatoires ne saurait non plus faire de doute» ;

22. Considérant que le Mexique conclut que des mesures conservatoires sont justifiées, «tant pour protéger l'intérêt essentiel qu'[il] attache à la vie de ses ressortissants que pour permettre à la Cour d'ordonner le remède [qu'il] demand[e]» ;

23. Considérant que le Mexique prie la Cour d'ordonner, en attendant son arrêt sur la demande en interprétation, que :
«a) le Gouvernement des Etats-Unis prenne toutes les mesures nécessaires pour que, dans l'attente de l'issue de la procédure engagée [le 5 juin 2008], José Ernesto Medellín, César Roberto Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos ne soient pas exécutés ;
b) le Gouvernement des Etats-Unis informe la Cour de toutes les mesures qu'il aura prises en application de l'alinéa a) ; et
c) le Gouvernement des Etats-Unis fasse en sorte qu'il ne soit pris aucune mesure qui puisse porter atteinte aux droits du Mexique ou de ses ressortissants en ce qui concerne toute interprétation que la Cour pourrait donner du point 9 du paragraphe 153 de son arrêt en l'affaire Avena» ; et qu'il prie en outre la Cour d'examiner de toute urgence sa demande en indication de mesures conservatoires «[e]u égard à l'extrême gravité et à l'imminence de la menace d'exécution d'un ressortissant mexicain par des autorités des Etats-Unis en violation des obligations auxquelles ceux-ci sont tenus envers le Mexique» ;

24. Considérant que, le 5 juin 2008, date à laquelle la requête et la demande en indication de mesures conservatoires ont été déposées au Greffe, le greffier a informé le Gouvernement des Etats-Unis du dépôt de ces documents et lui en a immédiatement adressé des originaux signés, en application du paragraphe 2 de l'article 40 du Statut de la Cour ainsi que du paragraphe 4 de l'article 38 et du paragraphe 2 de l'article 73 de son Règlement ; et que le greffier a également informé le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies de ce dépôt ;

25. Considérant que, le 5 juin 2008, le greffier a également informé les Parties que la Cour, en application du paragraphe 3 de l'article 74 de son Règlement, avait fixé au 19 juin 2008 la date d'ouverture de la procédure orale sur la demande en indication de mesures conservatoires ;

26. Considérant que, par lettre datée du 12 juin 2008 et reçue au Greffe le même jour, le Gouvernement des Etats-Unis a informé la Cour de la désignation d'un agent et d'un coagent en l'affaire ;

27. Considérant que, lors des audiences publiques tenues les 19 et 20 juin 2008 conformément au paragraphe 3 de l'article 74 du Règlement, des observations orales sur la demande en indication de mesures conservatoires ont été présentées :
Au nom du Mexique :
par S. Exc. M. Juan Manuel Gómez-Robledo,
S. Exc. M. Joel Antonio Hernández García,
Mme Sandra Babcock,
Mme Catherine Amirfar,
M. Donald Francis Donovan,
S. Exc. M. Jorge Lomónaco Tonda ;
Au nom des Etats-Unis :
par M. John B. Bellinger, III,
M. Stephen Mathias,
M. James H. Thessin,
M. Michael J. Mattler,
M. Vaughan Lowe ;
et considérant qu'à l'audience une question a été posée par un membre de la Cour aux Etats-Unis, question à laquelle il a été répondu oralement ;

*
* *

28. Considérant que, lors de son premier tour d'observations orales, le Mexique a réitéré l'argumentation développée dans sa requête et sa demande en indication de mesures conservatoires, et a affirmé que les conditions requises pour que la Cour indique les mesures demandées étaient remplies en l'espèce ;

29. Considérant que le Mexique a exposé que, s'il reconnaissait et saluait les efforts déployés par le Gouvernement des Etats-Unis en vue d'obtenir l'exécution de l'arrêt Avena par les juridictions des Etats, ces efforts s'étaient, selon lui, révélés être en deçà des exigences de l'arrêt ; qu'il a réaffirmé que «les vues de son gouvernement et de celui des Etats-Unis divergeaient quant au sens et à la portée du point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt Avena [et que] des éclaircissements de la Cour s'imposaient» ; et qu'il a ajouté que sa demande en indication de mesures conservatoires était circonscrite aux mesures strictement nécessaires pour sauvegarder les droits du Mexique en attendant que la Cour rende son arrêt définitif sur la demande en interprétation ;

30. Considérant que le Mexique a insisté sur le fait qu'il existait un risque majeur de voir des autorités des Etats-Unis procéder de manière imminente à l'exécution de ressortissants mexicains en violation des obligations incombant aux Etats-Unis en vertu de l'arrêt Avena ; qu'il a précisé que si la Cour n'indiquait pas de mesures conservatoires, l'un de ses ressortissants, M. José Ernesto Medellín Rojas, serait exécuté le 5 août 2008, et que quatre autres ⎯ MM. César Roberto Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos ⎯ risquaient également de l'être avant que la Cour ne se prononce sur la demande en interprétation ; et qu'il a fait valoir que, partant, la condition d'urgence requise pour l'indication de mesures conservatoires était remplie ;

31. Considérant que, au terme de son premier tour d'observations orales, le Mexique a en conséquence prié la Cour de rendre «de toute urgence» une ordonnance indiquant :
«a) que les Etats-Unis, par l'intermédiaire de tous leurs organes compétents et de toutes leurs entités constitutives, y compris toutes les branches du gouvernement et tout détenteur de l'autorité publique, à l'échelon des Etats ou à l'échelon fédéral, prendront, en attendant l'issue de l'instance introduite par le Mexique le 5 juin 2008, toutes les mesures nécessaires pour que José Ernesto Medellín, César Roberto Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos ne soient pas exécutés ; et
b) que le Gouvernement des Etats-Unis portera à la connaissance de la Cour toutes les mesures qu'il aura prises en application de l'alinéa a) ci-dessus» ;

32. Considérant que, lors du premier tour d'observations orales, les Etats-Unis ont soutenu que le Mexique n'avait pas établi l'existence, requise par l'article 60 du Statut, d'une quelconque contestation opposant les deux pays «sur le sens et la portée de l'arrêt rendu par la Cour en l'affaire Avena», puisqu'ils «accept[aient] entièrement» la position du Mexique selon laquelle cet arrêt imposait, en droit international, une obligation de «résultat» et non pas simplement de «moyens» ; que, selon les Etats-Unis, le Mexique demandait à la Cour «d'intervenir dans ce qui, au fond, rel[evait] de l'application de ses décisions antérieures et du contrôle de cette application» ; que les Etats-Unis ont noté que, du fait de leur retrait, le 7 mars 2005, du protocole de signature facultative de la convention de Vienne sur les relations consulaires, une demande d'interprétation était «potentiellement la seule base de compétence» qui pouvait être invoquée par le Mexique pour saisir la Cour d'une question concernant la violation de cette convention ; que les Etats-Unis ont argué que, en «l'absence de contestation, la Cour n'a[vait] pas compétence prima facie pour intervenir» et que, en conséquence, des mesures conservatoires ne se «justifi[aient] pas en la présente espèce» ; et qu'ils ont en outre instamment prié la Cour de rejeter, en vertu de ses «pouvoirs inhérents», la requête du Mexique au motif que celle-ci constituait «un abus de procédure» en ce qu'elle tendait à l'exécution de l'arrêt Avena, exécution qui ne relève pas de la fonction judiciaire de celle-ci ;

33. Considérant que les Etats-Unis ont précisé qu'ils s'étaient heurtés, dans le cadre de leurs efforts en vue d'assurer l'exécution de l'arrêt Avena, à des «contraintes [de taille] imposées par leur droit interne», en raison de l'effet conjugué de leur «structure fédérale, qui laisse aux Etats fédérés ... une mesure importante d'autonomie, notamment en matière de justice pénale», et de leur «structure constitutionnelle..., qui se caractérise, au niveau fédéral, par la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire» ; et qu'ils ont fait valoir que, en dépit de ces contraintes, ils avaient, depuis le prononcé de l'arrêt Avena, entrepris un ensemble de démarches visant à assurer l'exécution de la décision de la Cour ;

34. Considérant que les Etats-Unis ont fait observer, en particulier, qu'au début de l'année 2005, leur président avait, par la voie d'un mémorandum adressé à l'Attorney General des Etats-Unis (voir paragraphe 3 ci-dessus), ordonné que les juridictions d'Etat donnent effet à l'arrêt Avena ; que, selon eux, il ressortait des termes de ce mémorandum que, aux fins d'assurer aux ressortissants mexicains cités dans l'arrêt le réexamen et la revision, devant les juridictions d'Etat, des décisions relatives à leurs demandes fondées sur la convention de Vienne, les «règles de la carence procédurale en vigueur dans les Etats devaient être réputées inapplicables» ; que les Etats-Unis ont ajouté que, «[a]fin de faire connaître la décision du président, l'Attorney General des Etats-Unis a[vait] envoyé aux Attorneys General des Etats concernés une lettre les informant des démarches du chef de l'Etat» ; qu'ils ont fait observer que le département fédéral de la justice des Etats-Unis avait déposé un mémoire en qualité d'amicus curiae et plaidé devant la cour d'appel pénale du Texas pour appuyer la thèse de M. Medellín selon laquelle, vu le mémorandum du président, il avait droit au réexamen et à la revision prescrits par l'arrêt Avena ; qu'ils ont indiqué que, «en dépit de ces efforts sans précédent, la cour d'appel pénale du Texas continuait de refuser de reconnaître à la décision du président un caractère contraignant et a[vait] refusé d'assurer à M. Medellín le réexamen et la revision prescrits par [cet] arrêt», ladite cour ayant conclu que le président «avait agi de manière non constitutionnelle, quand bien même il s'agissait d'assurer le respect d'une obligation internationale, en cherchant à prendre le pas sur le droit du Texas» ; et qu'en outre, ils se sont référés à trois mémoires présentés à l'appui du mémorandum du président, aux fins de demander le réexamen et la revision, par la Cour suprême, des cas des «personnes visées par l'arrêt Avena» ;

35. Considérant que les Etats-Unis ont indiqué que, dans la décision qu'elle a récemment rendue, la Cour suprême avait «rejeté l[eurs] arguments [et] refusé de considérer que la décision du président liait les juridictions d'Etat», ladite Cour ayant conclu que «le président ne disposait pas de l'autorité inhérente requise, aux termes de la Constitution [des Etats-Unis]», et que «le Congrès ne lui avait pas conféré le surcroît d'autorité nécessaire pour lui permettre d'ordonner aux Etats de se conformer à la décision de la Cour [internationale de Justice]» ; qu'ils ont fait valoir que la Cour suprême avait réaffirmé l'obligation leur incombant en droit international de se conformer à l'arrêt Avena ; qu'ils ont néanmoins noté que, ayant porté son attention sur le statut de cette obligation au regard du droit interne des Etats-Unis ⎯ c'est-à-dire sur la question de savoir «si l'arrêt Avena était directement exécutable par [leurs] juridictions, ou si le président avait le pouvoir d'enjoindre aux juridictions d'Etat de s'y conformer» ⎯, la Cour suprême avait jugé que les décisions de la Cour internationale de Justice ne s'imposaient pas automatiquement et directement aux juridictions des Etats-Unis ; et que, selon ces derniers, la Cour suprême avait «de fait conclu que les démarches du président visant à donner effet à l'arrêt Avena étaient contraires à la Constitution des Etats-Unis» (les italiques sont dans l'original) ;

36. Considérant que les Etats-Unis ont affirmé que, leurs premiers efforts tendant à assurer l'exécution de l'arrêt rendu par la Cour en l'affaire Avena n'ayant «pas été couronnés de succès, [ils] étudi[aient] actuellement, de toute urgence, de nouvelles solutions» ; qu'ils ont soutenu que, à cette fin, quelques jours avant l'ouverture de la procédure orale,
«le secrétaire d'Etat Rice et l'Attorney General Mukasey [avaient] adressé une lettre conjointe au gouverneur du Texas ... appelant l'attention de celui-ci sur l'obligation de droit international qui continuait d'incomber aux Etats-Unis et lui demandant officiellement de collaborer avec le gouvernement fédéral pour fournir aux personnes citées dans l'arrêt Avena le réexamen et la revision prescrits par cette décision» ;
et qu'ils ont affirmé que, depuis le prononcé de l'arrêt Avena, plusieurs ressortissants mexicains qui y étaient cités avaient déjà bénéficié du réexamen et de la revision des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées à leur encontre grâce aux efforts accomplis par le gouvernement fédéral pour convaincre les Etats de donner effet à cette décision ;

37. Considérant que les Etats-Unis ont fait valoir que, contrairement à ce que le Mexique avance, ils ne s'estimaient pas dispensés du devoir d'accomplir d'autres efforts en vue d'assurer l'exécution de l'arrêt rendu par la Cour en l'affaire Avena et qu'ils ont affirmé qu'ils «continu[eraient] d'œuvrer pour que soit donné plein effet à cette décision, y compris dans le cas de M. Medellín» ;

38. Considérant que les Etats-Unis ont prié la Cour de rejeter la demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Mexique, de s'abstenir d'indiquer de telles mesures et de rejeter la demande en interprétation du Mexique pour défaut manifeste de compétence ;

39. Considérant que, lors de son second tour d'observations orales, le Mexique a soutenu que, en fixant la date d'exécution de M. Medellín avant que n'ait été accordée la réparation prescrite dans l'arrêt Avena, l'Etat du Texas, entité constitutive et autorité compétente des Etats-Unis, «a[vait] de toute évidence exprimé son désaccord avec l'interprétation que fait le Mexique de cet arrêt», interprétation selon laquelle ce dernier prévoit une obligation juridique internationale de résultat, et que le Texas avait, ce faisant, confirmé «l'existence de cette contestation opposant le Mexique aux autorités et organes compétents de l'Etat du Texas» (les italiques sont dans l'original) ; qu'il a ajouté que «rien ne permet[tait] non plus à la Cour de conclure à ce stade qu'il n'exist[ait] pas de divergence de vues» entre lui-même et les autorités fédérales, renvoyant à cet égard à l'absence d'éléments indiquant que «la législature fédérale s'estim[ait] liée par l'arrêt Avena et entend[ait] veiller à ce que les ressortissants cités dans cette décision bénéficient du réexamen et de la revision prescrits» ;

40. Considérant que, au terme de son second tour d'observations orales, le Mexique a prié la Cour d'indiquer
«a) que les Etats-Unis, par l'intermédiaire de tous leurs organes compétents et de toutes leurs entités constitutives, y compris toutes les branches du gouvernement et tout détenteur de l'autorité publique, à l'échelon des Etats ou à l'échelon fédéral, prendront, en attendant l'issue de l'instance introduite par le Mexique le 5 juin 2008, toutes les mesures nécessaires pour que José Ernesto Medellín, César Roberto Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos ne soient pas exécutés, à moins et jusqu'à ce que ces cinq ressortissants mexicains aient bénéficié du réexamen et de la revision prévus aux paragraphes 138 à 141 de l'arrêt rendu par la Cour en l'affaire Avena ; et
b) que le Gouvernement des Etats-Unis portera à la connaissance de la Cour toutes les mesures qu'il aura prises en application de l'alinéa a) ci-dessus» ;

41. Considérant que, lors de leur second tour d'observations orales, les Etats-Unis ont insisté sur le fait qu'ils souscrivaient à l'interprétation du point 9 du paragraphe 153 demandée par le Mexique, «selon laquelle, en particulier, l'arrêt Avena leur impos[ait] une «obligation de résultat»» et qu'il n'existait donc aucune contestation «sur le sens ou la portée» de cet arrêt ; qu'ils ont réaffirmé que, selon eux, «le véritable objectif du Mexique en la présente instance [était] l'exécution de l'arrêt Avena et non son interprétation» ; qu'ils ont répété que, «dès lors qu'il n'y a[vait] aucune contestation sur les points auxquels se rapport[ait] l'interprétation demandée par le Mexique, il n'exist[ait] aucun droit en litige qui p[ût] former l'objet d'un différend» ; qu'ils ont fait valoir que, le Mexique n'ayant pas démontré l'existence d'une contestation, l'article 60 du Statut ne pouvait fonder la compétence de la Cour à l'égard de sa demande en interprétation et que, «en l'absence d'une telle base de compétence, la Cour ne dev[ait] pas examiner les autres éléments présentés par le Mexique, mais rejeter sa demande en indication de mesures conservatoires» ; et qu'ils ont réaffirmé que, «même en laissant de côté les questions relatives à la compétence prima facie, [la demande du] Mexique ne satisfai[sait] pas aux autres conditions régissant l'indication de mesures conservatoires», puisqu'il n'existait aucun droit en litige ;

42. Considérant que les Etats-Unis ont soutenu que les mesures qu'ils avaient prises «[étaient] conformes à leur interprétation selon laquelle l'arrêt Avena impos[ait] une obligation de résultat» ; qu'ils ont indiqué que, en vertu de la Constitution des Etats-Unis, c'était l'exécutif, avec à sa tête le président et le secrétaire d'Etat, qui avait autorité pour prendre position au nom des Etats-Unis sur le plan international ; qu'ils ont précisé que, si leur responsabilité internationale pouvait être engagée à raison des actes de leurs entités politiques, il ne s'ensuivait pas pour autant que ces actes étaient ceux des Etats-Unis aux fins de déterminer si une contestation les opposait à un autre Etat ; que, selon les Etats-Unis, il ne pouvait être argué que «de prétendus actes ou omissions particuliers» ⎯ le fait, par exemple, que le Congrès des Etats-Unis ait manqué d'adopter une législation donnant effet à l'arrêt Avena ou que l'Etat du Texas n'ait pas appliqué une telle législation ⎯ «refl[étaient] l'existence d'une contestation juridique quant à l'interprétation de l'arrêt Avena» (les italiques sont dans l'original) ; et que les Etats-Unis ont déclaré regretter que tous les efforts qu'ils avaient déployés jusque là n'aient pas permis de régler complètement la question et ont affirmé qu'ils continueraient d'œuvrer avec le Mexique afin d'assurer aux personnes citées dans l'arrêt Avena le réexamen et la revision requis ;

43. Considérant que, au terme de leur second tour d'observations orales, les Etats-Unis ont réitéré la demande qu'ils avaient formulée lors du premier tour (voir paragraphe 38 ci-dessus) ;

*
* *

44. Considérant que la compétence que l'article 60 confère à la Cour n'est subordonnée à l'existence d'aucune autre base ayant fondé, dans l'affaire initiale, sa compétence à l'égard des parties ; et qu'il s'ensuit que, même si la base de compétence invoquée dans cette première affaire est devenue caduque, la Cour, en vertu de l'article 60 du Statut, peut néanmoins connaître d'une demande en interprétation ;

45. Considérant que, lorsqu'elle est saisie d'une demande en indication de mesures conservatoires dans le cadre d'une demande en interprétation présentée en vertu de l'article 60 du Statut, la Cour doit déterminer si les conditions auxquelles elle peut, aux termes de cet article, connaître d'une demande en interprétation paraissent être remplies ; que l'article 60 est ainsi libellé : «L'arrêt est définitif et sans recours. En cas de contestation sur le sens et la portée de l'arrêt, il appartient à la Cour de l'interpréter, à la demande de toute partie» ; et que cette disposition est complétée par l'article 98 du Règlement, qui précise en son paragraphe 1 : «En cas de contestation sur le sens ou la portée d'un arrêt, toute partie peut présenter une demande en interprétation...» ;

46. Considérant que, par conséquent, en vertu de la seconde phrase de l'article 60, la Cour peut connaître d'une demande en interprétation de tout arrêt rendu par elle dès lors qu'existe une «contestation sur le sens ou la portée [de cet] arrêt» ;

47. Considérant que le Mexique prie la Cour d'interpréter le point 9 du dispositif (par. 153) de l'arrêt qu'elle a rendu le 31 mars 2004 en l'affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d'Amérique) ; et qu'une demande en interprétation doit se rapporter à une contestation entre les parties sur le sens et la portée du dispositif de l'arrêt et ne peut concerner les motifs que dans la mesure où ceux-ci sont inséparables du dispositif (Interprétation des arrêts nos 7 et 8 (usine de Chorzów), arrêt no 11, 1927, C.P.J.I. série A no 13, p. 11 ; Demande en interprétation de l'arrêt du 11 juin 1998 en l'affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions préliminaires (Nigéria c. Cameroun), arrêt, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 35, par. 10) ;

48. Considérant que le Mexique prie la Cour de confirmer son interprétation, selon laquelle les termes employés dans le passage susmentionné de l'arrêt Avena établissent une obligation de résultat qui impose aux Etats-Unis, y compris à tous leurs organes constitutifs, à tous les niveaux, d'assurer le réexamen et la revision prescrits, indépendamment de tout obstacle de droit interne ; qu'il soutient en outre que «l'obligation prescrite dans l'arrêt Avena impose aux Etats-Unis d'empêcher l'exécution de tout ressortissant mexicain cité dans l'arrêt à moins et jusqu'à ce que ce réexamen et cette revision aient été menés à bien et qu'il ait été établi qu'aucun préjudice n'a résulté des violations de la convention de Vienne constatées par la Cour» (voir également paragraphe 9 ci-dessus) ; et que, selon le Mexique, le fait que «[n]i le pouvoir exécutif ni la législature du Texas, ni le pouvoir exécutif fédéral ni le Congrès n'ont, à ce stade, pris une quelconque mesure de nature juridique qui empêcherait l'exécution de M. Medellín ... reflète l'existence d'une contestation quant au sens et à la portée de l'arrêt Avena» ;

49. Considérant que, selon le Mexique, bien que les Etats-Unis aient formellement assuré la Cour du contraire, «il ressort d[e leur] comportement ... à ce jour qu'ils estiment que l'arrêt leur impose seulement une obligation de moyens et non une obligation de résultat» ; que le Mexique soutient que, nonobstant le mémorandum signé par le président des Etats-Unis en 2005, qui donnait pour instruction aux juridictions d'Etat d'assurer un réexamen et une revision conformément à l'arrêt Avena, celles-ci «ont opposé des refus répétés aux requêtes introduites par les ressortissants mexicains en vue du réexamen et de la revision prescrits à leur égard» ; qu'il affirme que la décision rendue le 25 mars 2008 par la Cour suprême des Etats-Unis dans l'affaire Medellín a privé d'effet le mémorandum du président à l'égard des juridictions d'Etat ; et que, «[h]ormis le mémorandum du président de 2005, moyen qui a manqué d'atteindre le but recherché, les Etats-Unis n'ont à ce jour pas pris les mesures nécessaires pour empêcher qu'il soit procédé aux exécutions des ressortissants mexicains tant que n'aurait pas été observée l'obligation de réexamen et de revision» (les italiques sont dans l'original) ;

50. Considérant que les Etats-Unis soutiennent que l'interprétation donnée par le Mexique du point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt Avena, selon laquelle celui-ci impose une «obligation de résultat» ⎯ c'est-à-dire fait obligation aux Etats-Unis d'assurer le réexamen et la revision des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées à l'égard des ressortissants mexicains cités dans l'arrêt ⎯, «est précisément l'interprétation qu'[eux-mêmes] font ... du paragraphe en question» (les italiques sont dans l'original) ; et que, tout en admettant que, en raison de leur structure institutionnelle et de leur droit interne, ils éprouvaient des difficultés considérables à honorer les obligations leur incombant en vertu de l'arrêt Avena, ils ont confirmé avoir «incontestablement reconnu que l'obligation d'assurer le réexamen et la revision est une obligation de résultat, et avoir cherché à obtenir ce résultat» ;

51. Considérant que, selon les Etats-Unis, en l'absence d'une contestation sur le sens et la portée du point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt Avena, la «prétention [du Mexique] ne peut entrer dans les prévisions de l'article 60» et qu'il serait donc d'après eux «inopportun pour la Cour de faire droit à cette prétention, y compris à la demande en indication de mesures conservatoires» ; et que les Etats-Unis soutiennent que la Cour n'a pas «compétence ratione materiae» pour connaître de la requête du Mexique et, par conséquent, «n'a pas la compétence prima facie requise pour indiquer des mesures conservatoires» ;

52. Considérant que les Etats-Unis font valoir que, dans ces conditions, la Cour «devrait envisager sérieusement de rejeter la demande en interprétation du Mexique dans son ensemble à ce stade de la procédure» ;

53. Considérant que les versions française et anglaise de l'article 60 du Statut ne sont pas en totale harmonie ; que le texte français emploie le terme «contestation», alors que le texte anglais utilise le mot «dispute» ; que le terme «contestation», utilisé dans la version française, a un sens plus large que le terme employé dans la version anglaise ; que l'article 60 du Statut de la Cour internationale de Justice est identique à l'article 60 du Statut de la Cour permanente de Justice internationale ; que les auteurs du Statut de la Cour permanente de Justice internationale ont choisi d'utiliser dans le texte français de l'article 60 un terme ⎯ «contestation» ⎯ distinct de celui ⎯ «différend» ⎯ qui est employé, notamment, au paragraphe 2 de l'article 36 et à l'article 38 du Statut ; que si, selon leur sens ordinaire, tous deux dénotent de manière générale une opposition de vues, le mot «contestation» a une portée plus large que le mot «différend» et n'implique pas nécessairement le même degré d'opposition ; que, par rapport à la notion de «différend», celle de «contestation» s'entend, dans son application à une situation donnée, de manière plus souple ; qu'il n'est pas nécessaire, pour établir l'existence d'une contestation («dispute» dans la version anglaise) au sens de l'article 60 du Statut, comprise comme une divergence d'opinion entre les parties quant au sens et à la portée d'un arrêt rendu par la Cour, que soient remplis les mêmes critères que ceux qui déterminent l'existence d'un différend («dispute» dans la version anglaise) tel que visé au paragraphe 2 de l'article 36 du Statut ; que, dans les circonstances de l'espèce, sera retenu le sens qui concilie le mieux les versions française et anglaise de l'article 60 du Statut compte tenu de son objet ; qu'il en est ainsi alors même que, dans la version anglaise, un terme unique ⎯ «dispute» ⎯ est employé indifféremment au paragraphe 2 de l'article 36 et aux articles 38 et 60 du Statut ; et que le mot anglais «dispute» peut également avoir un sens plus souple que celui qui lui est généralement prêté au paragraphe 2 de l'article 36 du Statut ;

54. Considérant que la question du sens du mot «contestation» («dispute») tel qu'employé à l'article 60 du Statut a été examinée dans la jurisprudence de la devancière de la Cour ; qu'il n'est pas exigé, aux fins de l'article 60, «que l'existence de la contestation se soit manifestée d'une certaine manière, par exemple par des négociations diplomatiques», ni que «la contestation se soit formellement manifestée» ; que la Cour permanente pouvait être saisie aussitôt que les Etats concernés avaient en fait manifesté des opinions opposées quant au sens et à la portée d'un arrêt de la Cour (Interprétation des arrêts nos 7 et 8 (usine de Chorzów), arrêt no 11, 1927, C.P.J.I. série A no 13, p. 10-11) ; et que la Cour internationale de Justice a confirmé cette lecture de l'article 60 en l'affaire de la Demande en revision et en interprétation de l'arrêt du 24 février 1982 en l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 217-218, par. 46) ;

55. Considérant que la Cour doit maintenant déterminer si paraît exister une contestation entre les Parties au sens de l'article 60 du Statut ; que, selon les Etats-Unis, leur pouvoir exécutif, seule autorité habilitée à les représenter sur le plan international, voit dans l'obligation prévue au point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt Avena une obligation de résultat ; que, de l'avis du Mexique, le fait qu'aucune autre instance, à l'échelon fédéral ou à celui des Etats, n'ait pris de mesures visant à empêcher que des ressortissants mexicains soient exécutés avant d'avoir pu bénéficier du réexamen et de la revision des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées à leur encontre traduit l'existence d'une contestation sur le sens et la portée de l'arrêt Avena ; et que, s'il semble que les deux Parties voient dans le point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt Avena une obligation internationale de résultat, elles n'en paraissent pas moins diverger d'opinion quant au sens et à la portée de cette obligation de résultat ⎯ plus précisément quant à la question de savoir si cette communauté de vues est partagée par toutes les autorités des Etats-Unis, à l'échelon fédéral et à celui des Etats, et si cette obligation s'impose à ces autorités ;

56. Considérant que, à la lumière des positions adoptées par les Parties, une divergence d'opinion paraît exister entre celles-ci quant au sens et à la portée de la conclusion énoncée par la Cour au point 9 du dispositif de l'arrêt (par. 153) et que, dès lors, la Cour pourrait en être saisie en vertu de l'article 60 de son Statut ;

57. Considérant que, au vu de ce qui précède, la Cour paraît pouvoir connaître, en vertu de l'article 60 du Statut, de la demande en interprétation ; qu'il en découle que la conclusion des Etats-Unis selon laquelle la requête du Mexique doit être rejetée in limine pour «défaut manifeste de compétence» ne peut être retenue ; et qu'il en découle également que la Cour peut connaître de la présente demande en indication de mesures conservatoires ;

* *

58. Considérant que la Cour, à l'occasion de l'examen d'une demande en indication de mesures conservatoires, «doit se préoccuper de sauvegarder ... les droits que l'arrêt qu'elle aura ultérieurement à rendre pourrait éventuellement reconnaître, soit au demandeur, soit au défendeur» (Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), mesures conservatoires, ordonnance du 15 mars 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 22, par. 35) ; et qu'un lien doit donc être établi entre les droits allégués dont la protection est recherchée par les mesures conservatoires sollicitées et l'objet de la demande principale soumise à la Cour ;

59. Considérant que le Mexique soutient que sa demande en indication de mesures conservatoires vise à sauvegarder les droits qu'il invoque dans sa demande en interprétation du point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt Avena ; que, selon lui, l'indication de mesures conservatoires est nécessaire aux fins de sauvegarder les droits en question tandis que la présente instance est pendante, puisque, «en procédant à l'exécution de M. Medellín ou d'autres ressortissants mexicains, les Etats-Unis priveraient à jamais ces ressortissants de l'interprétation exacte de l'arrêt» (les italiques sont dans l'original) ; que, de l'avis du Mexique, le point 9 du paragraphe 153 impose aux Etats-Unis une obligation de résultat ⎯ celle de n'«exécuter aucun des ressortissants mexicains cités dans l'arrêt à moins et jusqu'à ce que [le] réexamen et [la] revision [requis] aient été menés à bien et qu'il ait été établi qu'aucun préjudice n'a résulté de la violation conventionnelle commise, ou bien qu'il ait été remédié à un éventuel préjudice» ;

60. Considérant que le Mexique soutient que, au vu de la contestation opposant les Parties sur le sens et la portée du point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt Avena, «il ne saurait faire de doute que les mesures conservatoires demandées découlent des droits que le Mexique cherche à sauvegarder en attendant que la Cour éclaircisse le sens de l'obligation imposée par [ce] paragraphe» ;

61. Considérant que les Etats-Unis soutiennent que la demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Mexique vise à leur interdire d'exécuter les peines prononcées à l'encontre des ressortissants mexicains cités dans l'arrêt avant que la Cour ait pu statuer sur la demande en interprétation du Mexique ; qu'ils font valoir que, dans sa requête, le Mexique demande à la Cour une interprétation de l'arrêt Avena suivant laquelle les Etats-Unis ne doivent faire exécuter aucune peine «à moins que les intéressés aient pu bénéficier d'un réexamen et d'une revision et qu'il ait pu être établi qu'aucun préjudice n'a résulté de la violation de la convention de Vienne», et non une interprétation qui imposerait aux Etats-Unis une interdiction absolue de procéder à l'exécution des peines prononcées à l'encontre de chacun des individus visés dans l'arrêt Avena ; et qu'ils prétendent que, en faisant essentiellement porter sa demande en indication de mesures conservatoires sur l'exécution de la peine elle-même, et non sur le réexamen et la revision de cette peine, le Mexique vise à protéger des droits qu'il ne fait pas valoir dans sa demande en interprétation ;

62. Considérant que les Etats-Unis affirment qu'il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour que «toute mesure conservatoire indiquée doit avoir pour objet de sauvegarder les droits» faisant l'objet de la demande principale soumise à la Cour ; et qu'ils soutiennent que les mesures conservatoires sollicitées par le Mexique ne répondent pas au critère fixé par la Cour, puisqu'elles dépassent l'objet de l'instance pendante devant celle-ci sur la demande en interprétation ;

63. Considérant que, dans le cadre d'une procédure en interprétation, la Cour est appelée à éclaircir le sens et la portée de ce qui a été décidé avec force obligatoire dans un arrêt (Demande d'interprétation de l'arrêt du 20 novembre 1950 en l'affaire du droit d'asile (Colombie c. Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950, p. 402 ; Demande en revision et en interprétation de l'arrêt du 24 février 1982 en l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c. Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 223, par. 56) ; que le Mexique cherche à obtenir des éclaircissements sur le sens et la portée du point 9 du dispositif de l'arrêt de 2004 en l'affaire Avena (par. 153), dans lequel la Cour a conclu que les Etats-Unis étaient tenus d'assurer, par les moyens de leur choix, le réexamen et la revision des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées contre les ressortissants mexicains en tenant compte à la fois de la violation des droits prévus par l'article 36 de la convention de Vienne et des paragraphes 138 à 141 de l'arrêt ; que c'est l'interprétation du sens et de la portée de cette obligation et, partant, des droits que le Mexique ou ses ressortissants tiennent du point 9 du paragraphe 153 qui constitue l'objet de l'instance pendante devant la Cour sur la demande en interprétation ; et que le Mexique a présenté une demande en indication de mesures conservatoires à l'effet de protéger ces droits en attendant la décision définitive de la Cour ;

64. Considérant ainsi que les droits que le Mexique cherche à protéger aux termes de sa demande en indication de mesures conservatoires (voir paragraphe 40 ci-dessus) présentent un lien suffisant avec sa demande en interprétation ;

* *

65. Considérant que le pouvoir d'indiquer des mesures conservatoires que la Cour tient de l'article 41 de son Statut «présuppose qu'un préjudice irréparable ne doit pas être causé aux droits en litige dans une procédure judiciaire» (LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 3 mars 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 15, par. 22) ;

66. Considérant que le pouvoir de la Cour d'indiquer des mesures conservatoires ne sera exercé que s'il y a urgence, c'est-à-dire s'il est probable qu'une action préjudiciable aux droits de l'une ou de l'autre Partie sera commise avant que la Cour n'ait rendu sa décision définitive (voir par exemple Passage par le Grand-Belt (Finlande c. Danemark), mesures conservatoires, ordonnance du 29 juillet 1991, C.I.J. Recueil 1991, p. 17, par. 23 ; Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France), mesure conservatoire, ordonnance du 17 juin 2003, C.I.J. Recueil 2003, p. 107, par. 22 ; Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du 23 janvier 2007, C.I.J. Recueil 2007, p. 11, par. 32) ;

67. Considérant que le Mexique demande à titre principal à la Cour d'ordonner que les Etats-Unis
«[prennent], en attendant l'issue de l'instance [relative à la demande en interprétation concernant le point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt Avena], toutes les mesures nécessaires pour que José Ernesto Medellín, César Roberto Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos ne soient pas exécutés, à moins et jusqu'à ce que ces cinq ressortissants mexicains aient bénéficié du réexamen et de la revision prévus aux paragraphes 138 à 141 de l'arrêt [Avena]» ;

68. Considérant que le Mexique affirme qu'il court un risque réel de subir un préjudice irréparable et que les circonstances revêtent une urgence suffisante pour justifier l'indication de mesures conservatoires ; que, se fondant sur la jurisprudence de la Cour, il déclare qu'un préjudice irréparable serait causé à ses droits si l'une quelconque des personnes citées dans l'arrêt Avena était exécutée avant que la Cour ne se prononce sur sa demande en interprétation ; et que, selon lui,
«l'exécution d'un ressortissant mexicain visé par l'arrêt Avena et donc en droit d'obtenir le réexamen et la revision requis, si elle avait lieu avant que la Cour n'ait eu la possibilité de se prononcer sur la ... demande en interprétation, priverait à jamais le Mexique de la possibilité de faire valoir ses droits et ceux de ses ressortissants» ;

69. Considérant que le Mexique allègue qu'il y a indubitablement urgence dans les présentes circonstances puisque M. Medellín doit être exécuté le 5 août 2008, qu'un autre ressortissant mexicain cité dans l'arrêt Avena pourrait se voir signifier, à brève échéance, une date d'exécution à trente jours, tandis que trois autres pourraient se voir signifier, à brève échéance, une date d'exécution à quatre-vingt dix jours ; et qu'il précise qu'il «demande ... à la Cour de n'indiquer des mesures conservatoires qu'à l'égard de ceux de ses ressortissants qui ont épuisé les recours qui leur étaient ouverts et risquent d'être exécutés de manière imminente» et se réserve le droit de «s'adresser ... de nouveau à la Cour au sujet [d']autres personnes si les circonstances devaient le rendre nécessaire» ;

70. Considérant que le Mexique prie la Cour de
«préciser que l'obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour que l'exécution n'ait pas lieu s'applique à tous les organes compétents des Etats-Unis et à toutes les entités constitutives de ces derniers, y compris toutes les branches du gouvernement ainsi que tout détenteur de l'autorité publique, à l'échelon des Etats ou à l'échelon fédéral» (les italiques sont dans l'original)
et d'ordonner aux Etats-Unis d'informer la Cour des mesures qu'ils auront prises ;

71. Considérant que les Etats-Unis font valoir qu'il n'y a en l'espèce aucun droit en litige, et qu'«aucune des conditions régissant l'indication de mesures conservatoires n'est [donc] remplie» (les italiques sont dans l'original) ;

72. Considérant que l'exécution d'un ressortissant détenteur de droits dont le sens et la portée sont en cause, si elle avait lieu avant que la Cour n'ait rendu son arrêt sur le demande en interprétation, «rendrait impossible l'adoption de la solution demandée par [son Etat national] et porterait ainsi un préjudice irréparable aux droits revendiqués par celui-ci» (Convention de Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c. Etats-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, ordonnance du 9 avril 1998, C.I.J. Recueil 1998, p. 257, par. 37) ;

73. Considérant qu'il ressort des informations dont la Cour dispose en l'espèce que M. José Ernesto Medellín Rojas, ressortissant mexicain, doit être exécuté le 5 août 2008 et que d'autres ressortissants mexicains, MM. César Roberto Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos, risquent d'être exécutés dans les prochains mois ; que leur exécution porterait un préjudice irréparable à tout droit dont l'interprétation du sens et de la portée est en question ; que lesdits ressortissants mexicains sont susceptibles d'être exécutés avant que la Cour n'ait rendu son arrêt sur la demande en interprétation et que, en conséquence, il y a indubitablement urgence ;

74. Considérant que la Cour en conclut que les circonstances exigent qu'elle indique des mesures conservatoires pour sauvegarder les droits du Mexique, ainsi qu'il est prévu à l'article 41 de son Statut ;

* *

75. Considérant que la Cour a pleinement conscience de ce que le Gouvernement fédéral des Etats-Unis a pris des mesures nombreuses, diverses et répétées en vue d'honorer les obligations internationales incombant aux Etats-Unis en vertu de l'arrêt Avena ;

76. Considérant que la Cour note que les Etats-Unis ont reconnu que, si l'un quelconque des ressortissants mexicains cités dans la demande en indication de mesures conservatoires devait être exécuté sans avoir bénéficié du réexamen et de la revision prescrits par l'arrêt Avena, il y aurait violation des obligations que leur impose le droit international ; et que, en particulier, l'agent des Etats-Unis a déclaré à la Cour qu'«il serait manifestement contraire à l'arrêt Avena de procéder à l'exécution de la peine de M. Medellín sans accorder à celui-ci le réexamen et la revision requis» ;

77. Considérant que la Cour note encore que les Etats-Unis ont admis «qu'ils [étaient] responsables en droit international des actes de leurs entités politiques», notamment «des autorités fédérales, des autorités des Etats ou des autorités locales», et que leur propre responsabilité internationale serait engagée si, par suite d'actes ou d'omissions de l'une quelconque de ces entités politiques, ils se trouvaient dans l'incapacité de respecter les obligations internationales leur incombant en vertu de l'arrêt Avena ; et que, en particulier, l'agent des Etats-Unis a reconnu devant la Cour que «les Etats-Unis seraient incontestablement responsables, en application du principe de l'engagement de la responsabilité de l'Etat, à raison de faits internationalement illicites commis par les autorités d'Etats [fédérés]» ;

* *

78. Considérant que la Cour estime qu'il est dans l'intérêt des deux Parties que soit tranchée au plus vite toute divergence d'opinion ayant trait à l'interprétation du sens et de la portée des droits et obligations qui sont les leurs en vertu du point 9 du paragraphe 153 de l'arrêt Avena ; que, dès lors, il convient que la Cour veille à rendre dans les meilleurs délais un arrêt sur la demande en interprétation ;

79. Considérant qu'une décision rendue en la présente procédure relative à la demande en
indication de mesures conservatoires ne préjuge aucune question dont la Cour aurait à connaître
dans le cadre de l'examen de la demande en interprétation ;
*
* *
80. Par ces motifs,

LA COUR,

I. Par sept voix contre cinq,

Dit qu'elle ne saurait accueillir le chef de conclusions des Etats-Unis d'Amérique tendant à obtenir le rejet de la requête présentée par les Etats-Unis du Mexique ;

POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ranjeva, Koroma, Abraham, Sepúlveda-Amor, Bennouna, juges ;
CONTRE : MM. Buergenthal, Owada, Tomka, Keith, Skotnikov, juges ;

II. Indique à titre provisoire les mesures conservatoires suivantes :

a) Par sept voix contre cinq,
Les Etats-Unis d'Amérique prendront toutes les mesures nécessaires pour que MM. José Ernesto Medellín Rojas, César Roberto Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos ne soient pas exécutés tant que n'aura pas été rendu l'arrêt sur la demande en interprétation présentée par les Etats-Unis du Mexique, à moins et jusqu'à ce que ces cinq ressortissants mexicains aient bénéficié du réexamen et de la revision prévus aux paragraphes 138 à 141 de l'arrêt rendu par la Cour le 31 mars 2004 dans l'affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d'Amérique) ;

POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ranjeva, Koroma, Abraham, Sepúlveda-Amor, Bennouna, juges ;
CONTRE : MM. Buergenthal, Owada, Tomka, Keith, Skotnikov, juges ;

b) Par onze voix contre une,
Le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique portera à la connaissance de la Cour les mesures prises en application de la présente ordonnance ;

POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ranjeva, Koroma, Owada, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges ;
CONTRE : M. Buergenthal, juge ;

III. Par onze voix contre une,
Décide que, jusqu'à ce que la Cour rende son arrêt sur la demande en interprétation, elle
demeurera saisie des questions qui font l'objet de la présente ordonnance.
POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ranjeva, Koroma,
Owada, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges ;
CONTRE : M. Buergenthal, juge.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la Paix, à La Haye, le seize juillet deux mille huit, en trois exemplaires, dont l'un restera déposé aux archives de la Cour et les autres seront transmis respectivement au Gouvernement des Etats-Unis du Mexique et au Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique.

Le président,
(Signé) Rosalyn HIGGINS.

Le greffier,
(Signé) Philippe COUVREUR.

M. le juge BUERGENTHAL joint à l'ordonnance l'exposé de son opinion dissidente ; MM. les juges OWADA, TOMKA et KEITH joignent à l'ordonnance l'exposé de leur opinion dissidente commune ; M. le juge SKOTNIKOV joint à l'ordonnance l'exposé de son opinion dissidente.

(Paraphé) R. H.
(Paraphé) Ph. C.
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