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Question de la peine de mort : Rapport annuel du Secrétaire général (juin 2010-juillet 2011)

Conseil des droits de l'homme
Dix-huitième session
Points 2 et 3 de l'ordre du jour
Rapport annuel du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme et rapports du Haut-Commissariat et du Secrétaire général
Promotion et protection de tous les droits de l'homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement
Questions de la peine de mort
Rapport du Secrétaire général

Nations Unies
Assemblée générale

Résumé
Le présent rapport porte sur la période allant de juillet 2010 à juin 2011. Il appelle l'attention sur plusieurs phénomènes, notamment la poursuite de la tendance à l'abolition de la peine de mort, les difficultés qui empêchent encore d'obtenir des renseignements dignes de foi sur les exécutions et diverses actions menées au niveau international en faveur de l'abolition universelle de la peine de mort.


Table des matières

I. Introduction
II. Changements dans la législation et dans la pratique
A. Pays ayant aboli la peine de mort pour toutes les infractions
B. Pays ayant aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun
C. Pays ayant limité le champ d'application de la peine de mort ou restreint son utilisation
D. Pays ayant ratifié des instruments internationaux et régionaux prévoyant l'abolition de la peine mort
E. Pays observant un moratoire sur les exécutions
F. Pays ayant rétabli l'application de la peine de mort, élargi son champ d'application ou repris les exécutions
III. Application de la peine de mort
IV. Faits nouveaux survenus au plan international
A. Assemblée générale
B. Examen périodique universel
C. Procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme
D. Organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme
E. Bureaux, agences, fonds et programmes des Nations Unies
F. Commission internationale contre la peine de mort
G. Organismes régionaux
H. Autres initiatives
V. Conclusions

I. Introduction


1. Avant 2006, le Secrétaire général a présenté à la Commission des droits de l'homme des rapports annuels sur la question de la peine de mort. Comme suite à la résolution 2005/59 de la Commission, un rapport a été également soumis à la Commission à sa soixante-deuxième session en 2006 (E/CN.4/2006/83). Dans sa décision 2/102, le Conseil des droits de l'homme a prié le Secrétaire général de poursuivre ses activités, conformément à toutes les décisions adoptées précédemment par la Commission des droits de l'homme, et de mettre à jour les études et rapports pertinents. C'est dans ce contexte qu'est soumis le présent rapport, qui constitue une mise à jour des rapports précédents sur la question de la peine de mort et qui rend essentiellement compte de l'évolution de la question de la peine de mort entre juillet 2010 et juin 2011 1.

2. Le présent rapport a été établi sur la base des informations reçues des États Membres2 et des informations recueillies auprès des sources disponibles, notamment des organismes des Nations Unies, des organisations internationales et régionales et des organisations non gouvernementales (ONG).

II. Changements dans la législation et dans la pratique



3. Les changements d'ordre législatif peuvent comprendre l'adoption de nouvelles lois abolissant ou rétablissant la peine de mort, ou limitant ou élargissant son champ d'application, ainsi que la ratification d'instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de l'homme qui prévoient l'abolition de la peine de mort. Les changements dans la pratique concernent principalement les mesures non législatives qui traduisent une nouvelle approche concernant l'utilisation de la peine de mort, y compris la décision d'observer un moratoire ou de maintenir un moratoire de fait.

A. Pays ayant aboli la peine de mort pour toutes les infractions

4. Environ 140 des 192 États Membres de l'Organisation des Nations Unies ont aboli la peine de mort ou instauré un moratoire en droit ou dans la pratique. Cependant, seuls 73 États ont ratifié le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

5. Le Gabon a aboli la peine de mort pour toutes les infractions en février 20103. En vertu de la nouvelle loi, la peine de mort est remplacée par la réclusion à perpétuité avec possibilité de grâce ou d'amnistie, de liberté conditionnelle ou de mesures de substitution, mais seulement après au moins trente ans d'emprisonnement. En avril 2010, le Parlement de Djibouti a également adopté un amendement à la Constitution abolissant la peine de mort.

6. Aux États-Unis d'Amérique, en mars 2011, l'État de l'Illinois a adopté une loi abolissant la peine de mort, devenant ainsi le seizième État du pays à prendre une telle mesure. Lorsque le projet de loi a été signé, le Gouverneur de l'Illinois a déclaré dans un communiqué de presse qu'il n'avait trouvé aucune preuve crédible que la peine de mort avait un effet dissuasif sur le crime d'homicide, ajoutant que les sommes énormes dépensées par l'État dans le maintien d'un système de peine de mort devraient plutôt être utilisées à des fins de prévention du crime et pour aider les familles des victimes à surmonter leur douleur et leur chagrin4.

7. En 2010, le Ministère de la justice du Liban a soumis à l'Assemblée nationale un projet de loi tendant à abolir la peine de mort, mais le texte n'a pas reçu l'approbation de la majorité5. Les Parlements du Mali, de la Mongolie et de la République de Corée sont saisis de projets de loi tendant à abolir la peine de mort depuis 20106. En janvier 2011, le Gouvernement guatémaltèque a présenté au Congrès un projet de loi visant à modifier le Code pénal, le Code de procédure pénale et la loi antistupéfiants dans le but d'abolir la peine de mort7.

B. Pays ayant aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun

8. Pendant la période à l'examen, aucun pays n'a aboli la peine de mort pour les infractions de droit commun.

C. Pays ayant limité le champ d'application de la peine de mort ou restreint son utilisation

9. Même dans les pays où la peine de mort est toujours en vigueur, certaines avancées notables sur la voie d'une restriction de son utilisation ont été enregistrées pendant la période considérée. La situation a évolué en particulier sur les plans judiciaire, législatif et administratif dans plusieurs pays pour ce qui est de l'imposition obligatoire de la peine de mort et des aspects procéduraux de son application.

10. L'imposition obligatoire de la peine de mort sans tenir compte de la situation personnelle du défendeur ou des circonstances de l'infraction particulière a été déclarée inconstitutionnelle au Bangladesh. Dans son arrêt, la Section de la Haute Cour de la Cour suprême du Bangladesh a déclaré que toute disposition législative conférant un caractère obligatoire à la peine de mort allait à l'encontre de la Constitution en restreignant la discrétion du tribunal pour statuer sur toutes les questions portées devant lui, y compris la possibilité d'imposer une peine de substitution lorsque la culpabilité de l'accusé est établie8.
La Cour d'appel du Kenya a statué en juillet 2010 que l'imposition obligatoire de la peine de mort pour meurtre était contraire aux protections contre l'arbitraire et les traitements inhumains et incompatible avec la lettre et l'esprit de la Constitution9.

11. En octobre 2010, le Parlement du Guyana a adopté un projet de loi abolissant l'imposition obligatoire de la peine de mort contre les personnes reconnues coupables de meurtre. La peine de mort, cependant, reste applicable pour certaines catégories d'homicide. Pendant l'Examen périodique universel qui lui a été consacré en mai 2010, le Guyana s'est engagé à poursuivre l'examen de la question de l'abolition de la peine de mort et à en communiquer les résultats au Conseil des droits de l'homme au bout de deux ans10.

12. La Chine a continué d'appliquer la peine de mort dans un grand nombre de cas11.
Cependant, en juillet 2010, de nouvelles règles ont été promulguées conjointement par la Cour populaire suprême, le parquet populaire suprême et les ministères de la sécurité publique, de la sécurité de l'État et de la justice. Ces règles ont pour but de renforcer l'interdiction de l'utilisation des preuves obtenues par des moyens illégaux dans les affaires pénales, y compris les aveux obtenus sous la contrainte et autres preuves obtenues par la torture ou par des mauvais traitements, et d'améliorer les procédures légales en ce qui concerne la collecte, l'examen, la vérification et la détermination de la légalité des preuves dans les cas qui peuvent conduire à l'imposition de la peine de mort12. En février 2011, l'Assemblée nationale populaire a également adopté une loi supprimant la peine de mort pour 13 crimes économiques non violents13.

13. En avril 2011, le Parlement de la Gambie a aboli la peine de mort pour les infractions liées à la drogue, qui avait été introduite dans la loi de 2010 portant modification de la loi sur la lutte contre le trafic de drogues, au motif qu'il n'avait pas été tenu compte de l'interdiction constitutionnelle d'imposer la peine de mort pour des infractions n'entraînant pas la mort lors de l'adoption de ce texte.

D. Pays ayant ratifié des instruments internationaux et régionaux prévoyant l'abolition de la peine de mort

14. Le 6 décembre 2010, le Kirghizistan a adhéré au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort; il est ainsi devenu le soixante-treizième État partie à cet instrument.

15. Le Parlement de la Mongolie est saisi depuis 2010 d'un projet de loi prévoyant la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

16. Le 1er février 2011, le Conseil des ministres du gouvernement de transition de la Tunisie a annoncé que la Tunisie allait ratifier différents instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, y compris le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

17. Pendant la période à l'examen, le Protocole additionnel à la Convention américaine relative aux droits de l'homme traitant de l'abolition de la peine de mort et le Protocole no 6 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales concernant l'abolition de la peine de mort n'ont fait l'objet d'aucune nouvelle ratification ou adhésion.

E. Pays observant un moratoire sur les exécutions

18. Aucun nouveau pays n'a introduit de moratoire sur les exécutions au cours de la période considérée.

F. Pays ayant rétabli l'application de la peine de mort, élargi son champ d'application ou repris les exécutions

19. En 2010, le champ d'application de la peine de mort a été élargi en Gambie. Trois lois14 ont été adoptées par l'Assemblée nationale pour rendre la traite, le viol, le vol avec violence et la possession de plus de 250 grammes d'héroïne ou de cocaïne punissables de la peine de mort15.

20. Une nouvelle loi sur la lutte contre les stupéfiants a été votée en décembre 2010 et est entrée en vigueur le 4 janvier 2011 en République islamique d'Iran. L'article 18 de cette loi prévoit la peine de mort pour les trafiquants de drogues et autres personnes se livrant au commerce de stupéfiants16.

21. En février 2011, la Chine a introduit la peine de mort pour le prélèvement forcé d'organes sur des mineurs ayant entraîné la mort17.

III. Application de la peine de mort



22. Comme il a été noté dans les précédents rapports du Secrétaire général, il est difficile d'obtenir des chiffres globaux à jour et exacts sur l'application de la peine de mort. Cette difficulté découle d'un manque de transparence de la part de nombreux États concernant le nombre et les caractéristiques des personnes exécutées. Dans certains pays, cette information est considérée comme un secret d'État ou une question relevant du système national de justice pénale, qui ne doit pas faire l'objet d'ingérences. Dans un État, la publication de chiffres sur l'utilisation de la peine de mort est interdite par la loi.

23. En 2010, le nombre d'exécutions dans le monde (hors Chine) a été estimé par les organisations de défense des droits de l'homme à 527, mais le chiffre réel pourrait être nettement plus élevé18. Il a également été rapporté qu'au moins 2 024 nouvelles condamnations à mort ont été prononcées dans 67 pays en 201019. Bien qu'il n'existe pas d'informations précises sur le nombre total d'exécutions en Chine, Amnesty International a signalé qu'en 2010 la Chine a continué d'utiliser la peine de mort abondamment et exécuté
des milliers de personnes pour un large éventail d'infractions, y compris des infractions non violentes20.

24. Amnesty International a indiqué que dans la plupart des pays où le soutien à la peine de mort est encore fort, la peine capitale continue d'être imposée à l'issue de procès inéquitables, bien souvent sur la base d'aveux extorqués sous la torture. Dans la plupart des pays, la peine de mort est utilisée de manière disproportionnée contre les pauvres, les membres des minorités raciales, ethniques et religieuses et d'autres minorités. Dans certains pays, la peine de mort est prononcée pour des crimes non violents qui ne répondent pas au critère des «crimes les plus graves»21, tels que les crimes économiques, la sorcellerie, l'apostasie et les infractions liées à la drogue22 ou les relations sexuelles entre adultes consentants.

25. D'après les renseignements disponibles, diverses méthodes d'exécution, parmi lesquelles la décapitation, l'électrocution, la pendaison, l'injection létale, la fusillade ou la lapidation, ont été utilisés durant la période considérée23. Des exécutions publiques auraient eu lieu dans certains États, alors que dans d'autres24, les condamnés à mort n'ont pas été informés de leur exécution prochaine, ni leur famille ou leur avocat25.

26. Dans certains cas, des produits chimiques ou des équipements mortels auraient été vendus par des États abolitionnistes à des États non abolitionnistes et utilisés pour l'application de la peine de mort. En janvier 2011, 13 organisations de la société civile ont adressé un appel à la Commission européenne concernant le contrôle des exportations, depuis l'Europe, de médicaments qui sont utilisés pour les exécutions aux États-Unis26. Cet appel visait à ce que le thiopental sodique soit ajouté à l'annexe III du Règlement (CE) no 1236/2005 du Conseil, qui impose des restrictions et des contrôles sur le commerce de certains biens susceptibles d'être utilisés en vue d'infliger la peine capitale, la torture ou d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En avril 2011, 14 États membres de l'Union européenne, dont l'Espagne, ont demandé à l'Union européenne d'interdire l'exportation d'un médicament utilisé pour les injections létales dans plusieurs États des États-Unis27.

27. L'application de la peine de mort pour les infractions liées à la drogue reste l'un des problèmes majeurs. D'après Harm Reduction International, en 2010 la peine de mort était prévue pour les infractions liées à la drogue dans 32 pays ou territoires, et des centaines de personnes avaient été exécutées pour ce type d'infractions. Selon diverses sources, plus de 150 personnes ont été exécutées pour des infractions liées à la drogue en République islamique d'Iran en 2010. En Chine, au moins 59 personnes ont été exécutées dans la semaine du 26 juin 2010 pour marquer la Journée internationale de la lutte contre l'abus et le trafic de drogues; à cela s'ajoute un nombre inconnu de personnes qui ont été exécutées pour des infractions liées à la drogue pendant l'année. En Arabie saoudite, une personne a été décapitée pour avoir fait de la contrebande de haschisch. En 2010, des condamnations à mort pour des infractions liées à la drogue ont également été prononcées en Égypte, dans les Émirats arabes unis, au Koweït, en Malaisie, au Pakistan, en République démocratique populaire lao, à Singapour et au Viet Nam, ainsi que dans la province chinoise de Taiwan. Selon certaines sources, on compte actuellement au moins 58 trafiquants de drogues condamnés à mort en Indonésie et 339 (dont 68 femmes) en Thaïlande.

28. Pendant la période considérée, la peine de mort a été prononcée contre des personnes qui avaient moins de 18 ans au moment de l'infraction dans plusieurs pays, dont l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, le Nigéria, le Pakistan, la République islamique d'Iran et le Yémen28. Selon un rapport publié en 2011 par le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), 14 mineurs ont été exécutés ces cinq dernières années au Yémen, 11 mineurs sont sous le coup d'une condamnation à mort et 84 risquent d'être condamnés à mort29.

IV. Faits nouveaux survenus au plan international



29. La communauté internationale a poursuivi ses efforts en vue de l'abolition de la peine de mort au cours de la période considérée. Aux Nations Unies, l'Assemblée générale et le Conseil des droits de l'homme ont abordé la question de la peine de mort. Les organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ont également continué de se pencher sur la question en examinant les rapports des État parties et les communications soumises par des particuliers. Les organismes, bureaux, fonds et programmes des Nations Unies ont également continué d'aborder la question de la peine de mort dans leurs programmes et activités. Les organismes intergouvernementaux régionaux et les ONG ont également lancé plusieurs initiatives en faveur de l'abolition de la peine de mort dans le monde.

A. Assemblée générale

30. Le 21 décembre 2010, l'Assemblée générale a adopté la résolution 65/206, sa troisième sur la question d'un moratoire sur l'application de la peine de mort après les résolutions 62/149 et 63/168, qu'elle a réaffirmées. Dans sa résolution, l'Assemblée générale invite tous les États à respecter les normes internationales garantissant la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort et à fournir des renseignements au Secrétaire général à ce sujet. Elle demande également aux États de divulguer des informations pertinentes concernant l'application de la peine de mort, ce qui peut contribuer à des débats nationaux éclairés et transparents, de limiter progressivement l'application de la peine de mort et réduire le nombre d'infractions pour lesquelles elle peut être imposée et d'instituer un moratoire sur les exécutions en vue d'abolir la peine de mort. L'Assemblée générale engage en outre les États qui ont aboli la peine de mort à ne pas la réintroduire et les encourage à partager leur expérience à cet égard. Enfin, elle prie le Secrétaire général de lui présenter, à sa soixante-septième session, un rapport sur l'application de la résolution30.

31. L'Assemblée générale a également abordé la question de la peine de mort en République islamique d'Iran. Dans sa résolution 65/226, l'Assemblée s'est déclarée profondément préoccupée par le nombre toujours élevé et en augmentation rapide d'exécutions pratiquées sans égard pour les garanties reconnues au niveau international, et a demandé au Gouvernement de la République islamique d'Iran d'abolir, en droit et dans la pratique, les exécutions publiques et autres exécutions pratiquées au mépris des garanties reconnues au niveau international.

B. Examen périodique universel

32. Le Conseil des droits de l'homme a continué de traiter la question de la peine de mort dans le contexte de l'Examen périodique universel. À sa huitième session, le Groupe de travail sur l'Examen périodique universel a abordé la question de la peine de mort au Bélarus, à la Grenade, en Guinée, au Guyana et dans la République démocratique populaire lao. Le Guyana s'est engagé à consulter le Conseil des droits de l'homme et à lui faire rapport au bout de deux ans sur la question de l'abolition de la peine de mort31. Il a en outre indiqué qu'il avait déposé un amendement à la loi sur les infractions au droit pénal prévoyant des peines variées pour les différentes catégories d'homicide, y compris la prison à vie et des peines d'emprisonnement moins lourdes, ainsi que la possibilité de libération conditionnelle (A/HRC/15/L.10, par. 575). Le Bélarus a indiqué que, suivant la tendance en Europe à abolir la peine de mort, il continuerait de s'employer à former l'opinion publique en faveur de l'abolition et de coopérer activement avec les organisations internationales et régionales. Toutefois, il n'a pas accepté la recommandation du Groupe de travail tendant à abolir la peine de mort (ibid., par. 641).

33. Le Ministre de la justice de la Guinée, exposant les vues de son pays à la quinzième session du Conseil des droits de l'homme, a souligné que suite à des consultations de haut niveau, la Guinée avait décidé qu'il était prématuré d'inclure la question de l'abolition de la peine de mort ou de l'adoption d'un moratoire dans le débat national, en particulier pendant la période délicate de transition. À ce sujet, le Ministre de la justice a en outre déclaré que «la solution serait d'avoir un moratoire de facto» (ibid., par. 300). La République démocratique populaire lao a noté que la peine de mort n'était maintenue que pour dissuader les crimes les plus graves, en particulier le trafic de drogues, et qu'elle n'était pas prête à envisager de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (ibid., par. 324). De même, le Gouvernement du Lesotho n'a pas accepté la recommandation de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Il a toutefois fait observer qu'aucune exécution n'avait eu lieu depuis 1995 (ibid., par. 387).
La Grenade a rejeté les recommandations relatives à l'abolition de la peine de mort et à l'instauration d'un moratoire officiel sur les exécutions. À ce sujet, elle a noté que la peine de mort, même si elle était toujours inscrite dans la loi, n'avait pas été appliquée sur son territoire depuis des décennies (ibid., par. 504).

34. À sa neuvième session, le Groupe de travail sur l'Examen périodique universel a abordé la question de la peine de mort aux États-Unis, en Jamahiriya arabe libyenne, en Jamaïque, au Liban, au Libéria, au Malawi, aux Maldives et en Mongolie. Répondant aux recommandations tendant à ce qu'il abroge la loi sur la peine de mort, le Libéria a déclaré qu'il était conscient des préoccupations actuelles et recommandations qui découlaient de ses obligations en vertu du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel il a adhéré en 2005. Il a informé le Conseil que le rétablissement de la peine de mort avait été rendu nécessaire par les taux de criminalité élevés enregistrés dans le pays et qu'il faudrait plus de temps et le soutien de la population, avec laquelle des consultations avaient été engagées, pour abroger la loi autorisant la peine de mort32. La Jamahiriya arabe libyenne a examiné les recommandations tendant à ce qu'elle envisage d'adopter un moratoire sur l'exécution des condamnations à mort et les a acceptées33.

35. La Mongolie a accepté les recommandations concernant son adhésion au deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle a en outre fait part de son intention de lever le secret sur les informations relatives aux condamnations à mort prononcées par le passé et à ne plus classer ces informations comme secret d'État à l'avenir, comme suite à l'adoption d'un projet de loi et d'autres mesures visant l'abolition de la peine de mort (A/HRC/16/L.41, par. 420). La Mauritanie a rejeté la recommandation d'abolir la peine de mort mais a réaffirmé sa position abolitionniste de fait en notant qu'aucune exécution n'avait eu lieu sur son territoire depuis dix-sept ans (ibid., par. 711). Les États-Unis ont indiqué qu'ils n'acceptaient pas la recommandation tendant à ce qu'ils abolissent la peine capitale et qu'ils acceptaient les deux recommandations concernant l'exécution de mineurs et celle de personnes souffrant de certaines déficiences intellectuelles mais rejetaient la partie concernant l'ensemble des personnes atteintes d'une maladie mentale34.

36. À la onzième session du Groupe de travail sur l'Examen périodique universel, la Lettonie a fait part de l'élaboration de projets d'amendements législatifs portant sur l'abolition de la peine de mort en temps de guerre et sur la signature du Protocole no 13 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales concernant l'abolition de la peine de mort en toutes circonstances et la préparation de sa ratification. Elle a indiqué que cette initiative n'avait pas recueilli le soutien du Parlement, mais que les discussions sur cette question se poursuivraient35.

C. Procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme

37. Les procédures spéciales du Conseil des droits de l'homme ont également continué de se pencher sur la question de la peine de mort dans le cadre de leurs mandats respectifs.
En février 2011, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires et le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats ont publié une déclaration conjointe appelant l'attention sur la forte recrudescence des condamnations à mort en République islamique d'Iran et leur exécution au mépris des garanties reconnues sur le plan international, en dépit de nombreux appels lancés par les Nations Unies. Les experts ont noté que la peine de mort était considérée en droit international comme une forme extrême de châtiment qui, si elle était utilisée, ne devait être imposée que pour les crimes les plus graves, à l'issue d'un procès équitable. Ils ont engagé le Gouvernement iranien à déclarer immédiatement un moratoire sur la peine de mort en raison de la gravité de la situation et de l'absence de respect des garanties procédurales36. Dans un rapport de 2010, le Rapporteur spécial sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible a également affirmé que l'imposition de la peine de mort pour les infractions liées aux drogues constituait une violation du droit international des droits de l'homme (A/65/255, par. 17).

38. Dans son rapport intérimaire, le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l'homme au Myanmar a félicité le Gouvernement pour le moratoire effectif sur l'application de la peine de mort mais a regretté que les juridictions inférieures continuent de prononcer des condamnations à mort (A/HRC/13/48, par. 40). En 2010, l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Soudan a recommandé que le Gouvernement d'unité nationale du Soudan s'abstienne d'appliquer la peine de mort à des personnes mineures et institue un moratoire sur l'application de la peine de mort, comme demandé par l'Assemblée générale dans sa résolution 62/149 (A/HRC/14/41, par. 82 a)).

D. Organes créés en vertu d'instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme

39. Les organes conventionnels ont également continué à traiter la question de la peine de mort dans les observations finales adoptées à l'issue de l'examen des rapports des États parties et dans le cadre de l'examen des communications soumises par des particuliers. Le Comité des droits de l'homme a fait référence à la peine de mort en ce qui concerne six États parties dont les rapports ont été examinés pendant la période considérée, à savoir la Belgique, le Cameroun, l'Estonie, la Jordanie, la Mongolie et la Pologne. Le Comité des droits de l'homme a accueilli avec satisfaction la ratification par l'Estonie du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort, qui est entré en vigueur en 2004 (CCPR/C/EST/CO/3, par. 4). Il a encouragé le Cameroun, la Jordanie et la Pologne à ratifier le deuxième Protocole facultatif37. Le Comité a en outre salué l'adoption d'une disposition constitutionnelle consacrant le principe de l'abolition de la peine de mort en Belgique (CCPR/C/BEL/CO/5, par. 4) et encouragé le Cameroun à abolir la peine de mort ou, au moins, officialiser le moratoire de fait sur la peine de mort (CCPR/C/CMR/CO/4, par. 14). Il s'est félicité du moratoire de fait sur les exécutions capitales appliqué en Jordanie depuis avril 2007 (CCPR/C/JOR/CO/4, par. 3) et a noté avec préoccupation que la peine de mort n'avait pas encore été abolie en droit en Mongolie, malgré le moratoire sur l'exécution des condamnations à mort, qu'il y avait lieu de saluer (CCPR/C/MNG/CO/5, par. 6).

40. Dans deux cas individuels récents, le Comité des droits de l'homme a réaffirmé qu'une condamnation à mort à l'issue d'un procès au cours duquel les garanties d'un procès équitable n'ont pas été respectées constituait une violation de l'article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques38. Dans une autre affaire, dans laquelle les autorités kirghizes ont refusé de fournir des informations sur le nombre de personnes condamnées à mort au Kirghizistan, le Comité a réaffirmé que les informations spécifiques demandées par l'auteur de la communication, qui concernaient le nombre de personnes condamnées à mort, étaient d'intérêt public39. Le Comité des droits de l'homme a considéré que le grand public avait un intérêt légitime à accéder aux informations sur l'application de la peine de mort et que l'État partie (Kirghizistan) n'avait pas justifié les restrictions apportées à l'exercice par l'auteur du droit d'avoir accès à l'information sur l'application de la peine de mort détenue par les organismes publics. Par conséquent, le Comité a conclu à une violation du paragraphe 2 de l'article 19 du Pacte.

41. Le Comité des droits de l'enfant a également fait référence à la peine de mort en ce qui concerne quatre États parties pendant la période considérée: le Bélarus, le Guatemala, la République démocratique populaire lao et le Soudan (au titre de la Convention relative aux droits de l'enfant et de son Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés). Le Comité a recommandé au Bélarus et au Guatemala de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques40. Dans ses observations finales concernant le rapport du Soudan, le Comité a constaté avec préoccupation que, malgré l'adoption de la loi sur les enfants (2010), qui interdit de condamner un enfant à la peine capitale, l'article 36 de la Constitution intérimaire du Soudan autorise la condamnation à mort de personnes de moins de 18 ans dans les affaires relevant de la loi du talion ou les cas de houdoud41. Le Comité s'est également déclaré préoccupé par certaines informations récentes indiquant que la peine de mort continuait d'être appliquée à des enfants. Il a rappelé au Soudan que l'application de la peine de mort à des enfants constituait une grave violation des articles 6 et 37 a) de la Convention relative aux droits de l'enfant, et demandé instamment au Soudan de veiller à ce qu'aucun enfant ne soit condamné à mort, y compris dans les affaires relevant de la loi du talion ou les cas de houdoud, et de commuer toute peine de mort déjà prononcée contre une personne de moins de 18 ans en une peine de substitution appropriée.

42. Le Comité des droits de l'enfant a également noté avec préoccupation que la peine de mort n'était pas explicitement interdite pour les enfants en République démocratique populaire lao (CRC/C/LAO/CO/2, par. 71). En ce qui concerne le Nigéria, tout en notant avec satisfaction que la peine de mort était interdite par la loi sur les droits de l'enfant, le Comité a jugé très préoccupantes les informations selon lesquelles une quarantaine de prisonniers seraient sous le coup d'une condamnation à mort pour des infractions commises alors qu'ils avaient moins de 18 ans. Il a indiqué qu'il partageait la vive préoccupation exprimée par le Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de l'enfant concernant le caractère obligatoire de la peine de mort pour certaines infractions dans les lois pénales de la charia (y compris les châtiments Hadd), en vertu duquel des enfants pourraient être condamnés à mort, compte tenu de l'absence de définition de l'enfant comme personne de moins de 18 ans et du fait que dans certains États la définition de l'enfant est fondée sur le critère de la puberté (CRC/C/NGA/CO/3-4, par. 32). Le Comité des droits de l'enfant a recommandé au Nigéria de saisir l'occasion de la révision constitutionnelle en cours pour interdire expressément l'application de la peine de mort aux personnes de moins de 18 ans. Il a également engagé le Nigéria à revoir les dossiers de tous les prisonniers condamnés à mort pour des crimes commis avant l'âge de 18 ans, et à interdire la peine de mort pour toutes les personnes de moins de 18 ans dans la législation nationale (ibid., par. 33).

43. Le Comité contre la torture a aussi continué de saluer l'abolition de la peine de mort et le moratoire sur les exécutions dans certains pays, et de recommander la ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En outre, étant donné que l'information sur les condamnations à mort, y compris les données chiffrées, n'est pas rendue publique par certains États parties, le Comité a demandé que cette information soit fournie de manière systématique. Dans ses observations finales concernant l'Éthiopie, le Comité a recommandé à l'État partie d'envisager de ratifier le deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de prolonger le moratoire de fait sur l'exécution de la peine de mort et de commuer les peines de mort pour les condamnés en attente d'exécution. Le Comité a également demandé à l'Éthiopie d'indiquer le nombre de personnes qui sont actuellement en attente d'exécution, en ventilant les données par sexe, âge, appartenance ethnique et type d'infraction (CAT/C/ETH/CO/1, par. 24). Dans le cadre de l'examen du rapport initial de la Mongolie, le Comité a encouragé la Mongolie à poursuivre ses efforts en vue de l'abolition et à lever le secret sur les informations relatives à la peine de mort (CAT/C/MNG/CO/1, par. 19).

E. Bureaux, agences, fonds et programmes des Nations Unies

44. La Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme a continué de traiter la question de la peine de mort dans le cadre de son mandat, qui est de promouvoir et protéger l'exercice et la pleine réalisation, par toutes les personnes, de tous les droits de l'homme. La Haut-Commissaire a également envoyé des communications officielles aux autorités compétentes et fait paraître des communiqués de presse sur la question de la peine de mort. En février 2011, elle a publiquement exprimé son inquiétude face à l'augmentation spectaculaire du nombre d'exécutions depuis le début de 2011 en République islamique d'Iran et a appelé le Gouvernement iranien à instituer un moratoire sur les exécutions en vue d'abolir la peine de mort42. Dans un communiqué de presse publié en mai 2011, la Haut-Commissaire s'est déclarée profondément préoccupée par la détérioration de la situation des droits de l'homme au Bahreïn, y compris la condamnation à mort de quatre manifestants prodémocratie, après un procès militaire à huis clos43.

45. En 2010, l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a présenté un rapport intitulé «Drug control, crime prevention and criminal justice: a human rights perspective»44 à la Commission des stupéfiants et à la Commission pour la prévention du crime et la justice pénale. Le rapport rappelle que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques précise que dans les pays où la peine de mort n'a pas été abolie, une sentence de mort ne peut être prononcée que pour les «crimes les plus graves». Le concept de «crimes les plus graves» couvre uniquement les crimes pour lesquels l'intention de tuer peut être démontrée et a entraîné la mort. Il ressort de la majorité des analyses que les infractions liées à la drogue (comme la possession et le trafic) et celles de nature purement économique ne remplissent pas ce critère. De plus, il est interdit aux États qui ont aboli la peine de mort d'extrader une personne vers un pays où elle risque d'être condamnée à mort45.

46. L'ONUDC a également signalé que, malgré ces interdictions, un grand nombre des 47 États qui continuent d'utiliser la peine capitale ont procédé à des exécutions pour des infractions liées à la drogue ces dernières années. Dans certains de ces pays, les personnes condamnées pour des infractions à la législation sur les stupéfiants représentent une part importante du nombre total d'exécutions. Dans son rapport, l'ONUDC souligne que, en tant qu'entité du système des Nations Unies, il préconise l'abolition de la peine de mort et appelle les États Membres à respecter les normes internationales concernant l'interdiction de la peine de mort pour des infractions liées à la drogue ou de nature purement économique46.

47. La Représentante spéciale du Secrétaire général sur la violence à l'encontre des enfants a apporté son soutien à une campagne lancée par le Réseau d'information sur les droits de l'enfant en octobre 2010 pour mettre fin à toutes les condamnations d'enfants à des peines inhumaines, y compris la peine de mort. Dans sa déclaration, la Représentante spéciale a relevé que dans certains États, les enfants peuvent recevoir des sentences d'une extrême violence, comme la flagellation, la lapidation, les amputations, la peine capitale et les exécutions, et condamné les nombreuses injustices graves commises contre des enfants en vertu de certains codes pénaux47.

F. Commission internationale contre la peine de mort

48. Parmi les autres faits nouveaux survenus au plan international pendant la période considérée, il convient de signaler la création de la Commission internationale contre la peine de mort en octobre 2010 dans le but de renforcer la lutte contre la peine de mort dans toutes les régions du monde. La création de la Commission était une initiative intergouvernementale dirigée par l'Espagne et soutenue par l'Afrique du Sud, l'Algérie, l'Argentine, la France, l'Italie, le Kazakhstan, le Mexique, la Mongolie, les Philippines, le Portugal, la République dominicaine, la Suisse, le Togo et la Turquie. La Commission est composée de 12 personnalités éminentes de rang international, totalement indépendantes dans leur prise de décisions, et se caractérise par une large représentation géographique.

G. Organismes régionaux

49. Les organismes régionaux ont également continué d'appuyer les efforts déployés à l'échelle mondiale en vue de l'abolition de la peine de mort. En juin 2010, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a émis une ordonnance de mesure provisoire empêchant les gouverneurs des États du Nigéria de reprendre les exécutions dans le pays, en attendant l'examen d'une communication soumise par plus de 800 condamnés à mort.

50. En novembre 2010, le Groupe de travail sur la peine de mort en Afrique, établi par la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, a indiqué qu'il avait examiné un projet de résolution sur l'abolition de la peine de mort. Il a considéré qu'il était important que la Commission africaine envisage l'adoption d'une telle résolution afin de progresser sur la voie de l'abolition de la peine de mort48. En outre, le Groupe de travail a préparé un document sur la question de la peine de mort en Afrique et fait savoir qu'il mettrait à jour celui-ci afin de refléter la situation actuelle en Afrique et le présenterait à la Commission africaine en mai 201149; il envisageait également la rédaction d'un protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples sur l'abolition de la peine de mort en Afrique50. De plus, le Groupe de travail a adressé des lettres d'appel aux autorités compétentes sur la situation de la peine de mort en Gambie, au Nigéria et au Soudan51. Le Commissaire de la Commission africaine a rappelé aux États parties à la Charte africaine que la peine capitale était cruelle, et donc moralement injustifiable, inutile, irréversible et illogique, et qu'elle représentait une violation extrêmement grave des droits de l'homme fondamentaux, en particulier du droit à la vie consacré à l'article 4 de la Charte africaine52.

51. Le Parlement européen a adopté une résolution sur la peine de mort le 7 octobre 2010, à l'occasion de la Journée mondiale contre la peine de mort. Dans cette résolution, le Parlement européen a réaffirmé son opposition de longue date à la peine de mort dans tous les cas et en toutes circonstances et a souligné une fois de plus que l'abolition de la peine de mort contribuait au renforcement de la dignité humaine et au développement progressif des droits de l'homme (par. 1). Il a demandé instamment à l'Union européenne d'utiliser tous les moyens qu'offraient la diplomatie et l'assistance accordée au titre de la coopération pour œuvrer en faveur de l'abolition universelle de la peine de mort (par. 3).

52. Les participants au forum annuel des institutions européennes et des ONG organisé par l'Union européenne à Bruxelles en juillet 2010 ont débattu de quatre questions, dont les instruments de l'Union européenne pour la lutte contre la peine de mort. Ils ont affirmé que l'abolition universelle de la peine de mort comptait parmi les principaux objectifs de la politique européenne de l'Union en matière de droits de l'homme53. Le 10 octobre 2010, pour marquer la Journée mondiale et européenne contre la peine de mort, l'Union européenne a publié une déclaration dans laquelle elle réaffirmait que la peine de mort était un châtiment cruel et inhumain qui représentait un déni inacceptable de la dignité et de l'intégrité humaines. La déclaration rappelait également que l'Union européenne utilisait tous les moyens à sa disposition − y compris la voie diplomatique et les activités de sensibilisation du public − pour œuvrer en faveur de l'abolition de la peine de mort partout dans le monde, et qu'elle encourageait le débat public, de manière à renforcer l'opposition du public et faire pression sur les pays qui maintiennent la peine de mort pour qu'ils abolissent celle-ci, ou au moins introduisent dans un premier temps un moratoire54.

53. L'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a adopté une résolution sur la peine de mort en juillet 201055. Dans sa résolution, l'Assemblée a invité les États participants de l'OSCE qui appliquent la peine de mort à déclarer un moratoire immédiat sur les exécutions (par. 46). En particulier, elle a invité le Bélarus et les États-Unis à prendre immédiatement des mesures en vue de l'abolition de la peine de mort (par. 49 et 50). Elle a également invité la Lettonie à modifier son Code pénal afin d'abolir la peine de mort pour meurtre avec circonstances aggravantes lorsque celui-ci est commis en temps de guerre (par. 51).

54. Les mécanismes interaméricains des droits de l'homme ont également continué de se pencher sur la question de la peine de mort au cours de la période considérée. En octobre 2010, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a vivement engagé les ÉtatsUnis à suspendre l'exécution de Jeffrey Timothy Landrigan, en faveur duquel elle avait demandé des mesures provisoires de protection en 200456. En 2010, au sujet d'une requête concernant l'extradition d'une personne du Pérou vers la Chine, la Commission a considéré que l'évaluation inadéquate par les autorités péruviennes des garanties données par la Chine que le requérant ne serait pas condamné à mort et de la possibilité qu'il soit soumis à des traitements cruels et inhumains pouvait constituer un manquement aux obligations découlant des articles 4 et 5 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme57.
En mai 2010, la Cour interaméricaine des droits de l'homme a condamné le Pérou à s'abstenir d'extrader le requérant et en novembre, elle a prolongé les mesures provisoires jusqu'au 31 mars 201158.

55. Pendant la période considérée, la Commission a également déclaré recevables plusieurs communications qui concernaient la peine de mort. En mars 2011, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a reçu 14 communications dans lesquelles il était affirmé que les États-Unis avaient violé les droits des personnes visées, qui avaient été condamnées à mort dans six États (Caroline du Nord, Caroline du Sud, Géorgie, Missouri, Texas et Utah) et par la suite exécutées. Toutes les victimes avaient fait l'objet de mesures de protection demandées par la Commission59.

56. Lorsqu'elle a examiné la situation des droits de l'homme à Cuba en 2010, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a instamment demandé au Gouvernement cubain d'adopter les mesures législatives et autres nécessaires pour garantir que la peine de mort ne soit pas imposée en violation des principes d'une procédure régulière et d'un procès équitable devant un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi antérieurement par la loi60.

H. Autres initiatives

57. Pendant la période considérée, les ONG ont renforcé leur action en vue de l'abolition de la peine de mort. En septembre 2010, une conférence régionale sur la peine de mort organisée conjointement par Penal Reform International, l'Institut suédois d'Alexandrie et le Centre arabe pour l'indépendance de la magistrature et des professions judiciaires s'est tenue à Alexandrie (Égypte), avec la participation d'organisations de la société civile et d'organismes régionaux et internationaux, dont l'Union européenne, la Ligue des États arabes, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. À l'issue de la conférence, un guide pratique a été publié en décembre 201061. Ce guide contient des propositions concrètes pour l'élaboration de stratégies de plaidoyer appropriées, la définition de méthodes et la mise en œuvre d'activités de conseil dans le but de favoriser le changement aux niveaux national, régional et international.

58. En février 2011, plusieurs ONG de défense des droits de l'homme ont formé une alliance informelle afin d'intensifier la campagne contre la peine de mort en Thaïlande.
Lors d'une manifestation en marge de la onzième session du Groupe de travail sur l'Examen périodique universel, la Coalition mondiale contre la peine de mort et le Centre pour les droits de l'homme de la faculté de droit de la Northwestern University à Chicago ont lancé une nouvelle base de données internationale sur la législation et la pratique des États qui maintiennent la peine de mort62.

V. Conclusions



59. L'évolution récente de la situation concernant la question de la peine de mort, décrite dans le présent rapport, montre que les efforts pour abolir la peine de mort se poursuivent. Avec l'adoption de sa troisième résolution (65/206) relative à un moratoire sur l'application de la peine de mort, l'Assemblée générale a réitéré son appel en faveur d'un moratoire mondial sur les exécutions, en vue de l'abolition de la peine de mort. L'Assemblée générale a souligné que la peine de mort portait atteinte à la dignité humaine. Ce sentiment trouve écho dans toutes les régions du monde. Pour marquer le vingtième anniversaire de l'entrée en vigueur du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques en juillet 2011, les États devraient multiplier les actions en faveur de la ratification de cet instrument international.

60. L'abolition de la peine de mort pour de nombreux pays est un long processus, qui n'aboutit souvent qu'après une période de débat national difficile, voire houleux. Les États devraient rendre publiques les informations pertinentes sur la peine de mort afin de favoriser un débat constructif. Jusqu'à ce que la peine de mort soit abolie, les États Membres de l'Organisation des Nations Unies qui ont encore l'intention d'imposer la peine de mort devraient soit adopter un moratoire soit n'appliquer la peine de mort que dans le cas des crimes les plus graves. La protection des droits des personnes passibles de la peine de mort devrait être garantie, conformément aux normes internationales en vigueur.

61. L'action constante du Conseil des droits de l'homme, notamment dans le cadre de l'Examen périodique universel et des procédures spéciales, ainsi que des organes conventionnels est essentielle pour permettre de suivre les tendances en faveur de l'abolition de la peine de mort et de donner aux États des orientations appropriées dans ce domaine. Les organismes des Nations Unies, les organes intergouvernementaux régionaux et les ONG devraient continuer à soutenir les États par leurs activités de plaidoyer, de surveillance et de coopération technique aux fins de l'abolition de la peine de mort.

62. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) avait initialement interprété la décision 2/102 comme prolongeant les rapports précédemment demandés par la Commission des droits de l'homme et fixant un cycle annuel pour leur présentation. Jusqu'à récemment, cette interprétation était réputée recueillir l'approbation tacite des États Membres. Toutefois, une objection a été officiellement soulevée en 2010, quoique dans le contexte d'un autre rapport dont la périodicité annuelle se fondait également sur la décision 2/102. Le HCDH a donc réexaminé la décision en question, et a conclu que le Conseil des droits de l'homme avait voulu combler une lacune technique en s'assurant que les rapports considérés comme devant être soumis à la Commission des droits de l'homme à sa soixante-deuxième session seraient prolongés d'un an et soumis à la session de fond ultérieure du Conseil. Cette période de transition étant terminée et une objection ayant été enregistrée quant à l'interprétation initiale tendant à établir des cycles annuels, si le Conseil souhaite maintenir l'établissement de tels rapports, une nouvelle résolution ou décision sur la question devra être présentée.



Notes


1
Le présent rapport contient également des informations sur des faits nouveaux survenus entre janvier et juin 2010 qui n'étaient pas couverts par le précédent rapport (A/HRC/15/19).
2
Algérie, Argentine, Bélarus, Bosnie-Herzégovine, Canada, Cuba, Égypte, Espagne, Géorgie, Guatemala, Jamaïque, Ouzbékistan, République démocratique populaire lao, République de Moldova, Slovaquie, Suisse, Tunisie, Turquie.
3
La loi 3/2010, qui abolit la peine de mort au Gabon, a été approuvée par le Parlement en janvier 2010 et promulguée le 15 février 2010 (information reçue en février 2011). A/HRC/18/20
4
Déclaration du Gouverneur Pat Quinn concernant le projet de loi 3539 du Sénat, communiqué de presse de l'État de l'Illinois, 9 mars 2011. Le projet de loi a été signé par le Gouverneur le 9 mars et a pris effet le 1er juillet 2011.
5
Projet de rapport du Conseil des droits de l'homme sur sa seizième session (A/HRC/16/L.41),
par. 586.
6
Amnesty International, Death sentences and executions 2010 (Londres, 2011), p. 7.
7
Note verbale du Guatemala en date du 4 mai 2011.
8
Bangladesh Legal Aid and Services Trust and another v. Bangladesh, requête no 8283 de 2005, jugement rendu en 2010, p. 34.
9
Mutiso v. Republic of Kenya, appel no 17 de 2008, par. 28, 33, 34 et 36 à 38, Cour d'appel de Mombasa, 30 juillet 2010.
10
Observations sur les conclusions et/ou recommandations, engagements exprimés et réponses du Guyana dans le cadre de l'Examen périodique universel (A/HRC/15/14/Add.1), par. 52. Voir aussi par. 31 à 34.
11
Amnesty International, Death sentences (note 6, supra), p. 17; voir également plus bas, par. 23.
12
Amnesty International, Death sentences, p. 19.
13
Chine, «China exempts 13 crimes from death penalty». Disponible à l'adresse suivante: http://english.gov.cn/2011-02/25/content_1810870.htm, 25 février 2011.
14
Loi de 2010 portant modification de la loi sur la lutte contre le trafic de drogues, loi de 2010 portant modification de la loi sur la lutte contre la traite des êtres humains et loi de 2010 portant modification du Code pénal.
15
Le Parlement gambien a toutefois aboli la peine de mort pour les infractions liées à la drogue en avril 2011. Voir plus haut, par. 13.
16
Rapport intérimaire du Secrétaire général sur la situation des droits de l'homme en République islamique d'Iran (A/HRC/16/75), par. 11.
17
Chine, «China exempts 13 crimes» (voir note 13).
18
Amnesty International, Death sentences (note 6, supra), p. 5. Voir également Commission mondiale contre la peine de mort, Faits et chiffres concernant la peine de mort 2010, disponibles à l'adresse suivante: www.worldcoalition.org/modules/wfdownloads/singlefile.php?cid=34&lid=342, et Hands off Cain, projet de rapport sur la peine de mort dans le monde 2011 (à paraître), p. 3.
19
Amnesty International, Death sentences, p. 5.
20
Ibid., p. 19.
21
Amnesty International, Death sentences (note 6, supra), p. 3. Voir aussi www.deathpenalty worldwide. org/most-serious-crimes.cfm.
22
Voir le paragraphe 27 pour plus de détails sur l'application de la peine de mort pour les infractions liées à la drogue.
23
Amnesty International, Death sentences, p. 6.
24
Ibid., p. 30. Voir également A/HRC/16/75, par. 16, et Hands Off Cain, projet de rapport (note 18, supra), p. 8, 9 et 24.
25
Amnesty International, Death sentences, p. 6.
26
Communication adressée à la Commission européenne concernant la modification du Règlement (CE) no 1236/2005 du Conseil, tendant à inclure les médicaments utilisés dans les systèmes d'injection automatique conçus pour l'exécution d'êtres humains par l'administration d'un agent chimique mortel, disponible à l'adresse suivante: www.penalreform.org/files/Joint_NGO_Submission_ on_EU_Torture_Reg_sodium_thiopental%5B1%5D.doc.
27
Note verbale de l'Espagne, en date du 28 avril 2011.
28
Amnesty International, Death Sentences (note 6, supra), p. 13; Hands Off Cain (note 18, supra), p. 7 et 17. Voir également plus haut, par. 41 et 42, en ce qui concerne le Comité des droits de l'enfant et la peine de mort.
29
Chiffres cités par le Réseau d'information sur les droits de l'enfant, CRINMAIL 1209. Disponibles à l'adresse suivante: www.crin.org/email/crinmail_detail_popup.asp?crinmailID=3467.
30
Dans une note verbale adressée au Secrétaire général en date du 11 mars 2011, 53 États Membres de l'ONU ont fait savoir qu'ils continuaient de «s'opposer à toute tentative visant à imposer un moratoire sur la peine de mort ou l'abolition de cette dernière en violation des dispositions du droit international en vigueur» (A/65/779).
31
Rapport du Conseil des droits de l'homme sur sa quinzième session (A/HRC/15/L.10), par. 569.
32
Rapport du Conseil des droits de l'homme sur sa seizième session (A/HRC/16/L.41), par. 351 et 352.
33
Rapport du Groupe de travail sur l'Examen périodique universel concernant la Jamahiriya arabe libyenne (A/HRC/16/15), par. 93.34.
34
Observations sur les conclusions et/ou recommandations, engagements exprimés et réponses des États-Unis dans le cadre de l'Examen périodique universel (A/HRC/16/11/Add.1), par. 8.
35
Rapport national présenté par la Lettonie au Groupe de travail sur l'Examen périodique universel (A/HRC/WG.6/11/LVA/1), par. 128.
36
Haut-Commissariat aux droits de l'homme, «Les experts de l'ONU appellent la République islamique d'Iran à adopter un moratoire sur la peine de mort», communiqué de presse, 2 février 2011.
37
CCPR/C/CMR/CO/4, par. 14; CCPR/C/JOR/CO/4, par. 20; CCPR/C/POL/CO/6, par. 11.
38
Voir communications no 1304/2004, Khoroshenko c. Fédération de Russie, constatations adoptées le 29 mars 2011 et no 1503/2006, Akhadov c. Kirghizistan, constatations adoptées le 25 mars 2011.
39
Conformément aux résolutions 2003/67 et 2004/67 de la Commission des droits de l'homme sur la question de la peine de mort, et au Document de la Réunion de Copenhague de la Conférence sur la dimension humaine de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (29 juin 1990). Voir communication no 1470/2006, Toktakunov c. Kirghizistan, constatations adoptées le 28 mars 2011.
40
CRC/C/BLR/CO/3-4, par. 74; CRC/C/GTM/CO/3-4, par. 103.
41
CRC/C/SDN/CO/3-4, par. 35. Le paragraphe 2 de l'article 36 de la Constitution nationale intérimaire de la République du Soudan 2005 dispose que la peine de mort ne peut pas être prononcée contre une personne de moins de 18 ans ou une personne qui a atteint l'âge de 70 ans, sauf dans les cas relevant de la loi du talion ou dans les cas de houdoud.
42
Haut-Commissariat aux droits de l'homme, «La Haut-Commissaire profondément préoccupée par la récente augmentation du nombre d'exécutions», communiqué de presse, février 2011.
43
Centre d'actualités de l'ONU, «UN human rights chief voices deep concerns about Bahrain crackdown», 5 mai 2011, disponible à l'adresse suivante: www.un.org/apps/news/story.asp?NewsID= 38279&Cr=Bahrain&Cr1.
44
E/CN.7/2010/CRP.6−E/CN.15/2010/CRP.1.
45
Ibid., par. 25.
46
Ibid., par. 26.
47
Voir www.crin.org/violence/search/closeup.asp?infoID=23332.
48
Rapport intérimaire du Groupe de travail sur la peine de mort en Afrique de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, novembre 2010, par. 18.
49
Ibid., par. 16.
50
Ibid., par. 18.
51
Rapport d'activité conjoint du Commissaire de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples et du Président du Groupe de travail sur la peine de mort en Afrique. Quarante-neuvième session ordinaire de la Commission, 28 avril-12 mai 2011, Banjul (Gambie).
52
Ibid., par. 14.
53
Recommandations du forum sur le thème «Les instruments de l'Union européenne relatifs aux droits de l'homme et le Traité de Lisbonne: état des lieux et perspectives d'avenir», tenu les 12 et 13 juillet 2010 à Bruxelles. Document disponible à l'adresse suivante: http://www.europarl.europa.eu/meetdocs/2009_2014/documents/droi/dv/201/201009/20100913_ngoforumrecomms_en.pdf.
54
Union européenne, «L'Union européenne poursuit ses efforts en vue de l'abolition universelle de la peine de mort», communiqué de presse, 8 octobre 2010.
55
Disponible à l'adresse suivante: www.osce.org/home/71711.
56
Bien que la Commission ait demandé la suspension immédiate de l'exécution, Jeffrey Timothy Landrigan a é
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